Jacquemain Shabani, son apport pour l’unité des forces progressistes afin de vaincre le camp du sortant Joseph Kabila en 2016
L’ancien secrétaire général de l’UDPS, Me Jacquemain Shabani Lukoo, est sorti de son silence. Depuis un temps, il n’accordait presque plus d’interviews aux médias. S’il a décidé de parler aujourd’hui dans les colonnes de C-NEWS, c’est pour donner sa position sur les questions politiques qui défraient la chronique au pays. Shabani n’a laissé aucun sujet. Dans cette interview exclusive, il évoque le dossier G7, le rapport de Human rights watch, HRW sur le dernier meeting des opposants à N’Djili et revient beaucoup plus les nombreux dossiers brulants de son parti UDPS.
Comment réagissez-vous au dernier rapport de HWR, citant nommément le régime d’avoir planifié le sabotage du meeting de l’opposition, le du 15 septembre à la Place Sainte-Thérèse, dans la commune de N’Djili?
Effectivement se sont des faits que j’ai vécu personnellement. C’est un mode opératoire qui est propre au PPRD et alliés. A l’UDPS nous en avons payé plus d’une fois le prix. Mais cela ne peut pas nous décourager face à nos objectifs.
Le Général Kanyama, l’inspecteur provincial de Kinshasa,a rejeté ce rapport, estimant que HRW cherche plutôt à le noyer. Qu’en dites-vous?
Il ne peut que se défendre ainsi. La police était présente mais n’est pas intervenue à temps pour nous éviter le pire. Les cas similaires sont légions et, que dirait-on des corps de membres de l’UDPS enlevés et disparus depuis novembre 2011?
Comment interprétez-vous cette méthode de travail vis-à-vis des opposants?
Nous approchons lentement et surement vers la fin du mandat de Kabila. C’est dire que les élections approchent et la peur a changé de camps. La Kabilie panique, comme une fauve blessée qui lance les derniers rugissements. La violation des droits humains et la répressionseront leur mode de gouvernance. Cela n’affaiblira pas notre combat pour le respect strict de la constitution.
Cela signifie pour vous qu’en 2016, Kabila c’est fini?
Cela est clair comme de l’eau de roche. C’est extrêmement constitutionnel, l’article 220 l’impose. N’en déplaise à la minorité bruyante. Au-delà de l’indépendance obtenue le 30 juin 1960, l’alternance politique de décembre 2016 sera l’un des événements les plus importants de l’histoire politique de notre nation. Une évolution majeur pour notre jeune pays.
Vous-même personnellement vous étiez à ce meeting, comment aviez-vous apprécié le message des différents leaders de l’opposition?
J’avais répondu à l’invitation des amis de l’opposition parce que la thématique de ce grand meeting m’a semblé d’une grande importance pour l’avenir de la nation congolaise –entendu, le fichier électoral, enrôlement des électeurs, un calendrier réaliste et consensuel, le respect de la constitution, l’alternance, non au glissement …
Vous parlez de l’alternance politique garantie par la constitution. Que répondez-vous dans ce cas au porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, qui affirme que cela n’est prévue nulle part dans la loi fondamentale?
De deux choses l’une : soit celui qui porte la parole au nom du gouvernement n’a pas encore bien lu notre constitution ou alors il est enivré par son envie de voir son chef s’éternisé à la présidence de la République. Qu’il relise bien l’exposé des motifs de la constitution du 18 février 2006.
Revenons un peu à la répression des opposants par le régime, quel commentaire vous faites après que les éléments de la police ont emporté des tableaux «Kabila jour J- …» aux sièges des partis de l’opposition?
Comme je le disais tantôt, ce sont des signes de faiblesses et de détresses du régime Kabila qui s’en prend maintenant à des tableaux. Ce n’est qu’un début, plus nous approcherons de la date du 19 décembre 2016, plus ils nous feront vivre de telles scènes. Cela ne doit pas nous distraire ; gardons le cap sur le respect de la constitution, l’effectivité d’élections justes et préparons-nous à l’unité des forces progressistes du changement pour une victoire glorieuse de l’alternance. Il est temps de lancer la grande mobilisation autour du calendrier électoral.
Bientôt un mois que la classe politique Rd-Congolaise a été secouée par des lettres ouvertes de G 7 à Joseph Kabila. Puis s’en est suivie des démissions en cascade. La dernière en date, celle de Moïse Katumbi. Quelle est votre analyse d’abord sur la position du G7 et sur ses démissions ; particulièrement celle de Katumbi?
On a pendant longtemps été accusé de faire un procès d’intention à Joseph Kabila et sa famille politique sur les questions de révision de la constitution et sa volonté à se pérenniser au pouvoir. Maintenant que des enfants-maison le dénoncent haut et fort, il n’y a plus débat. Le voile est tombé et cela nous renforce dans nos convictions. Je ne crois pas qu’il faudrait singulariser un cas parmi les autres.
Comment jugez-vous l’acte posé par ces dissidents de la majorité?
On dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ou pour se corriger. C’est un acte politique louable mais qui ne suffit pas. Ils sont comptables du régime Kabila pour avoir porté sa gouvernance. Donc il faut encore plus pour s’en dédouaner, sinon bienvenu à eux dans le combat.
Vous parlez d’acte louable, alors que vous les recevez timidement dans l’opposition. Certains d’entre vous appellent à la prudence?
L’histoire nous renseigne que l’opposition a souvent été confondu à une blanchisserie par certains politiques. A la veille des élections, il est important qu’à la tolérance, nous mettions une dose importante de vigilance vis-à-vis des nouveaux venus.
Ne pensez-vous pas que cette dissidence vient compliquer la donne au sein de l’opposition avec l’éventuelle candidature de Moise Katumbi à la magistrature suprême en 2016 ?
Monsieur Katumbi n’a pas encore annoncé son éventuelle candidature. Qu’à cela ne tienne, il est vrai que lui et le G7 constituent une nouvelle donne dans l’échiquier politique congolais qui a la présomption de faire bouger les lignes, mais soyons patients la politique est effectivement dynamique dans tous les sens.
Pensez-vous que l’opposition parviendrait à aligner un candidat commun en 2016?
Partant de l’expérience de 2011, j’estime que cela s’impose à nous si nous sommes conséquents. Une élection à un tour c’est très complexe. Il nous reste que moins de 14 mois. Les candidatures des différentes sensibilités des forces progressistes du changement ne sont pas encore officiellement annoncées. Les congrès pré-électoraux s’annoncent pour la plupart en décembre. Je suis confiant qu’un grand rassemblement se mettra en place pour faire face aux forces anti-Congo.
Vous dites qu’il n’y a pas de candidatures exprimées, mais il y en a de potentiels. Qui de Kamerhe, Katumbi ou encore de Dr Mpuila – candidat UDPS/diaspora – pourra faire l’affaire?
Votre question est sélective et incomplète car prématurée, prenons notre mal en patience et attendons les autres candidatures.
Vous parlez d’autres candidatures, il en faut pour vous une dizaine alors que c’est une élection à un seul tour. Voudriez-vous amoindrir les chances de l’opposition?
Non loin de là, sauf que pour bien faire les choses, il faudra intégrer dans cette démarche les ambitions de toutes les différentes sensibilités des forces progressistes du changement. A mon avis, c’est dans l’unité de tous que nous vaincrons la Kabilie.
Pour vous il faut donc prendre en compte même des candidatures de marchandage qui risqueront de troubler la donne dans la course?
Les candidatures de marchandage s’éliminent d’elles même, soyez en rassuré.
Comment analysez-vous la dernière sortie de Kabila à Kingakati face aux parlementaires MP?
Et Kabila et ses invités me sont apparus désarçonnés. C’était pour eux une réaction à la dissidence G7, c’est-à-dire qu’ils ne mènent plus la barque. La prétendue majorité n’a plus la primauté de l’action. Elle est devenue réactionnaire. Cela sera ainsi jusqu’en décembre 2016. C’est la fin d’un système.
Vous affirmez que c’est la fin d’un régime alors que Kabila a déclaré qu’il ne voyait pas sa famille politique perdre aux élections?
En tant qu’autorité morale, il ne pouvait pas dire moins que cela. Mais à quelle famille fessait-il allusion? Combien sont encore avec lui? Il utilise maintenant les menaces et répressions pour empêcher les démissions. Non, cette fois-ci, il ne fera pas face à la volonté populaire.
Parlons de votre parti UDPS. Quel est son état à ce jour?
Il est vrai que mon parti n’est pas encore sorti de sa zone de turbulence comme tout le monde le constate. Les enjeux sont d’une telle importance que l’unité de toutes les sensibilités de la grande famille UDPS et le strict respect des fondamentaux du parti s’imposent à nous pour permettre à l’UDPS de jouer pleinement son rôle de leader de l’opposition et lui éviter de répondre aux abonnés absent en 2016.
Pourquoi vous n’évoquez pas la fronde et les maux qui rongent votre parti ; entre autre la dernière exclusion de Tshisekedi à la tête du parti par l’aille diaspora, le remplaçant par André Kalonzo au terme d’un mini-conclave?
C’est des difficultés dues principalement à un déficit de démocratie interne dans l’organisation et le fonctionnement du parti. J’estime pour ma part que ce sont des questions qui se règlent en interne.
Vous reconnaissez qu’il y a déficit de démocratie, mais vous dites que ce sont des questions qui doivent être réglées en interne. A ce que je sache, ces cadres se sont exprimés depuis Bruxelles clairement et ouvertement en public, jusqu’à proposer Mpuila, candidat président. Une candidature à entériner au Congrès de novembre. Ne voyez-vous pas que vous esquivez à parler des vrais problèmes de l’UDPS?
Non pas du tout. Lorsque je fais allusion à un manque ou déficit de démocratie interne dans l’organisation et le fonctionnement du parti, j’englobe toutes ses réalités (décisions, déclarations, pétitions, désignation …). Après 30 ans de lutte pour la démocratie, l’UDPS est arrivée à un âge de maturité qui fait que ses membres sont très attentifs à la vie du parti et cela doit être pris en compte par le leadership du parti.
Ici la responsabilité de cette situation, n’incombe-t-elle pas à Etienne Tshisekedi lui-même?
Je crois que les responsabilités sont partagées. Mais comme je vous le disais c’est à mon avis des questions internes qui ne se traitent pas dans les médias si l’on veut participer tant soit peu à la construction de l’édifice.
Vous ne condamnez pas cependant la position du groupe de Kalonzo comme l’ont fait Mubake et Mavungu?
Non, même si il y a à redire sur la procédure de l’action et certaines de ses conclusions. Je la considère comme une des conséquences de ce déficit et l’associe à toutes les autres déclarations et pétitions non négligeables. Dans une association politique, il est important de tenir compte des avis et considérations des membres. A quelques mois des élections le nombre est plus qu’un baromètre car au finish le résultat est fonction des additions et non des divisions ou soustraction.
Vous reprochez la procédure du groupe à Kalonzo, elle a manqué en quoi?
Vous me poussez à faire un débat public sur une question que je considère éminemment interne quand on a encore l’espoir de pouvoir construire. Merci pour votre compréhension.
Dans ce cas, vous attendez porter cette situation au congrès de décembre. Lequel congrès Félix Tshisekedi a déjà programmé son contrôle à travers sa structure les Amis de Félix?
Je ne crois pas qu’il faut un congrès pour cela. On était prêt à dialoguer avec les autres mais pourquoi ne pas dialoguer entre nous sur ces questions qui nous fâchent, puis ensemble aller de l’avant comme dans le passée. Cette question doit précéder tout congrès. Le prochain congrès du parti doit être inclusif, c’est-à-dire réunir toutes les sensibilités de la grande famille UDPS, sinon il perdra tout son sens. N’oublions pas que nous sommes à la veille d’échéances électorales.
A vous entendre parlez, vous n’êtes donc toujours pas partisan d’un dialogue UDPS-Kabila?
Je n’ai jamais soutenu cette option de dialoguer en cette période avec monsieur Kabila, pour la simple raison que je ne lui reconnais pas la volonté de dialoguer avec quiconque pour les intérêts du Congo et des Congolais. Nous sommes fin mandat, il est clairement établi qu’il a des velléités de se maintenir au pouvoir en violation de la constitution. Concentrons-nous sur les élections nous aurons fait œuvre utile.
Une autre actualité au pays, c’est la suspension des assemblées provinciales par le ministre de l’intérieur. Quelle lecture faites-vous de cette décision?
Le Professeur Boshab est en pleine exécution de sa projection machiavélique qu’il avait dénommée en son temps « l’inanition de la nation » pour aboutir au chaos. Il s’est précipité au démembrement des provinces et voilà maintenant qu’il les ampute de leur organe délibérant pour faire de ces entités territoriales non viables, des morts nées. Une énième violation de la constitution.
Adhérez-vous à la démarche entamée au niveau du parlement visant le vote d’une loi référendaire?
Non, le moment est très mal choisi. Les velléités de la Kabilie à vouloir changer la constitution dans ses dispositions intangibles sont tellement criantes que cela apparait comme une plaisanterie de très mauvais goût.