Après la mobilisation nationale et la désapprobation internationale, la situation de Beni dans le Nord Kivu connait une certaine accalmie. Les autorités semblent rassurantes et affirment que la puissance de nuisance des ADF Nalu a été “sensiblement réduite “.Mais les observateurs avertis et les populations locales émettent encore des doutes car l’éradication de la violence dans l’Est suppose celle des causes à la base de l’insécurité et des conflits armés.
Pour la 2ème fois depuis l’indépendance les FARDC ont été redéployés dans la cité de Ntoto (territoire de Walikale), 24 -ans à près.
A en croire le porte-parole de la 34ème région militaire des FARDC, le capitaine Guillaume Ndjike Kayiko, indique qu’il s’agit d’une réorganisation des troupes qui tient compte du contexte sécuritaire des conflits armés récurrents dus à la présence des groupes armés au Nord-Kivu.
La population, elle, considère ce redéploiement comme une délivrance face aux méfaits des groupes armés, qui occupaient la zone depuis plus d’une vingtaine d’années. Il s’agit notamment de Maï-Maï Raïa Mutomboki et Kifuafua, indique Benjamin Mushunganya, coordonnateur de la jeunesse de Waloa-Uroba.
La liesse n’empêche pas cependant cette population de demander aux FARDC de ne plus déserter cette partie et de rester le plus longtemps.
S’attaquer aux causes de l’insécurité au lieu de gérer ses effets
Pourquoi les FARDC désertent-elles les territoires sous leur contrôle, pourquoi laissent-elles à l’ennemi de gagner le terrain et livrent-elles les populations à la merci des groupés armés ? Cette question a été l’une des préoccupations des notables du Nord-Kivu qui ont organisé le week-end dernier un forum pour réfléchir sur les causes de l’insécurité dans la province.
Plus de 100 notables et leaders du Nord Kivu ont pris part à ce forum. Ils ont aussi travaillé sur comment recréer la confiance entre les hommes et femmes de cette province, et comment aider l’Etat congolais à jouer pleinement son rôle et étendre son autorité sur l’ensemble du Nord-Kivu.
Selon eux, la persistance de l’insécurité dans la province serait due aux défis liés à. la gouvernance depuis l’époque coloniale, au mode actuel de scrutin pour accéder aux instances de prise de décision, lequel marginaliserait certaines communautés ethniques, à la présence massive des réfugiés.
« La cause qui a mis tous les membres d’accord, c’est de dire qu’il y a manque d’implication de l’autorité de l’Etat dans la sécurisation, dans l’identification des citoyens... Certaines de ces populations sont obligées de jouer [le rôle de] l’Etat et protéger ce qu’elles estiment être leurs espaces sécuritaires », rapporte le député Arsène Mwaka du DCF/Nyamwisi, qui participe à cette retraite.
Selon les participants à cette retraité, l’insécurité fait qu’une grande partie du Nord-Kivu soit occupée par des bandes armées qui perturbent la quiétude de la population et exploitent les minerais. Cette insécurité suscite aussi la méfiance entre les communautés locales.
La complicité des dirigeants des Grands Lacs
Selon des analystes indépendants, il existe une certaine complicité entre les chefs d’Etat des pays de la région des Grands Lacs, complicité qui crée une zone d’influence dans l’Est de la RD Congo et alimente la crise. Epinglés dans plusieurs rapports des Nations Unies., l’Ouganda et le Rwanda ne cachent plus leurs ambitions au regard du soutien répétitif apporté aux différents groupes armés qui sèment la mort et de la désolation dans le Nord et le Sud Kivu ainsi que dans l’ex Province Orientale.
Quand Joseph Kabila tente de restaurer l’autorité de l’Etat dans la partie Est, Museveni et Kagame y instaurent la loi de la jungle par des groupes interposés afin de continuer à tirer leurs dividendes, indique un analyste.
« C’est pourquoi, poursuit-il, vous avez constaté que la déstabilisation du M23 par Kinshasa a été considérée par Kigali et Kampala comme un véritable revers de la main et une menace pour leurs intérêts ‘. Conséquence, le héros meneur des troupes FARDC contre le M23 l’a vite payé, après la victoire.
L’objectif par Kampala n’est autre que de poursuivre son affairisme lié à l’exploitation des ressources minières et naturelles de la RDC. Nul n’est besoin de rappeler que l’Ouganda est devenu aujourd’hui producteur et exportateur dé plusieurs produits miniers exploités en République démocratique du Congo. Les grands comptoirs d’achat de l’or fourni par les orpailleurs congolais sont basés à Kampala, de même pour le coltan ainsi que d’autres minerais. Outre le commerce florissant que lui assure l’insécurité dans l’Est du Congé, l’exploitation unilatérale du pétrole dans le Lac Albert reste une autre raison qui fait que l’Ouganda entretienne les égorgeurs de Beni, affirment des sources concordantes.
Même visée du côté du Rwanda qui ajoute aux dividendes économiques, la conquête des espaces de survie pour ses populations. Selon des analystes du Nord Kivu, Paul Kagame prend le Nord Kivu non seulement comme une mamelle mais un bras du Rwanda, qui lui permet de s’assurer son autosuffisance économique. C’est pourquoi il s’emploie à gagner des espaces en RD Congo par sa politique de razzias, d’incendie des villages, des déportations des populations, d’occupation des territoires de l’Est de la RDC.
Que faire ?
Face à ce qui précède, les 100 notables du Nord Kivu réunis aux assises du Forum qui s’est déroulé du mardi au vendredi 3 juin à Goma, ont estimé que seule la cohabitation pourra mettre fin aux conflits qui rongent cette partie de la RDC. Et cette cohabitation pacifique passe notamment par l’implication des notables de la province.
Mais les analystes de la crise estiment pour leur part que la neutralisation des ADF Nalu ne constitue pas la solution à la crise dans l’Est de la RDC comme cela a té le cas pour la défaite du M23. Il convient de s’attaquer aux causes profondes qui aliment cette crise. Et la principale réside dans la complicité des chefs d’Etats de la région des Grands Lacs qui veulent à tout prix bâtir des empires sur le sang des Congolais. Tant que l’Ouganda n’arrêtera pas son affairisme en RDC ou Kagame n’étanchera pas sa soif d’espaces, la crise restera ouverte et les Congolais n’auront que leurs yeux pour pleurer ou encore leur Dieu pour venger.
Par Rew Yakorum