«Chebeya» : le général Ponde, auditeur général des FARDC accusé !

Lundi 6 avril 2015 - 10:04

Alors que toutes les parties attendent fiévreusement la réouverture des débats le mardi 21 avril 2015  à la prison de Makala, un nouveau procès s’est invité dans le procès Chebeya, du nom de l’activiste des droits de l’homme retrouvé mort en 2010 dans la périphérie Ouest de Kinshasa. Depuis le vendredi 3 avril 2015, certaines parties civiles au procès Chebeya, les frères et sœurs de la victime précisément, ont déposé une requête de prise à partie contre l’Auditeur Général des Forces Armées de la RDC (FARDC) devant la Cour Suprême de Justice. « Nous avons entrepris cette nouvelle procédure parce que nous recherchons, non une vengeance, mais l’éclatement de la vérité. La partie civile s’estime victime d’un déni de justice par la justice congolaise…», a précisé le bâtonnier Mukendi Jean-Joseph à la presse, à l’occasion de l’annonce du dépôt de la requête en prise à partie.

A l’en croire, en effet, l’objectif de leur requête est de démontrer les défauts de l’enquête entourant le décès de Chebeya et de demander la poursuite de l’instruction à charge du général John Numbi. Rappelant les faits, Me Mukendi a indiqué que Floribert Chebeya, Président de l’ONG congolaise «La Voix des Sans Voix » et figure emblématique de la défense des droits de l’Homme en RDC, avait été retrouvé mort dans son véhicule le 2 juin 2010, en périphérie de Kinshasa. La veille, il s’était rendu à un rendez-vous à l’Inspection générale de la police, où il devait en principe rencontrer le général Numbi. Le corps de son chauffeur, Fidèle Bazana, n’a toujours pas été retrouvé.
Une première plainte avait été déposée par la veuve de l’activiste en 2010. Les enquêtes avaient mené à un procès devant la Cour militaire qui avait reconnu la culpabilité d’une série d’accusés, dont le Colonel Mukalay. Cette affaire toujours en phase d’appel devant la Haute Cour militaire n’a toutefois pas été examinée ni mis en cause la responsabilité du général Ponde.
Suite aux révélations de l’ex Major Mwilambwe, un des coaccusés en fuite, toujours réfugié au Sénégal, les frères et sœurs Chebeya avaient déposé, avec le soutien d’Avocats Sans Frontières (ASF), une nouvelle plainte en 2012 auprès de l’Auditorat Général des FARDC contre le général Numbi. Dans sa réponse la même année, l’Auditeur avait rejeté cette plainte, estimant que les faits étaient identiques à ceux pour lesquels il avait déjà été saisi par la veuve Chebeya. «La famille Chebeya ne recherchant que la vérité, elle a décidé de saisir la plus haute instance de justice du pays pour lui demander si c’est correct pour l’auditeur de refuser de faire entendre le général John Numbi, ainsi que d’autres personnes éventuellement… », a conclu l’avocat.
Venant en appui à son collègue, Me Delphin Gessara a tenu à préciser qu’il ne s’agit pas, à travers cette action, de rechercher une responsabilité pénale, mais de faire examiner si l’acte de refus d’entendre le général est conforme au droit. « Nous, nous le considérons comme une obstruction à la justice, car déjà en juillet 2012, il y avait eu plainte contre le général Numbi et maintenant un policier fugitif a apporté de nouveaux éléments depuis Dakar. Mais l’auditeur général avait répondu par la négative estimant que ce n’était pas nécessaire car le procès était déjà ouvert… », a-t-il affirmé.
En droit congolais, martèle-t-il, il y a déni de justice lorsque le magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge ou néglige de juger les affaires en état. Il s’agit d’un acte très grave des autorités judiciaires venant entraver les droits les plus fondamentaux.
ONG internationale venant en appui à la partie civile Chebeya, ASF, à travers son chef de mission en RDC, Josselin Léon, a jugé regrettable la décision de l’auditeur des FARDC car « ce rejet illustre le caractère insuffisant et incomplet des enquêtes menées jusqu’à aujourd’hui ».  Selon lui, depuis ce refus de l’auditeur, deux sommations lui ont été envoyées pour l’enjoindre à agir. Ce dernier n’y a cependant accordé aucune suite. Face à ce déni de justice, ASF soutient les parties civiles qui ont décidé de déposer une requête de prise à partie contre l’Auditeur Général des FARDC devant la Cour Suprême de Justice. « ASF attend de cette démarche qu’elle mènera à des compléments d’enquêtes qui permettront de faire toute la lumière sur les causes réelles du décès et sur les responsabilités de tous les acteurs impliqués dans cette affaire. L’appui d’ASF dans le cadre de ce procès répond à la volonté de lutter contre l’impunité dans le respect des règles du procès équitable », s’est-il plaint, avant de souligner que cette intervention rentre dans le cadre du programme de soutien d’ASF aux défenseurs des droits humains en RDC.

Tshieke Bukasa

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