L’installation des 21 nouvelles provinces de la République Démocratique du Congo pourrait intervenir à compter de la mi-août 2015, à défaut du 30 juin 2015, comme annoncé ultérieurement. Ainsi, le Bandundu va éclater en trois provinces : le Kwango, le Kwilu et le Maindombe. L’Equateur devrait donner naissance à cinq nouvelles entités : l’Equateur, la Tshuapa, la Mongala, le Nord-Ubangui et le Sud-Ubangui. La Province Orientale devrait être subdivisée en quatre parties : la Tshopo, le Bas-Uélé, le Haut-Uélé et l’Ituri. Le Katanga devrait disparaître au profit de quatre nouvelles entités : le Haut-Katanga, le Haut-Lomami, le Lualaba et le Tanganyika. Le Kasaï Oriental devrait éclater en trois provincettes dénommées curieusement Kasaï Oriental, Lomami et Sankuru. Le Kasaï Occidental devrait être rayé de la carte géographique du pays au profit du Kasaï et de la Lulua. Avec Kinshasa, le Kongo Central, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema, qui ont échappé à la vague du découpage territorial, la RDC devrait compter désormais 26 provinces.
Des provincettes condamnées à mort?
Certes, sur papier, l’option de faire passer le pays de 11 à 26 provinces, arrêtée depuis la signature, en décembre 2002, de l’Accord global et inclusif ayant marqué la fin du Dialogue intercongolais, ne se discute pas. La grande inconnue du moment, c’est de savoir si ces nouvelles entités réunissent les conditions administratives, financières et matérielles requises pour fonctionner comme entités territoriales décentralisées. Lorsque l’on jette un regard sur le passé récent, l’on note qu’en 2006, délai butoir retenu pour la mise en œuvre de cette réforme administrative et territoriale, l’unanimité s’était dégagée autour, de l’incapacité du gouvernement à matérialiser la volonté des participants à la grand’messe de Sun City.
D’où, au terme de leurs échanges autour de la question, les députés nationaux, sous la modération de Vital Kamerhe, alors président du Bureau de l’Assemblée Nationale, avaient résolu de surseoir au projet, jusqu’à ce que soient réussies les conditions politiques, sécuritaires, administratives, financières et matérielles du passage de 11 à 26 provinces. Manifestement, l’option n’avait pas plu aux originaires du District de l’Ituri, qui avaient brandi la menace de passer outre la décision de la chambre basse du Parlement et d’appliquer les dispositions constitutionnelles en matière de découpage territorial. Mais, en dépit de tout le bruit fait autour de la viabilité de cette future nouvelle province, le pas de l’autonomie administrative et financière n’avait pas été franchi.
Qu’est-ce qui a changé depuis lors?
La question vaut son pesant d’or. En effet, un ancien chef du gouvernement, économiste de formation et de profession, avait démontré dernièrement, chiffres à l’appui, que l’exécutif national congolais n’avait pas encore les moyens financiers de traduire en actes la volonté du législateur relative à l’éclatement du pays en 26 provinces. Après l’analyse dés contraintes administratives, financières, logistiques et autres, il avait recommandé aux partisans du découpage territorial immédiat de tempérer leurs ardeurs.
Se livrant au monitoring du Budget national, plafonné autour de neuf milliards de dollars américains, il avait tranché que le temps de « découper » la RDC en 26 entités autonomes n’avait pas encore sonné. Il avait rappelé les retards chroniques de paiement des arriérés de la quotité de 40% de recettes que le pouvoir central devrait rétrocéder aux onze provinces actuelles, dont la viabilité pose sérieusement problème.
Plusieurs analystes politiques et économiques ayant abordé, avec froideur, le thème du découpage territorial, ont attiré l’attention de tous sur les risques d’érection en provinces d’entités qui ne vivraient que l’espace des cérémonies officielles de leur installation. Certains ont cité les cas de provincettes telles que le Maindombe, la Tshuapa, la Mongala, le Sud-Ubangi, le Nord-Ubangui, la Tshopo, la Lulua, le Lomami, le Haut-Lomami, le Lualaba... où n’existe pas d’infrastructures d’accueil de nouvelles administrations à installer dans de nouveaux chefs-lieux. La faillite pourrait frapper rapidement aux portes des assemblées et gouvernements provinciaux, dont les charges de fonctionnement sont à multiplier par 26, en pleine exécution d’une loi de finance votée au Parlement sans avoir pris en compte leur mise en œuvre.
Sans routes, sans bâtiments, sans industries, sans électricité, sans aéroports, sans ports, sans rails, sans eau potable, sans hôpitaux de référence, sans universités, sans marchés modernes, sans fermes agro-pastorales... comment vont vivre les nouvelles provincettes ? Vont-elles continuer à attendre la manne de Kinshasa?
Si ça casse...!
Si le train de la réforme quitte la gare à la mi-août pour s’arrêter juste à sa sortie, il pourrait s’ensuivre des frustrations telles que le pays risque d’imploser. Serait-il possible de faire marche arrière et de convaincre tous ceux et toutes celles qui auront acquis, à moindre frais, le statut de gouverneurs, vice-gouverneurs, ministres provinciaux, députés provinciaux, directeurs généraux de régies financières provinciales, de renoncer à leurs coquilles vides?
Le scénario-catastrophe se profile à l’horizon, avec à l’avant-plan, de futurs roitelets capables de se rebeller contre Kinshasa et de décréter l’indépendance de micro-Etats sans lendemain.
Le découpage territorial semble cacher le lit du futur chaos qui guette la République. A partir de la mi-août, chacun pourrait constater si ceux qui ont précipité l’installation de nouvelles provinces ont eu réellement raison de conduire le pays vers une innovation de tous les dangers.
Si ça casse, la conséquence immédiate du dysfonctionnement politico-administratif du pays serait le glissement du calendrier électoral. Dans ce cas, l’histoire donnerait raison à celui qui a préconisé le «glissement collectif».
Par Kimp