La Fédération de la Santé du syndicat CDT donne sa position sur ces deux sujets brûlants de l’heure

Lundi 20 octobre 2014 - 14:13

Révision constitutionnelle et mandat de qui peut parler au nom du peuple congolais.

La Fédération de santé du syndicat CDT, la Confédération démocratique du travail, a donné de la voix le lundi 06 octobre 2014 sur deux questions brulantes d’actualité. Il s’agit notamment du débat autour de la révision constitutionnelle et du mandat de qui est censé parler au nom du peuple congolais.

De la révision constitutionnelle

La Fésa/Cdt se prononce en faveur d’une constitution consensuelle et stable qui, comme l’établit John Marshall, président de la Cour suprême de justice des Etats unis d’Amérique dans l’affaire McCulloch contre l’Etat du Maryland 1889, résiste à l’usure du temps[1]  et transcende des générations entières des politiciens à qui sont accordés les mêmes chances d’accès et de conservation du pouvoir politique. Elle s’attache au principe de l’alternance au pouvoir, tous les cinq ans, autant qu’elle s’oppose fermement à l’idée des hommes politiques qu’on voudrait considérer et présenter comme providentiels et dont l’indispensabilité prédisposerait à gouverner jusqu’à la mort et à verser dans une routine stérile au détriment du peuple et de jouissance égoïste de tous les tenants du pouvoir au point, un jour, d’être chassé du pouvoir comme des malfrats, ce fut le cas des mobutistes de triste mémoire par l’Afdl.

A cet effet, l’idée d’un président en exercice qu’on voudra considérer comme incontournable en le personnifiant au pouvoir pour avoir réussi à remettre la Rdc debout dans une guerre destinée à la balkaniser, la Fésa/Cdt renvoie à un  cas historique semblable où Charles de Gaulle, qui se voulait indispensable dans la gouvernance de la France pour l’avoir libérée de l’occupation allemande lors de la deuxième guerre mondiale, s’entendit dire, par le peuple français,  que sans lui la république française demeurera à jamais debout. Ce qui est aujourd’hui une certitude et une réalité historique valable aussi pour la Rdc conformément au principe de droit constitutionnel selon lequel le roi est mort vive le roi.

En clair, la Fésa/Cdt soutient le principe de la préservation et de l’observation stricte des lignes maitresses qui caractérisent notre constitution au point 4 de son exposé de motif qui n’autorise pas à un président en cours de mandat de prétendre un troisième mandat électif donnant ainsi à la Rdc la chance de se donner en 2016 un président de la République neuf, capable d’apports différentiels nécessaires à l’avancement de la nation.

Dans le fond, que peut-on encore attendre d’un pouvoir politique qui, manifestement, a marqué ses limites par son incapacité à exécuter jusqu’à son terme son propre programme politique, pourtant le plus clair, le plus évident et le mieux conçu que ce pays ait élaboré, les cinq chantiers du chef de l’Etat, l’abandonnant en si bonne route pour embrasser un autre si pas d’autres au contenu connu du seul géniteur aussi aux contours flous : la révolution de la modernité, cap sur l’émergence à l’horizon 2030. Une pure diversion politique à la Mobutu, pourtant poignardé dans le dos. Qu’on se souvienne des slogans retroussons les manches, salongo alinga mosala, agriculture priorité des priorités, objectifs 80.

Ceux qui gèrent une république ont l’obligation du résultat. Un résultat qui donne satisfaction au peuple ; Nathan Glick d’écrire « Ces responsables politiques exercent les pouvoirs qui leur sont accordés aussi longtemps que le peuple est satisfait de leur conduite et de la façon dont ils gèrent les affaires publiques. Le peuple peut de diverses manières exprimer sa volonté et rappeler aux représentants de l’autorité que bien que dirigeants de la nation, ils n’en demeurent pas moins les serviteurs du peuple»[2].L’expression de cette volonté du peuple est une démarche qui est du ressort des organismes et des forces politiques qui ont comme rôle de les prendre en charge, car mieux inspiré pour ce faire que lui, cet amas diffus à qui il faut donner une âme.

  1. Du mandat de qui peut parler au nom du peuple congolais

Une thèse est de plus en plus soutenue des médias audiovisuels spécialement, affirmant que seuls les élus du peuple sont habilités à parler en son nom du fait d’avoir reçu de lui le mandat politique. Théorie, certes vraie et fondée, mais qui, dans la pratique, a marqué ses limites au point qu’on lui oppose aujourd’hui celle des relais en démocratie.

En effet, en démocratie, aussitôt la délégation des pouvoirs à ces élus assurés aussitôt le peuple se retire de la scène politique où il ne rentre qu’à la fin du mandat pour un vote-sanction. De leur côté, une fois le pouvoir acquis, les détenteurs du pouvoir constitués en un corps d’intérêts généralement différents de ceux promis durant la campagne électorale, profitent du moment du retrait du peuple de la scène politique pour l’écraser et l’étouffer.

Pour éviter cet écrasement sinon pour minimiser son impact, on a recouru à la notion des relais en démocratie que sont les corps intermédiaires, organismes de tout genre (église, parti politique, syndicat…) et les forces politiques, personnalités de tout bord. Aussitôt le peuple rétiré de la scène politique aussitôt ils s’emploient à le relayer dans son exercice du pouvoir politique, tant, mieux que lui, ils ont, au regard d’immenses et diverses compétences qu’ils détiennent, une juste lecture et une adéquate intelligence des moindres faits et gestes des gouvernants au point d’en devenir des contre -poids indiqués.

Ils s’imposent à ce titre comme la sentinelle du peuple, son œil et son oreille, prête à sonner le tocsin pour le réveiller et l’éveiller pour qu’avec lui ils veillent ensemble sur son sort chaque fois qu’un acte politique posé est contraire à ses intérêts.

Le monde, ce jour, abonde des cas illustres offrant des modèles de l’application de cette théorie, dont le plus saisissant et le plus inspirateur de tous demeurera, à nos yeux et à coup sur, l’action salvatrice pour le peuple noir américain mené par une force politique d’exception, un homme de Dieu, Martin Luther king jr. qui, à la tête d’un corps intermédiaire, la Conférence des dirigeants chrétiens du sud (Sclc), a pendant plus de dix ans incarné la lutte du peuple noir américain pour la quête et la conquête de la jouissance de ses droits civiques.

Tambour-major de la justice, écrit Bruno Chénu[3], il a réveillé la conscience assoupie de l’Amérique. Il a efficacement accompagné ses frères noirs d’amérique dans l’expression de leur lassitude de se voir piétiner par les pieds de fer de l’oppression de leurs dirigeants, dans leur lassitude d’être plongés dans l’abime de l’humiliation où ils ont eu à faire l’expérience de la désolation d’un persistant désespoir. Cette lutte héroïque d’un prince de l’église baptiste à coté d’autres princes d’autres confessions religieuses du sud des States, avec comme seul arme de combat la contestation, a du payer :

  • Le 02 Juillet 1964, le président démocrate B.L. Jhonson a du signer la loi sur les droits civiques ;
  • Le 06 Aout 1965, il signe la loi sur le droit de vote.

Pour récompenser ce combat de portée universelle, le président républicain Ronald Reagan s’est invité dans le rouleau de l’histoire de Martin Luther King jr en signant le 02 Novembre 1983 un texte de loi selon lequel dès 1986 le troisième lundi de chaque mois de Janvier sera une fête nationale fériée pour commémorée la naissance de cet homme illustre, ce prince de l’église, qui, du reste, n’était pas un élu politique du peuple noir américain.

Dix jours avant sa mort tragique, le rabbin Habraham Heschel[4] le présenta comme une voix, une vision et un chemin.

A cette heure en Rdc, la Conférence épiscopale nationale du Congo, avec  ses braves princes, représente justement cette voix, cette vision et ce chemin auxquels s’accrocher pour sauver le Congo, voué à l’esclavagisme des forces obscures tapies dans l’ombre où elles se livrent froidement à un jeu d’échec, fondement de leur perfidie. A cette heure, la Cenco et ses princes constituent pour la Rdc une chance comme contre poids de taille face à un pouvoir révisionniste à souhait développant une propension pour un coup d’Etat institutionnel permanent le conduisant imperturbablement vers l’installation d’un pouvoir du type oligarchique.

Comme le prince de l’église baptiste et ses compères de la Sclc, princes de la Cenco, ne reculez devant rien, surtout pas devant les jérémiades des communicationnels qui ont tout à justifier de leur routine. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Allez avec la logique de votre devoir patriotique jusqu’au bout. Vous arrêter alors que vous avez de l’efficacité sera un gâchis et sera historiquement perçu comme un acte de non assistance de la Rdc en danger.

Qu’avec vous, donc, le slogan Sauvons le Congo soit une réalité.

Qui a dit que les princes de l’église et l’église catholique en Rdc ne peuvent pas se mêler de la politique ?  – Avant Martin Luther King jr, l’église baptiste soutenait massivement le président Abraham Lincoln dans sa lutte, au prix de sa vie, pour l’égalité des citoyens et de ce fait de l’affranchissement de l’homme noir des Etats Unis d’Amérique.

  • Monseigneur Makarios et Jean Bertran Aristide furent chef d’Etat, l’un de Chypre et l’autre d’Haïti.
  • Malu Malu fait de la politique et pourquoi pas son église.

Notons que la laïcité n’implique pas qu’un corps religieux ne puisse pas se mêler de la politique mais qu’il n’y a pas dans le pays qui la pratique une religion d’Etat.

Au fond, à propos des élus qui parlent en faveur du peuple. Il y a quatre ans, le président de la république a pris un acte de révocation irrégulière des délégués syndicaux des régies financières au seul motif d’avoir rappelé au gouvernement de la république, dans le partage de la prime de performance , de respecter l’échéance de paiement, car cette prime souffrait toujours du non paiement aux échéances échues convenues. A ce jour, quel est cet élu qui s’est mis debout pour dénoncer le caractère injuste et irrégulier de cette décision présidentielle. Aucun. Même pas les communicationnels.

A cet effet, monsieur le procureur général de la république, interpeller un élu du peuple, Bertran Ewanga, secrétaire général de l’Unc, le faire juger et obtenir sa condamnation de douze mois d’emprisonnement pour offense au chef de l’Etat, un crime de lèse-majesté, s’appelle la quête de l’ordre. Félicitation.

Amnistier les bandits armés, ces hors-la loi ayant écumé l’Est du pays spécialement le nord –kivu, y fauchant sans pitié aucune des vies humaines, et y éventrant nos mères vives quand ils ne les ont pas violées s’appelle la quête de l’apaisement politique.

Persister dans le maintien d’une révocation irrégulière des délégués syndicaux des régies financières s’appelle tout bonnement un abus de position que nous nous permettons de dénoncer au regard de la doctrine et de la loi. Nathan Glick écrit que les personnes accusées de délit- y compris les citoyens des pays ennemis accusés d’espionnage , de subversion et d’autres activités dangereuses- ont le droit de se défendre et, d’après le système américain, sont présumés innocents jusqu’à preuve du contraire[5]. Ce que conforte notre constitution en son article 17, alinéa 9 qui consacre le principe de la présomption d’innocence dont ils n’ont pas été bénéficiaires.

Nous nous permettons de vous interpeller pour que dans ce dossier vous assumiez toute votre responsabilité en votre qualité de garant du respect de la loi et ce au regard des articles 12 et 62 de la constitution, faisant obligation à tous de respecter la constitution et de se conformer aux lois de la république.

Pour terminer, nous voulons rappeler au chef de l’Etat, le président Joseph Kabila Kabange, qu’une constitution est un cadre qui fixe les règles du jeu politique. Et qu’on obéit avec limite. Ceci pour dire que votre non à la démarche de révision constitutionnelle amorcée par vos collaborateurs est attendu comme un acte de salut qui vous immortalise comme l’un des rares chefs d’Etat africain à s’être inscrit dans le panthéon de ceux qui :

  • Volontairement : Léopold Sédar Senghor, Nelson Mandela ;
  • Par respect des textes : Abdou Diouf ont d’eux- mêmes donné une limite à leur temps de gestion de la république permettant ainsi des avancées démocratiques significatives à travers des touches présidentielles différentielles.

Votre oui, du reste, inattendu serait la confirmation de la logique d’un homme venu autocratiquement au pouvoir – j’y suis  j’y reste. Venez m’en déloger- qu’il aurait réussi par deux fois, en 2006 et en 2011, à ratifier autocratiquement et qu’il entendrait autocratiquement conserver par la quête d’un moyen qui soit admissible aux yeux d’un grand nombre des congolais. Hélas !

Du suffrage de ratification de votre pouvoir de 2011, vous êtes sorti manifestement affaibli, tant la légitimité qui en a résulté est continuellement contesté qu’il ne serait pas indiqué que vous remettiez en cause l’acquis essentiel de San City, une constitution consensuelle que le gros de congolais voudraient suffisamment installée pour de longues années encore.

 

Par Paul Muamba (Conseiller à la CDT et Secrétaire à la Fésa/CDT)

 

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