L‘onde de choc de l’éternuement de l’économie chinoise se fait sentir sur l’ensemble de l’économie mondiale. A Kinshasa, la réplique a fait trembler l’édifice construit laborieusement par les institutions d’autant plus que la Chine passe pour la première destination des exportations minières de la RDC. Fini le rêve d’une croissance à deux chiffres à fin 2015. C’est dans la préservation de la stabilité macroéconomique, acquise au prix de mille sacrifices, que se joue désormais la grande bataille. En maintenant au même rythme le train de vie de l’Etat, alors que les recettes publiques et les réserves en devises du pays s’effritent, la stabilité du cadre macroéconomique risque de prendre un sérieux coup. Au gouvernement, tout doit être mis en œuvre pour éviter ce scénario apocalyptique Feu rouge!
C’est grâce à la Chine que la République démocratique du Congo aligne, depuis plus de cinq ans, des taux de croissance positifs, essentiellement portés par l’explosion du secteur minier dans l‘ex-province du Katanga. C’est par la Chine aussi que la RDC se retrouve aujourd’hui dans l’obligation de revoir sensiblement ses, prévisions de croissance.
Début 2015, la RDC prévoyait, pour la première fois de son histoire, d’afficher un taux de croissance à deux chiffres à la fin de cette année. Ragaillardi par les bonnes perspectives de l’industrie du cuivre, le gouvernement était convaincu de réaliser son rave. Mais, dans ses simulations, l’Exécutif national avait omis d’intégrer dans ses variables de décision, le comportement de l’économie chinoise, principale destination des métaux lords de la RDC, à savoir le cuivre, le cobalt ou encore le zinc.
Or depuis un temps, la demande chinoise en matières premières connaît un coup d’arrêt. Bien plus, elle est en chute libre. La panique est générale. Il a fallu que la Chine s’enrhume pour que les cours des matières premières amorcent une chute vertigineuse sur toute la planète.
Aucune partie du monde n’est épargnée par déroute - quoique passagère - de l’économie chinoise. Dans les économies fragiles, basées sur le secteur primaire, les conséquences ont été dramatiques. Aussi en RDC, le gouvernement s’est-il vu dans l’obligation de revoir sensiblement à la baisse ses prévisions de croissance, les faisant passer de 9,5% à 8,4%. L’incertitude dans laquelle se trouve aujourd’hui l’économie pourrait bien commander un autre réajustement des prévisions de croissance de l’économie congolaise.
En réalité, la Chine fait peur non seulement au monde, mais surtout à la RDC qui, depuis cinq ans, a bâti sa croissance sur un secteur minier - en perte de vitesse pour l’instant La RDC vit aujourd’hui l’ère « made in China ». C’est de la Chine que dépendra la consolidation de la stabilité du cadre macroéconomique, mise à rude par le fait d’un choc exogène venu de l’Empire du Milieu. Qu’adviendra- t-il si le gouvernement tardait à opérer des réajustements ? Tentative de décryptage.
La Chine, épicentre de la crise
Les spécialistes du secteur des matières premières ne cachent plus leur pessimisme sur la progression troublée des cours de principaux métaux. En effet, la Chine qui peine à recadrer son action n’a pas envoyé des signaux qui rassurent.
La confirmation, mois après mois, du ralentissement économique chinois a mis à malle cours des matières premières avec l’idée sous-jacente qu’une Chine en ralentissement ou en déclin économique consommerait moins de matières premières. L’évolution du ‘cours du pétrole au cours de ces dernières semaines est l’exemple parfait du lien fort, presque organique, entre les matières premières et la Chine. Le cours du Brent est ainsi passé de plus de 65 USD à 42 USD et celui du WTI de 60 USD à 38 USD.
La publication, depuis le début de la semaine de nouvelles mauvaises données économiques en provenance de l’Empire du Milieu, a même sérieusement ébranlé’ le rebond -essentiellement technique - que le baril a entamé depuis quelques jours. Le Brent, après avoir clôturé à 53 USD le 31 août dernier, est retombé à 48 USD depuis.
Les spécialistes trouvent la raison dans une avalanche de chiffres un peu indigestes - mais qui font sérieux. l.’indice du secteur manufacturier chinois (PMI), tel qu’il est calculé par Markit, s’est établi à 47,3 en août dernier. Cette note, en deçà de 50, indique une contraction de l’activité, u plus bas depuis 6 ans et demi. Les chiffres officiels sont quelque peu meilleurs, mais à 49,7 ils signent tout de même une contraction. Ce qui alimente en plus le pessimisme sur le marché est l’indice PMI chinois des services qui, jusqu’à présent, avait plutôt bien résisté aux aléas économiques. Tel qu’il est calculé par Markit, cet indices ‘est affiché à 49,7 en août dernier, contre 50 en juillet.
Dans ces conditions, l’on ne pouvait que s’attendre à une explosion sur le marché mondial des matières premières. Car; notent des spécialistes de ce secteur, selon le schéma couramment admis de politique économique suivi par Pékin, les services et la consommation interne sont censés prendre progressivement le relai de l’industrie lourde et exportatrice. Un recul des services a donc mis le feu aux marchés... et aux matières premières.
Toutes les matières premières ont été frappées de plein fouet par ces mauvais chiffres chinois. Le cours de métaux comme le cuivre, l’aluminium ou le fer ont reculé d’environ 20% depuis le début de l’année. Et, quand on sait que la Chine représente 54% de la consommation mondiale d’aluminium, 50% de celle de nickel, 48% du cuivre, 30% de celle de riz, 23% de l’or ou 46% du zinc, forcément, si la demande chinoise recule, on ne devait que s’attendre à une catastrophe pour les matières premières.
C’est dans les pays, à l’instar de la RDC, où la croissance repose essentiellement sur le secteur minier que le choc se ressent avec une violence extrême. Il y a donc lieu de parer au plus pressé pour éviter le pire. Et, le pire en pareille situation, c’est de voir voler en éclat tous les acquis engrangés depuis cinq ans en termes aussi bien de stabilité que du cadre macroéconomie.
L’ON NE S’EN CACHE PAS
Au gouvernement, l’on est bien conscient du danger. Lundi dernier, la Troïka stratégique, cet organe technique du gouvernement qui se réunit chaque lundi autour du Premier ministre, s’est appesanti sur la question.
Faisant le point de la situation sur le marché mondial des matières premières, la Troïka stratégique a peint un tableau peu reluisant. « Au 27 août 2015, notait-elle, le pris du cuivre a franchi le plancher de 5 000 USD.
En effet, la tonne métrique du métal rouge s’est vendue à 4 958,0 USD, perdant ainsi 0,96% de. sa valeur, par rapport au 5 102,50 USD une semaine avant. Pour ce qui est de l’or, après deux semaines d‘embellie, son prix a de nouveau entamé la tendance baissière. L ‘once s‘est échangée à 1119,0 Usd contre 1147,70 Usd, soit un recul de 2,50%. S ‘agissant du. cobalt, son prix poursuit son maintien à 30 002.08 Usd. Les produits pétroliers à la date du 28 août 2015, ont enregistré des hausses substantielles de leurs prix sur les deux marchés. A Londres le baril est passé de 46,41 Usd à 49,91 (7,54%), et sur le marché de New York, il a rebondi de 40,24 Usd à 45,25 Usd (12,45%). Le prix des produits agricoles ont, quant à eux, affiché des baisses sur toutes les principales spéculations suivies, comme suit: a) riz : 11,23 USD/ tonne (4,39%) b) blé: 485,00 USD/tonne (-3,84%) c) maïs: 133,46/tonne (-1,82%) ».
L’année 2015 étant marquée, dès le début, par des baisses continues de cours des matières premières dont dépend étroitement l’économie congolaise, la Troïka stratégique faisant état des «conséquences directes sur le niveau des recettes publiques qui n‘ont cessé de décroitre concomitamment ».
En réalité, l’économie congolaise est en face d’un feu rouge. Il y a une trilogie qui se met en place. La chute des cours de matières premières a induit un ralentissement de l’activité économique, principalement dans le secteur minier, avec un impact réel sur la progression des recettes publiques. Dans l’hypothèse d’une baisse des recettes, alors que les dépenses publiques ont été maintenues au même rythme, des pressions commencent à se sentir sur le compte du Trésor. Le rapatriement des recettes en devises ayant directement subi le coup, les réserves internationales n’ont pas été épargnées. Selon la Troïka stratégique, jusqu’au 27 août 2015, les réserves en devises se sont établies à 1 592,96 millions USD, équivalent à 6,57 semaines d’importations des biens et services, contre 1 622,38 millions USD au 15juillet2015.
Dans ce scénario, presqu’apocalyptique, c’est la stabilité du cadre macroéconomique qui est en danger. Comment dans un contexte de baisse continue des cours, des recettes publiques et des réserves internationales, préserver la stabilité du cadre macroéconomique.
En toute vraisemblance, le gouvernement peut agir sur deux fronts. A défaut d’actionner la planche à billets - une pratique d’ores et déjà interdite - pour financer un éventuel déficit du Trésor, le gouvernement peut agir sur les dépenses publiques, en réduisant sensiblement le train de vie de l’Etat.
Ainsi, des institutions à forte propension des dépenses telles que le Parlement et la présidence devaient voir leurs allocations rabattues pour préserver l’équilibre des comptes publics. Mais, sur ce point précis, le gouvernement risque de se buter à une farouche opposition. Pourtant, c’est la voie à suivre pour sauver l’édifice – au bord de la déroute.
La baisse du niveau des réserves en devises n’est pas de bon augure. Il faut craindre que le gouvernement ne se retrouve dans la situation de 2006 où, face à un effritement de ses réserves en devises, il a été obligé de solliciter le sauvetage du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. La RDC a fait énormément de progrès qu’elle ne peut plus se permettre de se retrouver dans une telle situation.
Le navire économique tangue. Tout le monde doit, à tout le niveau de l’Etat, s’impliquer pour maintenir le cap.
Pour éviter d’être couvert d’opprobre, le gouvernement ferait mieux de briser la glace, en disant toute la vérité qui s’impose et qui ne relève d’une cause endogène. La RDC pourrait se retrouver en difficulté si la situation sur le marché dés matières premières tardait à s’améliorer. Le mal vient de très loin. De la Chine. Il ne relève d’une inadéquation dans la mise en œuvre de l’action du gouvernement.
Voilà la vérité qui doit être présentée clairement au peuple. Il s’agit d’éviter que les fossoyeurs de l’action du gouvernement ne s’en saisisse un jour pour torpiller la politique, pourtant salvatrice, que met en œuvre depuis 2010 le Premier minier, Matata Ponyo Mapon.
LE POTENTIEL