Les Congolais sont rarement en panne d’imagination. Il y a un peu plus d’un an, ils se sont réunis dans le cadre des concertations dites nationales pour donner de l’air à l’action politique et tracer la voie de la rénovation. Pour réussir, ils ont pris la résolution de gommer leurs différences en optant pour un gouvernement de cohésion nationale. Décidée avec rapidité, ce gouvernement tarde cependant à naître. Sa sortie est imminente, dit-on chaque jour, mais l’imminence est devenue une année. On imagine les dégâts que provoque cette longue attente. Pour les ministres d’abord, placés sur des sièges éjectables et qui passent le plus clair de leur temps à s’interroger sur leur avenir. Pour les candidats de remplacement ensuite qui, à force de renouveler leur garde-robe en vue de mieux paraître le jour de la nomination, se trouvent dans un état de délabrement financier tel qu’ils passent des journées entières à se plaindre et à se répandre en critiques. La cohésion nationale au niveau gouvernemental dans un régime où la loi impose la règle de la majorité est une trouvaille bien congolaise.
Celle-ci devrait favoriser des décisions consensuelles sur les matières engageant l’avenir de la nation car c’est à ce niveau précisément que la nécessité de sauvegarder la cohésion de tous les fils et toutes les filles du pays devient un impératif majeur. Mais voilà ! Pendant qu’on chante sur tous les tons l’avènement imminent du gouvernement de cohésion nationale, des signaux de discorde sont émis à l’Assemblée nationale qui vient à peine de démarrer sa session d’octobre. A la chambre basse du parlement en effet, la règle semble être celle de « chacun pour soi » lorsqu’elle n’est pas celle du rejet pur et simple de la minorité. Oublié le temps où le président de l’Assemblée co-présidait les Concertations nationales ! Oublié aussi le temps où celui-ci contactait les opposants pour leur entrée dans une nouvelle équipe gouvernementale ! On se retrouve là dans une contradiction majeure, une contradiction bien congolaise.
Et le moment semble venu d’expliquer à la nation comment des personnalités présentées comme étant de l’Opposition politique, peuvent-elles travailler dans la cohésion avec celles de la majorité au sein d’une même équipe gouvernementale lorsque leurs représentants au parlement sont écrasés et empêchés de s’exprimer ? Comment peut-on expliquer le viol délibéré de l’article 130 de la Constitution sur l’initiative de loi alors même qu’on veut réviser cette même Constitution ? Le problème dans notre pays, comme le soulignait il y a peu un juriste respecté sur la colline inspirée, est la tendance à changer des lois sans les avoir au préalable appliquées. C’est un simple jeu où les malins jouent au chat lancé, toutes griffes dehors, sur la souris démunie. Continuons de scruter l’avenir. Continuons de regarder l’horizon. Lavérité finira par éclater au grand jour.