MALAISE DANS LE SYSTEME BANCAIRE EN RDC GARE AU RETOUR À LA THÉSAURISATION !

Mercredi 20 avril 2016 - 05:32
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Aux aguets, des comptables publics se frottent déjà les mains.

Pas un seul siège vide. Bousculade. Depuis des heures, des foules importantes de clients, debout devant les guichets, attendent d’être servis. Sur les visages, désolation et énervement s’en mêlent. Ce tableau peint partiellement le décor observé depuis près de deux semaines, devant certaines banques commerciales à Kinshasa. Principalement celles qui prennent en charge la paie des salaires mensuels des agents et fonctionnaires de l’Etat.

" Si j’avais… " Ainsi lâche une dame, visage renfrogné et agent de l’Etat, rencontrée hier mardi au sortir d’une banque commerciale dans la commune de la Gombe, d’où elle espérait retirer sa prime mensuelle du mois d’avril courant. " Comment comprendre que l’accès à mon propre compte bancaire devienne un casse-tête ? Faut-il passer la nuit devant nos banques pour être servi", s’interroge sur un ton de colère, un autre agent de service public, bordereau de retrait à la main. Ces deux cas sont loin, et même très loin, d’être isolés.
Tenez ! Depuis près de deux semaines, un malaise couve certaines banques commerciales à Kinshasa. Les non experts parlent en termes de faillite. Non sans arguments. A leurs manières, ils évoquent le retard constaté dans la paie effective des salaires du mois d’avril en cours. Alors que leurs comptes ont été crédités depuis le 15 de ce mois, nombreux sont des agents et fonctionnaires de l’Etat qui ne sont pas encore servis par leurs banques respectives. "Nous n’avons pas de liquidité. Il faut attendre. La situation pourrait être décantée dans l’après-midi ". Voici donc des réponses, plus qu’un simple refrain, que des caissiers des banques donnent à leurs clients qui désirent retirer de l’argent dans leur compte.
Bien pire ! Que le compte soit en Franc congolais ou en dollar américain, certaines banques ont fixé un plafond pour le retrait. En tout cas, jusqu’hier mardi, le seuil a été de 500$Us et d’un million de Fc. Cette politique bancaire, conçue pour essayer de servir tout le monde, n’arrange cependant pas les gros clients qui se sentent bloqués.
Et, comme pour contourner ces restrictions des banques, certains de leurs clients font la ronde des agences. Ainsi, par exemple, pour retirer 5000$Us, ils se voient obligés de retirer le même montant dans différentes agences, tout en respectant le plafond. Comme qui dirait : à malin, malin et demi !

GARE AU RETOUR A LA THESAURISATION
Depuis plus d’une décennie, les Congolais de Kinshasa ont rompu avec la thésaurisation de la monnaie au profit d’une culture bancaire émergente. Ce changement de mentalité est l’une des conséquences positive du boom bancaire observé dans le pays. Principalement à Kinshasa où certaines transactions sont facilitées moyennant une carte bancaire électronique. Et donc, par exemple, on n’a plus besoin de trainer d’importantes sommes d’argent pour faire des emplettes dans un Super marché.
Par ailleurs, le circuit de paie des agents et fonctionnaires de l’Etat a été innové. Plus rien ne passe depuis plusieurs années par des comptables publics que les fonctionnaires eux-mêmes qualifient de triste mémoire. En lieu place, tout passe par la banque. Bienvenue donc la bancarisation.
Les fonctionnaires et autres agents de service public retirent ainsi leurs salaires mensuels sans la moindre rétribution. Finis les retenus sur salaire pour le transport du comptable.
Qui plus est, l’ouverture d’un compte bancaire, longtemps considéré comme un luxe inaccessible, devenait quelque peu un simple jeu pour plus d’un Congolais d’en-bas.
En tout cas, au jour d’aujourd’hui, même des ménagères préfèrent garder leur argent en banque. Que ce soit des hommes de métier ou de profession libérale, tous disposent désormais de compte bancaire.
Avec un brin de prestige, ils remplissent ainsi leurs bordereaux à chaque mouvement de leurs comptes. Avec leurs argents en banque, nombreux sont des Kinois qui se sont sentis à l’abri de la gabegie financière.
Cependant, le spectacle (désolant ?) qu’offrent certaines banques commerciales de Kinshasa à leurs clients, depuis quelques semaines, risque de freiner cet élan de la culture bancaire. Pourtant. Ce bond a le mérite d’être soutenu. Car, au-delà de l’aspect épargne, ces banques privées se sont révélées de pourvoyeuses d’emplois pour des centaines de jeunes nationaux. Pas seulement.
Un autre avantage, non de moindre, est que le système bancaire en RD Congo a quelque peu mis fin à la thésaurisation. Ce qui est une bonne chose sur le plan économique. Alors, à partir du moment où toutes ces banques perdent la confiance de leurs clients, il y a donc risque de faire marche arrière. La population risque de renouer avec ses anciennes habitudes : garder l’argent à la maison.
La situation actuelle des banques requiert donc des mesures urgentes pour freiner la dangereuse allure d’une descente aux enfers que semblent prendre certains établissements de placement. Pour l’instant, plus d’un Congolais a l’œil rivé sur le Gouvernement national. Tout donc. Sauf le retour aux Comptables de l’Etat. Laurel KANKOLE