Le sénateur Moïse Nyarugabo est d’avis que « la justice fonctionne mal en République démocratique du Congo », en réplique au vice-Premier ministre en charge du Budget Daniel Mukoko Samba qui « espère que le ministère de la Justice pourrait préparer une loi de programmation pour les besoins immenses du secteur judiciaire » dont les magistrats, en grève depuis le 3 novembre 2014, réclament au gouvernement de « payer à un magistrat recruté 1.600 USD ».
Critiquant sévèrement le « laxisme » du gouvernement devant ce dossier lié à la déclaration du chef de l’Etat à quelques jours de la présidentielle du 28 novembre 2011, Nyarugabo a fait remarquer qu’« il y a des magistrats qui sont retraités dans la ville de Kinshasa avec éméritat au niveau du Procureur général de la République mais qui sont logés dans les églises et incapables de payer les loyers ».
« Les magistrats sont en grève et touchent 640.000 FC. A l’instar du pays, les magistrats ne se mettent pas sur les pas et les bras, parce qu’ils n’ont pas les frais de fonctionnement. Comment gérer ces magistrats sans leur donner un minimum de moyens de statuer sur votre vie, sur la liberté ? Quel pouvoir on donne à ces magistrats sans donner un minimum vital pour réguler la société ? », s’est interrogé Me Nyarugabo, lors du débat le 18 novembre au Sénat sur le projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2015.
Il a évoqué le « saupoudrage des chiffres alignés dans le budget de l’Etat 2015 sans que le gouvernement n’ait pris la loi rectificative, parce qu’il exécute ce qu’il n’a pas prévu ».
Moïse Nyarugabo, qui a mis en exergue le fait que « les crédits de 450 milliards FC sollicités par le pouvoir judiciaire, alors que 111,6 milliards FC lui accordés par le gouvernement sont amputés de 14 milliards FC », a plaidé pour la « cause noble des magistrats en situation de grève déclenchée le 3 novembre 2014 pour réclamer les 1.600 USD en faveur du magistrat débutant sa carrière ».
« Sans la justice, la société ne peut pas fonctionner normalement. Il n’y a pas de démocratie. Sans la justice, il n’y a pas de sagesse, parce que le cœur de l’homme tourne vers le mal. Sans la justice, il n’y a plus de sanctions. Si le gouvernement pense que la justice est un secteur prioritaire, je me fais un devoir agréable de vous rappeler une promesse électorale mais un engagement du Chef de l’Etat », a-t-il insisté.
Le sénateur Nyarugabo a rappelé que « cet engagement du salaire au bénéfice de l’appareil judiciaire s’élevait à 1.600 USD » et appelé le gouvernement à « assumer l’erreur ou le courage ».
« On sanctionne le service qui a commis l’erreur en faisant sauter le fusible », a-t-il martelé, en demandant au vice-Premier ministre en charge du Budget de « confirmer que le gouvernement a tenu compte de la situation des magistrats ».
Améliorer la budgétisation des dépenses et des investissements
Nyarugabo ayant également demandé au gouvernement de « changer les priorités face aux ressources à réaliser », son collègue Leonard She Okitundu a renchéri que « les magistrats sont mal payés ».
Après avoir noté « un écart abyssal entre les besoins fondamentaux de la République et les ressources innovantes qu’il faut exploiter pour atteindre l’émergence », il a invité le gouvernement à « améliorer la budgétisation des dépenses et des investissements, à travers les audits liés à la transformation des entreprises publiques ».
« Comment fait-on les ressources innovantes pour accroitre les recettes de l’Etat ?», s’est interrogé le sénateur She Okitundu.
Poursuite de la grève des magistrats
Au cours d’une assemblée générale organisée jeudi 27 novembre 2014 à Kinshasa, les magistrats ont décidé de poursuivre leur grève déclenchée début novembre, affirmant que « le gouvernement de la République ne donne aucun écho favorable aux revendications » des toges noires sur toute étendue nationale.
« Ça fait trois ans que nous attendons. Le président nous avait mis à la disposition du gouvernement. Trois ans sont passés, et on n’a rien fait. Voilà pourquoi nous revenons à la charge », a expliqué à la presse le président du syndicat autonome des magistrats (SYNAMAG), Sambayi Mutenda Lukusa.
Les magistrats en grève réclament le salaire de 1600U SD pour un magistrat débutant, en évoquant le discours à la nation du président Joseph Kabila Kabila en septembre 2011, dans lequel il s’était félicité d’avoir accordé ce salaire aux magistrats qui avaient rétorqué ne l’avoir « jamais reçu ».
« Vous comprenez que nous vivons dans un pays où le Premier citoyen du pays n’est pas obéi par son gouvernement. Jusqu’aujourd’hui, rien n’a été fait. Nous nous posons la question de savoir si le gouvernement est attentif aux décisions qu’il prend ou il les prend pour faire plaisir et s’endormir », a ironisé Sambayi Mutenda, cité par Radio Okapi.
Il a rappelé que « le SYNAMAG et le gouvernement s’étaient mis d’accord pour payer cette somme progressivement ».
« Durant lé période de grève, seul un service minimum sera assuré et qui ne concerne que les dossiers de détention préventive », a-t-il signalé.