Léon Kengo wa Dondo a-t-il eu tort de donner son point de vue sur la question constitutionnelle qui déchire la société congolaise ? A la MP en tout cas, on n’en démord pas. Plus d’une semaine après son discours du Palais du peuple, la MP peine toujours à digérer l’impact de son propos. « Il est allé trop loin », déclare-t-on. Tout simplement parce qu’il a mis le doigt sur une grande plaie, en précisant avec clarté les règles et en insistant sur le comportement qui doit être celui de tout homme d’Etat : « sérieux, appliqué et otage de ses engagements ».
C’est donc pour avoir rappelé ces engagements que Léon est devenu, l’espace d’un discours, un traître pour la MP. Il a cessé d’être le partenaire idéal avec lequel on peut composer un gouvernement dit de cohésion nationale. Il a cessé d’être le sage qui calme les ardeurs des « agités de l’Opposition », l’homme qui sait toujours trouver des formules pour contourner les difficultés, même au prix, parfois, d’un oubli conscient des aspirations du plus grand nombre.
En d’autres circonstances qui rappellent de même type de désamour brutal, la MP avait utilisé l’artillerie lourde pour massacrer au propre comme au figuré- le premier arhitecte du pprd et ancien président de l’Assemblée Nationale Vital Kamerhe. L’homme est tombé de son piédestal après un lynchage médiatique dont il se souvient jusqu’à ce jour.
La même manœuvre sera-t-elle appliquée à Léon , lui qui avait pourtant pris la précaution de préciser, s’agissant de cette question sensible, qu’il s’exprimait en ses qualités de Co-président des Concertations nationales, de juriste et d’acteur politique ? En tout cas, une première sanction est tombée : les séances du Sénat sont diffusées désormais en différé, le temps de s’assurer qu’un coup de Jarnac n’est pas asséné aux intérêts de la famille.
En attendant la sanction de l’avenir, force est de constater que la question fondamentale qui se pose dans nos familles politiques est d’accepter la contraidction et surtout, de reconnaître ses torts. Alors qu’on pensait le pays affranchi par la lutte âpre menée dans les années 90 en faveur de la démocratie, il paraît de plus en plus évident qu’il faut continuer ce combat si on veut s’installer sur la plage de la transparence et de la bonne gouvernance.
L’acte d’accusation contre Kengo repose sur le fait qu’il a utilisé la tribune du Sénat, mais peut-on nous dire que même s’il avait parlé à partir d’un hôtel, de la tribune d’une conférence, ses propos auraient eu un autre retentissement ? Juriste, il l’est quel que soit l’endroit où il peut prendre la parole. Acteur politique, il le demeure quelles que soient les circonstances, et co-président des Concertations nationales est un fait historique que personne ne peut contester. Le problème n’est donc pas à ce niveau mais sur le contenu du message. On le réalise mieux quand on apprend qu’une dame cadre de la Majorité, Tokwaulu Aena, traverse des moments difficiles pour s’être exprimée contre la révision constitutionnelle.
Question : qui a le droit de parler et qui ne l’a pas ? Qui est autorisé à penser et qui ne l’est pas. La discipline au sein d’un mouvement politique interdit-elle la réflexion et la liberté d’expression ? Comment peut-on constater ses erreurs et évoluer si on n’accepte ni conseil ni critique, fussent-ils fondés ?
Tout le problème est là.
Et c’est là également que se situe le drame de notre pays.
LP