Le dialogue national voulu parle chef de l’Etat et une partie non négligeable de la classe politique peine à prendre de l‘envol. La nomination par la Commission de l’Union africaine d’un facilitateur, en la personne du Togolais Edem Kodjo, n’a pas résolu le problême. Loin de faciliter ce dialogue, Edem Kodjo en est aujourd’hui le principal obstacle. Le blocage du dialogue, c’est Kodjo, clame-t-on dans différents milieux politiques. Peut-on dès lors envisager un dialogue sans Kodjo ? L‘hypothèse est à l’étude.
En nommant le Togolais Edem Kodjo à la facilitation du dialogue politique national, la présidente de la Commission de l’Union africaine croyait bien relancer la machine de l’initiative du chef de l’Etat, Joseph Kabila. Des mois sont passés sans que le diplomate togolais trouve la parfaite combinaison pour faire sauter les verrous qui obstruent la voie menant au dialogue.
Conscient de l’enlisement de cette initiative, censée baliser la voie vers des élections apaisées, libres et transparentes, la communauté internationale a décidé de joindre à Edem Kodjo un groupe international de soutien à la facilitation du dialogue.
Aujourd’hui, ce groupe est à pied d’œuvre pour accorder les vues entre différents acteurs au dialogue.
Après les concertations de Bruxelles avec la frange de l‘Opposition regroupée au sein du Comité de suivi du conclave de Genval, te groupe de soutien se trouve présentement à Kinshasa où il multiplie des contacts aussi bien avec les acteurs de la Majorité que ceux de l’Opposition. Est- ce à dire que Kodjo a montré des limites dans son travail de facilitation ? Nombre d’observateurs partagent déjà ce point de vue.
Ils fustigent notamment l’incapacité de l’ancien Premier ministre à réunir l’unanimité autour de sa personne et de ses méthodes. Déjà, le mode de sa désignation cavalière par la présidente de la Commission de l’UA ne pouvait produire qu’un effet de répulsion.
DU PLOMB DANS L’AILE
Depuis sa convocation par le président de la République, après qu’il ait été proposé par Etienne Tshisekedi en février 2013, le train du dialogue national inclusif tarde à quitter la gare. Le facilitateur désigné par Mme Zuma par un communiqué de presse n’arrive pas toujours à mettre ensemble les différentes parties. Il a mené plusieurs consultations pour des résultats bien maigres.
Aucune avancée notable n’est enregistrée après autant de mois de facilitation de M. Kodjo. Le dialogue fait du surplace. Et pourtant, toutes les positions sont connues et toutes les données sont disponibles selon les tendances des uns et des autres. Si la Majorité est favorable au dialogue dans l’esprit de l’ordonnance présidentielle, l’apposition, dans large représentation, est soit catégoriquement apposée au dialogue, soit pose des préalables avant de prendre part à ce forum.
Après avoir conféré avec les uns et les autres, la facilitation devait comprendre que les positions ne sont pas aussi tranchées et qu’il y a moyen de trouver le modus vivendi entre toutes ces positions qui ne s’opposent pas totalement. Il manque de poigne et de perspicacité au facilitateur pour indiquer aux uns et aux autres les lignes à ne point franchir. Ce ne serait pas dicté sa volonté aux Congolais. Et d’ailleurs, la facilitation n’est pas confondre à une recherche effrénée d’unanimité. Il s’agit de concilier les vues diamétralement opposées, par la mise en commun des points dé convergences, même les plus difficilement conciliables.
DES POSITIONS TRANCHÉES?
Peut-on dire que les positions sont si tranchées entre Majorité et Opposition ? Répondre par l’affirmative reviendrait à enterrer le dialogue et, auquel cas, il faut épargner le peu de moyens consacrés au travail du facilitateur. Il faut y croire. Le dialogue devra se tenir.
A la Majorité présidentielle, le dialogue est l’occasion de mettre en place un calendrier électoral consensuel en vue des élections apaisées, crédibles et transparentes. Bref, de bonnes élections ! Dans le cadre de son travail, le facilitateur doit avoir compris qu’à travers ce discours officiel, il y a le besoin de trouver une voie de sortie pour l’autorité morale de la MP, Joseph Kabila dont le sort est lié par la Constitution. Le facilitateur doit aussi savoir que cela peut passer par le glissement du calendrier électoral. Des arguments développés trahissent cette visée. Ayant le contrôle des forces de sécurité, la MP est enfin tentée de dire «j’y suis, j’y reste», d’autant plus que les députés provinciaux et les sénateurs ont «glissé» sans tomber. Pourquoi priverait-on au président Kabila de jouir également des mêmes avantages du glissement?
Pour atteindre cet objectif, la Cour constitutionnelle est mise à contribution, en rendant l’arrêt sur l’après20 décembre, date de fin du deuxième et dernier mandat du chef de l’Etat. Le principe de la continuité de l’Etat, comme avec les autres institutions est mise en avant et la MP s’en est saisi comme argument mis sur la balance.
Du côté de l’Opposition, les choses sont évidemment vues un autre prisme. Pour les opposants, la rué réglera le problème de fin du mandat du président Kabila le 20 décembre 2016. La MP qui a bien saisi le message réplique en arguant que « la rue n’appartient à personne ». Seul le facilitateur ne l’a jamais perçu, jusque-là!
Pour les opposants, les erreurs du régime, notamment le rétrécissement de l’espace politique, les violations inutiles et stériles des droits de l’Homme sont exploitées à bon escient pour davantage couler le président Kabila et sa majorité. Pour des raisons difficiles à élucider, la Majorité fonce droit sur un mur, à vive allure !
Une opportunité saisie par l’Opposition, qui a appréhendé l’avantage de pousser la majorité à raidir davantage ses positions actuelles. Etant donné l’attention que la communauté internationale focalise sur tout ce qui se fait en RDC, l’étourderie actuelle de la Majorité est exploitée à fond. Le discours souverainiste mal assimilé de la Majorité est également mis sur la liste des arguments qui enterrent le pouvoir.
EDEM KODJO DANS LES NUAGES
Toutes ces postures ne sont pas encore comprises par le facilitateur Kodjo. Dans sa maladresse, le facilitateur se range quasi-inconsciemment sur les positions des animateurs des institutions qui développent un discours souverainiste qui ferait réfléchir tout acteur étranger. Le groupe de soutien à la facilitation, qui a bien cerné le problème, a obtenu des avancées mieux que le facilitateur. Une lisibilité pointe désormais à l’horizon, alors que Kodjo peine à se faire entendre.
Il faut donc descendre sur terre, scruter objectivement les avancées obtenues par le groupe de soutien. Multiplier des consultations afin de réduire au strict minimum les points de divergences et, au besoin, obtenir des parties prenantes qui comptent un pré accord minimum. C’est jouable et cela contribuera à l’apaisement. Avec le cahier des charges de l’Opposition présenté à Genvalhuy à l’équipe de soutien, il est possible d’obtenir des avancées en mettant les dirigeants devant leur responsabilité historique de faire atterrir le processus électoral de manière apaisée.
Par LE POTENTIEL