MONT MANGENGENGE : LE SITE DE PRÉDILECTION DES PÈLERINS CATHOLIQUES DE KINSHASA

Mardi 29 mars 2016 - 08:22
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C’est le 25 mars dernier que les fidèles de l’Eglise catholique du monde entier ont célébré le vendredi saint. Jour où les chrétiens se remémorent la passion du Christ, avec comme point culminant sa mort sur la croix à Golgotha. Pendant cette journée significative, les chrétiens imitent Jésus dans sa souffrance en effectuant un long pèlerinage, généralement sur une montagne. Comme donc chaque année pendant le carême, des pèlerins de Kinshasa ont afflué en masse vers le Mont Mangengenge, au sud-Est de la ville, pour mieux vivre le calvaire. Reportage.

Les fidèles catholiques ont pris l’habitude, depuis des dizaines d’années, de gravir l’impressionnant Mont Mangengenge à l’approche de la fête de Pâques. Occasion pour eux de vivre en live le chemin de la croix, en mortifiant leur corps et leur esprit à l’instar de Jésus. Rares sont ceux qui se rendent sur cette montagne sacrée en alpinistes pour faire du tourisme ou procéder à des séances photos sur ’’ce toit de Kinshasa’’. Nombreux vont plus pour prier et peiner comme Jésus.
Gravir le Mont Mangengenge n’est pas une mince affaire. C’est un véritable parcours de combattant. Les pèlerins audacieux terminent leur course par l’épuisement, la fatigue, l’essoufflement… Difficile d’arriver à bout de ce long parcours sans suer à grosses gouttes et se mouiller la chemise, la blouse ou encore la robe.
"Cette journée me rappelle beaucoup de choses. Le fait que Christ soit mort pour moi, alors que je n’étais pas encore né, cela donne plus de sens à mon pèlerinage. Je vis donc de plein gré cette souffrance. Je me sacrifie ainsi pour que Dieu m’écoute. Une fois que j’ai réussi à gravir ce haut lieu, j’ai eu la ferme conviction que je me trouvais déjà au-dessus de tous mes problèmes", nous confie Gédéon Musuni, chrétien de la paroisse Saint Matthieu de Mikonga, rencontré dans la foule de pèlerins sur la route de Mangengenge.

UNE EXPERIENCE UNIQUE
Pour atteindre ne serait-ce que la première station, que les habitués de cette aventure appellent communément ’’la première croix’’, au pied du fameux Mont Mangengenge, le pèlerin est tenu de se munir d’une canne pour soutenir sa marche. La distance entre l’arrêt de bus, au niveau de la Nationale n° 1, et le pied de la montagne s’avère en effet longue, s’étalant sur un tronçon d’environ 8 km. Cette voie semble très éprouvante pour les pèlerins, d’autant qu’elle est jonchée des sables qui surchauffent les pieds sous un soleil ardent. Pas étonnant de voir certains pèlerins trainer dans leurs marches, alourdis par les gros sacs à dos munis de provisions. Pas non plus étonnant de voir d’autres pèlerins poursuivre la marche en chaussettes ou pieds nus.
Pour Christian M., un chrétien en provenance de Righini, un quartier huppé de Lemba, et membre de la communauté interuniversitaires des jésuites, ’’ce pèlerinage vaut la peine d’être effectué, surtout en ce jour du vendredi saint pendant le carême’’. Une fois juché avec ses compagnons au sommet de la montagne, à la 14èmestation, il exulte de joie : "Aujourd’hui, ce qui importe, c’est le sacrifice. Je veux être en mesure de vivre aussi dans ma peau la même souffrance que Jésus. En dehors de cela, la particularité sur cette montagne, est le calme qui y règne. Un atout favorable pour m’aider à me recueillir. La motivation est grande du fait que la seule activité ici, c’est la prière".
"Ici, c’est vraiment un lieu de prière. Si l’Eglise a tenu à l’érection de ce site, c’était pour compenser le pèlerinage effectué chaque vendredi saint au mont Tabor en Israël. Ce parcours nous permet de nous retirer du grand bruit dont nous avons toujours été victime dans nos quartiers. C’est une expérience inoubliable pour tous ceux qui nous visitent pour leur première fois", a indiqué l’abbé J. Jacques Adede de l’archidiocèse de Mbandaka et responsable du site Mont Tabor - Mangengenge (appellation catholique) depuis près de cinq ans déjà.

UN VERITABLE PATRIMOINE TOURISTIQUE
"Ce qui m’a le plus ému, c’est la vue panoramique que le sommet ouvre sur Kinshasa, s’exclame Karena, une expatriée originaire de l’île de Malte. Avec une altitude de près 718 m, le Mont Mangengenge s’étend sur 4° 26’ 15’’ Sud et 15°31’ 26’’ Est. Faisant partie des monts Cristal, il est situé à une dizaine de kilomètres au sud de l’aéroport international de Ndjili, dans la région des collines (commune de la N’sele)".
" Surplombant la plaine du Pool Malebo, poursuit-elle, il est visible de très loin à partir des routes qui quittent la ville de Kinshasa vers l’est, grâce aux importants aplombs de couleur blanche à proximité de son sommet. On peut y accéder à partir de la paroisse Saint Angèle de Mérici, dans le quartier Talangai, depuis l’arrêt Efobanc, le long d’une piste difficilement carrossable, suite au sable".

DES MILLIONS DE PELERINS
Le piste de l’ascension est jalonné d’un chemin de croix de 14 stations. Au sommet de la montagne, les pèlerins se retrouvent autour d’une imposante croix blanche sous laquelle des prêtres officient la messe.
C’est l’ancien archevêque de Kinshasa, Mgr Fréderic Etsou Nzabi Bamungwabi qui a pris, en 1992, l’initiative de faire de cet endroit un lieu spirituel. Le site a, depuis, accueilli plusieurs millions de pèlerins. La fréquentation a culminé avec les crises qu’a connues la ville, surtout en 1997.
Le nom Mangengenge vient du lingala Kongenge, qui signifie "briller". La montagne s’est tout d’abord appelée Mabangu ou Manguele jusqu’en 1866. Puis, Pic Mense à partir de 1867, en l’honneur de Carl Mense (1861-1938) qui fut, avec Hans von Schwerin, le premier européen à escalader la montagne.
Bahati KASINDI