On continue de tuer à Beni, dans la province du Nord-Kivu. Le décompte est macabre. Selon des témoignages recueillis sur place, on n‘est plus loin de mille morts. De passage dans la région, le chef de l’Etat a réitéré, comme c’est souvent le cas, sa ferme détermination de venir à bout de la pieuvre de Beni. Mais, nombre d’analystes estiment que la solution au drame qui s’abat sur Beni viendra de Kinshasa. Il suffit, disent-ils, que Kinshasa tonne pour que tout revienne à la normale.
Encore des morts à Beni. La semaine dernière a été une fois meurtrière à Beni, territoire du Nord-Kivu.
Des hommes armés ont abattu sept personnes, dans la nuit du samedi 1er novembre, dans la ville de Beni, située à plus de 350 km au Nord de Goma (Nord-Kivu). La Société civile, elle, parle de 14 morts dont deux militaires. C’est aux environs de 19h00 locales que ces assaillants ont fait incursion dans la commune de Ruwenzori pour mener leur opération, selon des sources concordantes.
Au quartier Boikene, ces hommes armés ont tiré sur les habitants des cellules de Sobiede et Municipale. A l’arrivée des FARDC, ils se sont enfuis dans la brousse vers Kasinga.
Pour protester contre ces massacres à répétition, la population des quartiers Ngadi et Boikene est descendue ce dimanche matin dans la rue.
Dans leur colère, les manifestants ont d’abord endommagé le monument du chef de l’Etat Joseph Kabila, situé dans le quartier Malepe. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la mairie de Beni avant d’être dispersés par les policiers et les militaires.
Ce nouveau massacre a été perpétré quelques heures après le départ du chef de l’Etat de la ville de Beni, où il a séjourné pendant quatre jours. Joseph Kabila s’était entretenu avec les forces sociales et politiques de Beni pour mettre fin à l’insécurité qui prévaut depuis plus d’un mois dans ce territoire du Nord-Kivu. Les présumés rebelles ougandais des ADE ont tué plus de 80 personnes en l’espace d’un mois.
Dans son adresse vendredi 31 octobre à la population de Beni, Joseph Kabila a souhaité voir la Monusco renforcer sa présence dans cette zone pour faire face aux problèmes d’insécurité. Le chef de l’Etat a également lancé une mise en garde contre les rebelles ougandais des ADF, accusés d’avoir tué environ quatre-vingts personnes en un mois.
Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a « accueilli favorablement» la demande du chef de ‘Etat de renforcer la présence des troupes de la Monusco dans le territoire de Béni et les environs (Nord-Kivu).
Dans un communiqué de presse publié vendredi 31 octobre, le patron de la Monusco a assuré que ces renforts « permettront aux FARDC de s’engager plus vigoureusement contre les rebelles des ADF ».
Depuis un mois, le territoire de Beni fait face à des attaques d’hommes armés dont des présumés rebelles ougandais des ADF. Selon la société civile, plus de 80 civils ont été tues en l’espace d’un mois.
BENI, UN BOURBIER ENTRETENU PAR KINSHASA
La situation persistante de Beni soulève quelques interrogations. Des langues commencent à se délier. Certains voient dans ces tueries à répétition une main noire téléguidée à partir de Kinshasa. Ces analystes sont formels. Le problème et la solution de Beni se trouvent à Kinshasa.
Ils sont d’avis que « Beni est un bourbier entretenu depuis Kinshasa pour des intérêts politiques et économiques ».
En effet, le drame de Beni vient de très loin, Il remonte à la 2ème République, lorsque la partie Est de la RDC a assisté à un déferlement des réfugiés rwandais en 1994. La guerre de libération menée par les troupes de l’AFDL en 1996, avec tout ce qu’elle a connu comme ramification jusqu’à la récente rébellion de M23, a presqu’envenimé la situation. Aussi, au- delà des conflits fonciers entre différentes communautés ethniques, le drame de Beni est une vaste maffia où s’imbriquent divers intérêts politiques et économiques. Ces intérêts dépassent le seul cadre de la RDC. A la base, il y a un business transfrontalier qui s’étend jusqu’en Ouganda et au Rwanda.
A Beni, ce ne sont pas nécessairement les ADF qui tuent. Des unités militaires parallèles déployées dans cette partie ont fini par créer un no man’s land qui échappe au contrôle des autorités politico-militaires locales. Autour de Beni, il y a beaucoup de forces autonomes, avec des objectifs différents qui s’entrechoquent.
Depuis 1994 que les ADF sont signalés dans cette région, des témoignages affirment que ces rebelles ougandais ne se sont jamais attaqués aux populations civiles. Alors, qui tue à Beni ? Des observateurs affirment que la réponse à cette question se trouve à Kinshasa. Selon eux, le problème de Beni ne peut pas être résolu tant que Kinshasa tirera les ficelles, comme c’est le cas aujourd’hui.
Comment s’en sortir ?
Il faut, notent ces observateurs, que la RDC retrouve la capacité militaire de gérer son espace. La réforme de l’armée est une urgence. La solution au drame de Beni se trouve donc dans une profonde réorganisation de l’armée. Il s’agit de rétablir l’unité de commandement afin de mettre hors d’état de nuire toutes les unités indépendantes qui, en créant le désordre, servent à perpétuer les massacres à Beni.
LE POTENTIEL