L’APPEL DE MUZITO AUX UNIVERSITAIRES

Mardi 8 décembre 2015 - 07:56

Pour l’ancien Premier ministre, l’esprit des universitaires doit être formaté dès le bas âge pour apprendre les droits et résister au despotisme, et doivent s’organiser en groupe de pression sur la puissance publique pour le respect du droit.
Adolphe Muzito ne chôme pas. Entre deux plénières ou en tout cas deux séances à la chambre, l’élu de Kikwit planche sur des thèmes susceptibles de déterminer l’avenir et le devenir de ce pays. Du think thank de Muzito, sortent des tribunes. Mais pas seulement. Dans un souci de vulgarisation du savoir et de démocratisation de la politique, l’ancien Premier ministre ne se prive pas d’aller vers le Congolais lambda, vers le peuple pour échanger avec lui. D’où les universités populaires, véritables espaces de cristallisation de l’esprit citoyen. La qualité de la production intellectuelle d’Adolphe Muzito séduit de plus en plus de monde. Y compris dans les milieux universitaires. En témoigne l’invitation que lui a lancé l’Université catholique du Congo. Dans ce haut lieu du savoir, le Premier ministre honoraire a planché sur : " La responsabilité politique des universitaires dans la construction d’un Etat de droit ".

L’ancien Premier ministre a analysé, sur la base de quelques illustrations concrètes, la situation de la RDC à la lumière des principes caractéristiques d’un Etat de droit. Et à partir de ces clichés, Muzito a essayé d’identifier les faiblesses de l’Etat rd congolais, les causes liées à ces faiblesses et les défis à relever sur la voie de la construction d’un Etat de droit. Ce dernier, Adolphe Muzito le définit comme un Etat où règne la primauté de la règle de droit, où tout le monde est soumis à la loi, sans exception.
Bref, l’Etat, c’est le droit, dit-il. A la lumière de ce qui précède, l’ancien Premier ministre estime que la RDC est un Etat en construction ou en transition vers un Etat de droit. Et en tant que tel, il comporte quelques faiblesses qui entourent le processus de son émergence vers un Etat de droit.
Muzito cite notamment le non-respect de la Constitution, les violations des droits fondamentaux relatives aux reformes, les violations de la Constitution dans le processus de mise en place des reformes, les violations des dispositions relatives aux finances publiques,…
Dans sa tribune, Muzito s’est posé des questions aux quelles il a répondu. Notamment : « Quelles sont les causes liées aux faiblesses de notre Etat dans le processus de sa construction comme Etat de droit ?Quelle est la responsabilité des organisations de la société civile, des syndicats, des sociétés savantes et des partis politiques dans la construction d’un Etat de droit ? Quelle peut être la responsabilité politique des universitaires dans ce défi de construction d’un Etat de droit ? Cette responsabilité doit se vérifier dans le cadre des partis politiques qui sont aujourd’hui illégitimes.
Comme on le voit, Antoine Muzito maintient le cap sur l’essentiel au moment où, aux velléités de diabolisation, aux attaques à la fois ad hominem contre sa personne, à la déformation de ses propos par certains médias, à tout cela, l’ancien Premier ministre répond par sa contribution à l’édification d’un Etat de droit. Mieux d’une République.
Si cet universitaire de haut vol puise dans son savoir pour garantir sa production politico-intellectuelle, le militant lumumbiste formé à l’école d’Antoine Gizenga est toujours là pour Guider l’action. Didier KEBONGO

La responsabilité politique des universitaires dans la construction d’un Etat de droit Par Honorable Adolphe MUZITO, Premier Ministre Honoraire
Dans la première, nous essayerons d’élucider les concepts de l’Etat et celui d’Etat de droit, pour tenter d’en avoir ensemble plus ou moins la même compréhension.
Ici, nous examinerons aussi le contexte global dans lequel se construit l’Etat de droit à travers des acteurs sociaux et institutionnels dans la construction d’un Etat de droit, à savoir les organisations de la société civile dont les syndicats patronaux et ouvriers, les sociétés savantes ou les élites que vous êtes, les partis politiques ainsi que la presse.
Dans la deuxième partie, nous allons répondre au regard des définitions que nous aurons donné à la question : est-ce que la RDC est un Etat de droit ? Si Oui comment, Si non quelles sont les faiblesses qui entourent le processus de son émergence comme Etat de droit.
Ainsi nous allons examiner sur la base de quelques illustrations concrètes, la situation de notre pays à la lumière des principes caractéristiques d’un Etat de droit.
A travers ces illustrations, nous allons identifier les faiblesses de notre Etat, les causes liées à ces faiblesses et les défis à relever sur la voie de la construction d’un Etat de droit.
Dans la troisième, nous parlerons de la responsabilité politique des universitaires dans le processus de la construction d’un Etat de droit.
Mais, nous ne saurons pas isoler les universitaires de l’environnement dans lequel ils évoluent, lequel comprend notamment les acteurs de la société civile (presse, syndicats,…)
Nous terminerons la troisième partie par des propositions après avoir identifié les causes des faiblesses relevées.
Dans la quatrième et dernière partie, nous mettrons à la disposition de l’auditoire pour les questions, le débat et échanges.
Distingués conférenciers,
C’est quoi un Etat de droit ? Avant de développer le sujet, il sied de définir les concepts l’Etat de droit. Mais avant de définir celui-ci, il faudrait d’abord mieux cerner les deux concepts qui le composent, à savoir " l’Etat " et " le droit ".

1. UN ETAT….
C’est quoi un Etat ? Sans rentrer dans la guerre des concepts, disons que l’Etat se définit d’abord par ses éléments constitutifs qui sont le territoire, la population et la puissance publique. Il ressort de cette définition, pour qu’il y ait Etat, il faut un territoire, une population et une puissance publique.
A ces trois éléments développés, on ajoute la souveraineté ou la reconnaissance par d’autres Etats. (….)

2. LE DROIT

Le droit peut être défini dans un sens objectif comme dans un sens subjectif.
Dans le sens objectif, le droit est un ensemble de règles à caractère général, contraignant…, qui régissent une société donnée.
- La constitution
- La loi sur la démocratisation
Dans le sens subjectif, le droit constitue une prérogative que la règle juridique reconnait à une personne, considérée comme sujet de droit.
Exemple : droit de propriété, droit d’élire ou d’être élu. C’est ici où on peut citer les droits fondamentaux :
Image retirée.  Le droit de l’homme ;
Image retirée.  Les droits de liberté ;
Image retirée.  Les droits du travail ;
Image retirée.  Les droits à l’emploi, la protection sociale, etc.
Image retirée.  Distingués conférenciers,
Image retirée.  Mesdames et Messieurs,

3. L’ETAT DE DROIT
Le concept " Etat de droit " a été défini de plusieurs manières.
Le professeur NIEMBA SOUGA Jacob le définit comme " un Etat qui limite le pouvoir par la loi et impose un respect impératif à cette limitation ".
Pour Léon KENGO WA DONDO, " c’est un Etat dans lequel, tous les citoyens jouissent réellement et pleinement de leurs droits non comme un don ou une faveur mais un droit exigible parce qu’ils sont des hommes et des femmes par leur nature ".
Par d’autres auteurs, comme un Etat, où tous les sujets sont soumis à la loi, y compris l’Etat lui-même et ses dirigeants.
De l’analyse de différentes conceptions de l’Etat de droit (allemande, française et anglaise), nous pouvons retenir les critères ci-après, pour déterminer un Etat de droit :
" L’existence d’une hiérarchie de normes juridiques
" La séparation des pouvoirs et son corollaire, l’indépendance du pouvoir judiciaire
" L’égalité de tous devant la loi
" Le respect des droits fondamentaux

4. L’ETAT DE DROIT ET L’ETAT DE POLICE
Pour NIEMBA SOUGA Jacob, " l’Etat de police ou l’Etat policier se distingue de l’Etat de droit, par le fait que les autorités publiques ont des pouvoirs illimités qui ne sont soumis à aucun contrôle juridictionnel et la population est soumise impérativement à ces autorités ".

5. L’ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE
L’Etat de droit implique que la liberté de décision des organes de l’Etat soit à tous les niveaux encadrée par l’existence de normes juridiques, dont le respect est garanti par l’intervention d’un juge, il présuppose que les élus ne disposent plus d’une autorité sans partage mais que leur pouvoir est par essence limité.
En d’autres termes, un Etat, c’est le droit et les institutions politiques chargées de produire, d’appliquer et de faire respecter ce droit. (....)
Un Etat de droit est un Etat où règne la primauté de la règle de droit, où tout le monde est soumis à la loi, sans exception.
Bref, l’Etat, c’est le droit.
Il n’existe donc pas d’Etat sans droit.
Si tout État est droit, tout État n’est cependant pas État de droit.
Quels sont les acteurs institutionnels ou sociaux qui par nature concourent à l’émergence d’un Etat de droit ?
Un Etat ne se décrète pas.
Il est :
- Fruit d’un processus historique,
- Fruit d’un rapport des forces, des querelles fondatrices ;
- Fruit des visions des partis politiques et diverses associations dont les syndicats, les sociétés savantes, la presses, etc.
Ceci dit,
Qu’en est-il alors de notre pays, la RDC ? La RDC est-elle un Etat de droit ?
A la lumière de tout ce qui vient d’être développé, comment pouvons-nous définir notre Etat, l’Etat Congolais ?
Notre opinion est que la RDC est un Etat en construction ou en transition vers un Etat de droit.
Si nous sommes d’accord que la RDC est un Etat en construction ou en transition vers un Etat de droit, quelles sont les faiblesses qui entourent le processus de son émergence vers un Etat de droit ?
En grande ligne, ces faiblesses se résument dans :
- le non-respect de la constitution ;
- les violations des droits fondamentaux relatives aux reformes ;
- les violations de la constitution dans le processus de mise en place des reformes ;
- les violations des dispositions relatives aux finances publiques,…

1. VIOLATION DE LA CONSTITUTION PAR LE NON-RESPECT DE DROITS FONDAMENTAUX
" Droit à la liberté de manifestation (art. 26)
" Droit à l’éducation scolaire du niveau de l’enseignement primaire qui doit être obligatoire et gratuit dans les établissements publics (art. 43)
" Droit d’être alphabétisé (art. 44)
" Droit à la santé publique et à la sécurité alimentaire (art. 47)
" Droit à un logement décent (art. 48)
" Droit à l’eau potable et à l’énergie électrique (art. 48)
Droit à la paix et à la sécurité (art. 52

1. LE NON-RESPECT DE DROITS FONDAMENTAUX

" Droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral (art. 53)
" Droit de jouir des richesses nationales (art. 58)
" Droit de jouir du patrimoine commun de l’humanité (art. 59)
" Droit au travail et à la protection contre le chômage (art. 36)
" Droit à une rémunération équitable et satisfaisante (art. 36)
" Droit à la protection sociale, notamment la pension de retraite, la rente viagère (art.56)

" LE NON-RESPECT DE LA JUSTICE SOCIALE
La protection sociale de l’Etat constitue un droit fondamental consacré par la Constitution (art. 36).
Absence d’une politique salariale :
" Au niveau du secteur privé
" Au niveau de l’Etat (fonctionnaires)
" Au niveau du secteur public
a) Les personnels de la fonction publique engagés et de l’EPSP, non inscrits au budget ou non payés pendant de nombreuses années : 350.000/700.000 enseignants.

" LE NON-RESPECT DE LA JUSTICE SOCIALE
" Cas du personnel des services ou entreprises publiques retraitables ou retraitées.
" c) Cas des retraités de la fonction publique sans pensions
" d) Cas des entreprises en faillite ou en liquidation ou en instance de mise en concession (LAC, ONATRA,…).
" e) Cas des révoqués injustes (MARSAVCO,...) non sécurisés par l’Etat
" f) Cas de non-respect des procédures du constat de la faillite de l’Etat.
" g) Elections.
" h) Autres dettes : SNEL, REGIDESO, SNCC, OCPT,…

ABSENCE D’UNE POLITIQUE DE SECURITE SOCIALE
" Non prise en compte par l’Etat des intérêts des créanciers dans le cas :
" des licenciés ou retraités
" de la dette intérieure
" des ex sociétés publiques
" des ex entreprises publiques
¢ en liquidation
¢ mise en concession
" des agents de l’Etat engagés mais non mécanisés ou non payés
" des 350.000 enseignants de l’EPSP sur 700.000 enseignants

2. VIOLATION DE LA CONSTITUTION ET FAIBLESSES DANS LA MISE EN PLACE DES REFORMES
1) NON TRANSFERT AUX PROVINCES DE LEURS COMPETENCES EXCLUSIVES PAR LE GOUVERNEMENT CENTRAL
NON RESPECT DE LA CONSTITUTION
La forme de l’Etat : compromis historique entre fédéralistes et unitaristes
NON RESPECT DES ACCORDS
Un problème de culture politique et de culture juridique

CRISE POLITIQUE 2013-2014
CONCERTATIONS POLITIQUES

La légalité constitutionnelle mise à l’épreuve par les résolutions des concertations :
" Mise en place d’un Gouvernement Opposition-Majorité sans compromis politiques et sans consultation de la Majorité
CRISE POLITIQUE ET ELECTORALE 2015-2016
RUPTURE DU CONSENSUS ET DE LA COHESION NATIONALE
SUR LA PROBLEMATIQUE DE :
" Financement des élections : Faillite de l’Etat
" Calendrier électoral
" Sécurisation des élections
DIALOGUE NATIONAL
La légalité constitutionnelle à l’épreuve du dialogue

CRISE POLITIQUE
DIALOGUE NATIONAL ET TRANSITION

Problèmes liés au non respect des textes et des accords
1. Conférence Nationale Souveraine
2. Dialogue Intercongolais
3. Concertations nationales
4. Dialogue national
Quelles sont les causes liées aux faiblesses de notre Etat dans le processus de sa construction comme Etat de droit ?
Quelle est la responsabilité des organisations de la société civile, des syndicats, des sociétés savantes et des partis politiques dans la construction d’un Etat de droit ?
Quelle peut être la responsabilité politique des universitaires dans ce défi de construction d’un Etat de droit ?
Cette responsabilité doit se vérifier dans le cadre des partis politiques qui sont aujourd’hui illégitimes.
Les causes :
a) Déséquilibre de rapports des forces entre les institutions (Exécutif, Législatif et Judiciaire)
b) Faiblesses de partis par :
" La taille électorale
" Le manque d’idéologies
" Le manque de leadership
" Le manque d’ancrage social
" Le manque de vision politique
" Le peu d’intégration des universitaires dans la lutte politique au sein des partis politiques.
c) Faiblesses des associations de la société civile par :
" la taille
" peu d’organisation (syndicats, presse, etc.)
d) Le dualisme juridique institutionnel, culturel, dualisme qui fait que le droit moderne précède le fait, la culture et la coutume.

ELECTIONS LEGISLATIVES DE 2011
Principaux partis de la Majorité
1. PPRD avec 62 sièges, soit 12,4 % 2. MSR avec 27 sièges, soit 5,4 %
3. PALU avec 17 sièges, soit 3,4 %
4. AFDC avec 17 sièges, soit 3,4 %
5. ARC avec 16 sièges, soit 3,2 %
S/Total 139 sièges 27,8 %
Principaux partis de l’Opposition
6. UDPS avec 41 sièges, soit 8,2 %
7. MLC avec 22 sièges, soit 4,4 %
8. UNC avec 17 sièges, soit 3,4 %
S/Total 80 sièges 16,0 %
TOTAL GRANDS PARTIS 219 sièges 43,8 %
Petits partis
9. PPPD avec 29 sièges, soit 5,8 %
10. INDEPEND avec 16 sièges, soit 3,2 %
11. Autres (Petits partis ou partis fantômes)
avec 236 sièges, soit 47,2 %
TOTAL PETITS PARTIS 281 sièges 56,2 %
TOTAL GÉNÉRAL : 500 sièges 100%

LES SOLUTIONS
" Patriotisme comme amour de la patrie
" Nationalisme ;
" Enseignement des droits des citoyens à l’école depuis le primaire ;
" Rôle des parents et des églises dans l’encadrement moral des intellectuels (pour que science ne soit pas sans conscience) ;
" Rôle des associations de la société civile et des partis politiques dans l’éveil de conscience de la population en général en ce qui concerne leurs droits et le choix
des dirigeants politiques ;
" Critères de recrutement des jeunes magistrats pour une justice indépendante ;
" Organisation des universitaires en groupes de pression et leur intérêt pour la vie politique ;
" Fréquence des recours en justice pour sanctionner les abus de pouvoir ;
" Implication des universitaires pour la création, au niveau des organisations sous régionales, des instances judiciaires de recours contre les décisions arbitraires non sanctionnées par la justice nationale ;
" Engagements politiques des universitaires dans les partis politiques.
Bref l’esprit des universitaires doit être formaté dès le bas âge pour apprendre leurs droits et résister au despotisme, et doivent s’organiser en groupe de pression sur la puissance publique pour le respect du droit.
Je vous remercie pour votre aimable attention.