La Constitution du 18 février 2006 a prévu le passage de 11 à 26 provinces. Tous les anciens districts deviennent d’office des provinces, du jour au lendemain. Est-ce possible sur le plan matériel, des infrastructures ? Est-ce possible sur le plan social, politique et culturel ? La réponse est non. Le passage de 11 provinces à 26 vient poser plus de problèmes qu’il n’en résout. Il y a des difficultés d’autant plus insurmontables que l’Etat congolais doit en même temps faire face aux dépenses liées au long cycle électoral.
Rien que sur le plan financier par exemple, ce passage équivaudrait à transférer les difficultés de 11 provinces à 26, les actuels districts. Comme on le sait, à part le Katanga, la ville de Kinshasa et le Bas-Congo qui contribuent considérablement au budget national, les autres provinces sont presque aux abonnés absents en matière d’apport à l’assiette nationale. Certaines provinces sont mêmes sous perfusion financière de Kinshasa. Ce, dans l’attente de l’entrée en effectivité de la Caisse de péréquation.
Ces provinces n’ont pas suffisamment de recettes et attendent l’intervention du pouvoir central. Si les 11 ont du mal à décoller qu’en serait-il alors des districts qui deviendraient à leur tour des provinces ? Ne serait-ce pas multiplier les problèmes actuels par 26 ? Si ces districts, qui doivent devenir des provinces, étaient de pôles de production économique, le problème ne serait jamais posé.
Mais actuellement, très peu nombreux sont des districts qui déploient une activité économique de nature à créer des recettes au trésor provincial. Sur le plan des infrastructures, rares sont les chef-lieux de districts à ériger en province qui disposent des bâtiments administratifs pour accueillir les institutions provinciales dont certaines seront sous les arbres. Là où il peut encore exister ça et là des vieux bâtiments hérités de l’époque coloniale, tout est délabré. Or, il faudra y installer tout de suite le gouvernorat, le gouvernement provincial et l’Assemblée provinciale.
DES CHEFS-LIEUX DE DISTRICT SANS INFRASTRUCTURES
A deux exceptions près, aucun chef-lieu des actuels districts n’est en mesure de répondre à une telle demande. Sur le plan des dépenses, la Rdc se retrouvera avec 26 Assemblées provinciales, 26 gouvernorats et 26 gouvernements provinciaux dont il faudra des émoluments à leurs membres.
Là où avec les 11, il y a souvent des arriérés de salaires, à l’exception de trois provinces productrices de recettes qui sont Kinshasa, Katanga et Bas-Congo, il faudra désormais multiplier par 26, les dépenses de fonctionnement ainsi que des salaires.
On ne comprend pas alors cet acharnement à transformer coûte que coûte ces districts non viables sur tous les plans en 26 provinces comme prévu par la Constitution. Là, on est vraiment dans l’irrationnel, puisqu’on a encore des difficultés avec les 11 provinces actuelles qui tirent le diable par la queue. Sans moyens, on augmente leur nombre à 26. Sans savoir comment elles vont ne serait-ce que fonctionner. C’est cela l’irrationnel.
Même si c’est vrai qu’il s’agit d’une disposition constitutionnelle, elle risque touteefois de tomber caduque du fait qu’elle a du mal à être appliquée. Cette disposition des 26 nouvelles provinces viole toute rationalité. Ce n’est pas la première fois qu’une Constitution à travers le monde contient une disposition devenue vétuste pour tomber d’elle-même.
Des difficultés insurmontables jalonnent la route du passage de 11 provinces actuelles à 26 de la Constitution. On peut présenter deux cas types pour comprendre que les 26 provinces resteront du domaine du mirage ou des chimères. Il s’agit du Katanga et du Kasaï Oriental.
LA BANDE MINIERE DU HAUT-KATANGA JUSQU’A KOLWEZI
Aujourd’hui le Katanga générateur des ressources financières se trouve essentiellement dans la bande minière du Haut-Katanga (Lubumbashi-Likasi-Kipushi jusqu’à Kasumbalesa) jusqu’à Kolwezi. C’est ici où il y a la vie économique avec des recettes minières. Ce sont les recettes collectées des activités économiques sur cette bande minière qui font vivre les autres districts. Qu’adviendra-t-il alors si dans l’immédiat on procedait sans transition au découpage de cette province si sensible ? Il serait difficile pour les autres districts de tenir le coup. Sinon, ces nouvelles provinces auront toujours une main tendue vers Kinshasa pour solliciter des ressources qui n’arriveront pas, le pouvoir central lui-même ayant ses propres difficultés.
L’EQUATION « KASAÏ ORIENTAL »
Dans le Kasaï, il y a des choses plus graves qui peuvent déboucher sur des conflits entre communautés, comme vécues en 1960. Le Kasaï Oriental est le plus minuscule des nouvelles provinces. Car il se résout aux limites du district amputées d’ethnies de la communauté luba qui vont se retrouver à Kabinda, chef-lieu de la nouvelle province de Lomami. Or, c’est connu de tout temps que les Luba n’acceptent pas d’être gérés par les Songe depuis Kabinda.
Le découpage du Kasaï Oriental n’a pas tenu compte de cette revendication sur le plan sociologique. Ces ambivalences sont transposables dans d’autres provinces où, ajoutées en plus à la délicate question des limites des provinces va aussi faire déterrer la hache de guerre. Dans ces conditions, une question s’impose : faudra-t-il vraiment appliquer, les yeux fermés, le passage à 26 provinces tout en sachant qu’il s’git bien d’une boîte de Pandore ?
KANDOLO M.