La Fidh appelle le Conseil de sécurité à « repenser la stratégie de la Monusco en amont d’échéances électorales cruciales » en RDC

Vendredi 27 mars 2015 - 08:44

La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (Fidh) appelle le Conseil de sécurité à « repenser la stratégie de la mission de l’ONU en RDC en amont d’échéances électorales cruciales ».

« Au regard des défis d’ordre sécuritaire et relatifs au processus de démocratisation et d’établissement d’un état de droit, le Conseil de sécurité doit repenser la stratégie de la mission de l’ONU en RDC en amont d’échéances électorales cruciales », déclare Paul Nsapu Mukulu, Secrétaire général de la Fidh et coordinateur de la Ligue des électeurs, dans un communiqué parvenu jeudi 26 mars 2015 à Lepotentielonline.com.

Il vient de participer à une interface organisée par la Fidh entre une délégation de défenseurs des droits humains congolais et les Etats-membres du Conseil de sécurité à New-York du 16 au 20 mars 2015 en amont du renouvellement du mandat de la Mission « afin de partager les préoccupations et porter les recommandations de la société civile congolaise ».

La délégation composée de Dismas Kitenge, vice-président de la Fidh et président du Groupe Lotus, Paul Nsapu Mukulu, Secrétaire général de la Fidh et président de la Ligue des électeurs, et de Benjamin Kalombo, président de l’Association pour la promotion de la démocratie et le développement en RDC (l’Aprodec), a apporté un éclairage particulier sur les défis auxquels la Monusco pourrait être amenée à faire face dans le contexte pré-électoral actuel et au lendemain des manifestations de la mi-janvier 2015.

Alerter les États-membres du Conseil de Sécurité

« En vue de la préparation des nombreux scrutins qui doivent être organisés en RDC d’ici à novembre 2016, nos organisations ont tenu à alerter les États-membres du Conseil de Sécurité sur les risques liés au maintien de l’essentiel des forces de la Mission de l’ONU dans l’Est du pays », explique Paul Nsapu Mukulu.

Il justifie cette démarche par le fait que « des violations graves des droits humains se multiplient et vont sans doute s’accroître dans la partie centrale et occidentale, le plus souvent commises par les forces de sécurité, armée, police et services de renseignement, congolaises, comme ce fut le cas récemment les 19 et 20 janvier 2015, lorsque les manifestations pacifiques contre le projet de loi électorale ont été réprimées violemment provoquant au moins 42 morts parmi les manifestants ».

Ces organisations recommandent donc au Conseil de sécurité « que les forces militaires et les unités civiles de la Monusco soient redéployées sur l’ensemble du territoire pour une meilleure protection des populations civiles et notamment des personnes particulièrement visées par les autorités congolaises en raison de leurs activités de défense des libertés fondamentales, qu’il s’agisse des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants ou bien des opposants et dissidents politiques ».

Nécessité de mettre fin au cycle de l’impunité

A cet égard, la Fidh et ses organisations membres et partenaires recommandent « que le mandat de la MONUSCO soit explicitement renforcé en matière de protection des défenseurs des droits humains ».

« Nos organisations encouragent également le Conseil de Sécurité à rappeler dans la Résolution renouvelant le mandat de la Mission de l’ONU, la nécessité de mettre fin au cycle de l’impunité dont bénéficient les responsables des violations graves des droits humains en RDC », indique le Secrétaire général de la Fidh.

Elles « encouragent, en outre, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), dans le but de prévenir la perpétration de nouveaux crimes, à faire passer un message clair aux autorités de la RDC sur la nécessité de lutter contre l’impunité et d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs des crimes commis, tout en coopérant au mieux avec la CPI ».

« Compte-tenu du climat délétère qui prévaut actuellement entre le gouvernement de la RDC et la communauté internationale, et le risque croissant de répression auquel la société civile congolaise doit faire face, il est absolument indispensable que les Nations Unies prévoient un certain nombre de +critères+ en matière de respect des droits humains et de bonne gouvernance dans la stratégie de sortie de la MONUSCO », selon Dismas Kitenge.

Appel à des « élections consensuelles »

Le vice-président de la Fidh souligne qu’« après 15 ans de présence de l’ONU au Congo, les conditions ne sont pas encore réunies pour espérer une transition démocratique pacifique ».

A son avis, « cela ne sera possible que si des élections consensuelles peuvent se tenir et si une justice effective est rendue aux victimes des crimes internationaux commis dans le pays ».

Une note de position publiée par la Fidh et ses membres met en avant un certain nombre d’autres priorités qui devraient être prises en compte dans le nouveau mandat de la Monusco.

« Alors que le Conseil de Sécurité semble vouloir poursuivre les efforts menés dans la lutte contre les groupes armés à l’Est du pays, tout en réduisant le nombre de troupes intégrées à la Mission, nos organisations rappellent que la préparation d’élections libres et transparentes, selon un calendrier crédible, nécessite un assainissement du terrain politique qui doit passer par le renforcement de l’assistance technique apportée à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ainsi que le nettoyage, le contrôle et l’accès international (par tous les acteurs intéressés aux élections) au fichier électoral peu fiable géré par celle-ci », insiste Dismas Kitenge.

« Notre évaluation continue et objective des processus électoraux en RDC depuis 2007 nous permet d’affirmer que le fichier électoral qui sera utilisé pour les prochains scrutins contiendrait entre 9 et 10 millions d’électeurs fictifs. Cette fraude massive ouvre évidemment la porte à de nombreux trafics à commencer par celui des faux papiers, puisqu’au Congo la carte d’électeur donne droit à l’obtention d’un passeport », renchérit Benjamin Kalombo, président de l’Aprodec.

Par conséquent, « compte-tenu du contexte sécuritaire régional et international, il s’agit là d’une menace potentielle à la paix et à la sécurité internationales que le Conseil de Sécurité ne peut pas négliger », prévient-ils.

« De nombreuses élections doivent se dérouler sur l’ensemble du continent africain en 2015 et 2016. A cet égard et compte-tenu de la similitude des contextes et des défis, nos organisations encouragent la Monusco, tout comme d’autres missions de l’ONU impliquées dans des processus politiques sur le continent, à interagir davantage avec la société civile et notamment à travers une coalition d’ONG africaines mise en place par la FIDH, autour de la Campagne #MonVoteDoitCompter, qui regroupe aujourd’hui une centaine de membres », précise-t-il.

Enfin, ces organisations « invitent la Représentante permanente de la Jordanie, membre du Conseil de Sécurité et présidente du Comité des sanctions sur la RDC, à rencontrer les représentants de la société civile congolaise indépendante lors de sa visite dans le pays en mai prochain ».