O. Kamitatu indique à J. Kabila le chemin d'une retraite politique paisible.

Mardi 12 avril 2016 - 08:47
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« Le peuple congolais doit comprendre qu’après avoir épuisé sa garantie, il est temps que le locataire du Palais de la Nation pense à remettre les clés de la maison au propriétaire qui est le souverain primaire»

Dans une interview accordée à 7SUR7.CD, le plus grand site d'infos, Olivier Kamitatu, vice-président du G7, s'est longuement exprimé sur tous les sujets politiques d'actualité brûlante. De l'investiture de Moïse Katumbi, de l'avenir politique de Kabila, de la cohésion de l'Opposition, du combat commun avec Vital Kamerhe, du Dialogue politique et de son médiateur, dont il n'accorde aucune légitimité, de la Résolution 2277, de la candidature commune, du programme du G7; l'ancien ministre du plan a abordé toutes ses questions avec précision. L'ancien président de l'Assemblée nationale et président de l'ARC croit fermement à la tenue des élections présidentielles dans le délai constitutionnel. Tout est question de volonté politique dit-il. Ci-dessous l'intégralité de l'interview.

  1. Olivier Kamitatu, pourquoi l’investiture de Moïse Katumbi par le G7 suscite-t-elle un tollé de la part de vos partenaires de l’opposition ? Vital Kamerhe notamment qui pense que c’est mettre la charrue avant le bœuf.

 

En perspective de la convocation du corps électoral par la CENI qui, selon le calendrier prescrit par la Constitution, doit avoir lieu le 20 septembre prochain, le G7 a considéré que le moment était venu de choisir son candidat à la prochaine élection présidentielle et de déployer toutes ses ressources humaines, morales et matérielles en vue d’une très large mobilisation des Congolais autour de ce candidat.

A cinq mois de l’échéance que la Constitution fixe à la CENI, cette décision ne nous paraît pas du tout prématurée. Sous d’autres cieux, les ambitions se déclarent plusieurs mois, plusieurs années à l’avance.

Hormis les préoccupations de Vital Kamerhe qui rappelle que nous devons nous mobiliser pour obtenir l’effectivité des élections, je confirme que c’est une préoccupation que nous partageons tous. Nous sommes tous engagés dans cette bataille. Il n’y a là aucun doute possible !

La candidature commune étant une promesse de victoire, j’y crois fermement. Pour apaiser les uns et les autres, je considère que pour le G7, Moise Katumbi est candidat à la candidature commune de l’Opposition.

 

  1. Pourquoi les autres candidats à l’Opposition, notamment celle de Fayulu, Matungulu et de Mbusa n’ont-elles pas provoqué une telle protestation ?

 

En réalité, c’est du côté de la Majorité que se lisent les inquiétudes et les protestations. En plaçant le curseur sur l’enjeu électoral et en proposant un bon candidat, nous attendons maintenant que la Majorité annonce ses couleurs. A ce jour, elle se réfugie derrière la stratégie d’un pseudo-mystère pour éluder une question essentielle. Ceux qui caressaient hier l’espoir d’un changement de Constitution voire d’un troisième mandat sont confrontés aujourd’hui à un choix déchirant qui se résumé à ce qui suit, il faut un successeur à Joseph Kabila dans le cadre nos institutions. A mesure que le temps passe, il leur faut interroger leurs certitudes. Si la majorité croit réellement aux élections, elle doit nous dire qui est son candidat. Car, finalement, on ne va pas diviser un pays pour le destin d’un seul homme. Il va bien falloir choisir entre la continuité et la paix et la survie de Joseph Kabila au pouvoir. Comme je l’avais déjà dit à Ouagadougou le 14 mars 2014, on ne peut pas diviser un pays pour le destin d’un seul homme. Le seul véritable choix se situe entre la préservation et la consolidation de la démocratie pour un avenir apaisé et prometteur du Congo et le destin personnel de monsieur Joseph Kabila.

 

  1. Était-ce le bon moment de choisir Katumbi pour défendre vos valeurs à la présidentielle ?

 

Depuis novembre dernier, nous avons mis en place des groupes de travail chargés d’élaborer le programme du G7. Nous avons pris soin de dresser un état des lieux de la situation politique, économique et sociale du pays et d’étudier toutes les réformes nécessaires pour engager une transformation profonde du Congo. Au cours du conclave du G7, nous avons adopté les grandes lignes de notre programme. Il nous fallait nous entendre sur la personnalité qui nous semblait la mieux indiquée pour partager notre vision, porter nos valeurs et convaincre la majorité des Congolais. C’est sur cette base qu’en connaissance de cause,  nous avons en toute humilité et à l’unanimité choisi Moïse Katumbi.

 

  1. Y a-t-il dichotomie entre l’investiture présidentielle de Moise Katumbi par le G7 et le combat pour l’organisation des élections dans le délai constitutionnel ?

 

Le choix de Moise Katumbi confirme notre détermination résolue à intensifier avec tous nos amis de l’opposition et de la société civile notre combat pour le respect de la Constitution et l’alternance démocratique dans les délais. Nous disposons d’une machine politique, d’un programme, d’une équipe et d’un candidat rassembleur qui a un bilan flatteur, il nous faut maintenant tout mettre en œuvre, avec  tous ceux qui croient au changement, pour que les élections se tiennent dans les délais prescrits par la Constitution.

 

  1. Faudra-t-il vraiment une candidature commune de l’Opposition pour concrétiser l’alternance ?

 

Le peuple congolais veut le changement, la candidature commune de l’Opposition est le meilleur scénario pour apporter à la population le changement de gouvernance auquel elle aspire. Le G7 s’inscrit dans cette logique et invite les leaders de l’opposition à se rassembler pour choisir la personnalité qui disposera d’une légitimité forte et incontestée pour réaliser les attentes des Congolais.

 

  1. Comment apaiser les tensions au sein de l’Opposition après ce rififi ?

 

Il n’y a pas de tension. Des inquiétudes ont été exprimées. Elles ont été entendues. Il n’y a vraiment pas péril en la demeure. Après les deux premiers cycles électoraux, l’Opposition a acquis assez de maturité pour ne plus céder au psychodrame. Il y a parfaite identité de vue entre le G7 et tous les leaders de l’opposition sur l’essentiel, à savoir : le respect de la constitution, l’organisation des élections dans les délais constitutionnels et surtout la volonté farouche de battre loyalement la MP dans une élection démocratique apaisée et engager les réformes pour le redressement du pays

 

  1. Le ministre Tshibanda vient de déclarer que les résolutions du Dialogue politique seront opposables à tous. Qu’en dites-vous ?

 

Initialement, les organisateurs du dialogue ont assuré que la règle du consensus prévaudrait. En termes clairs, les porte-parole de la MP et autres communicateurs ont expliqué qu’il n’y avait aucun risque d’aller à un dialogue où seraient convoqués des politiciens au même titre que des représentants des confessions religieuses, des chefs traditionnels coutumiers, des artistes, des représentants des associations diverses, bref, quelques centaines de personnalités, parce que seules les décisions unanimes seraient validées. Si maintenant les décisions deviennent opposables à ceux qui ne sont pas d’accord, il ne s’agit pas d’un dialogue mais d’un diktat. Les décisions seront donc aussi opposables à la Constitution ? Quand une assemblée est invitée à prendre des décisions opposables à tous en partant du principe que les dispositions de la Constitution ne peuvent être respectées, cela s’appelle une Assemblée Constituante. Or, le peuple a clairement exprimé par le sacrifice de son sang en janvier 2015 son rejet de tout changement des règles fondamentales qui nous régissent.  Et quand en plus le choix des membres de cette assemblée-dialogue est à la discrétion du Chef de l’Etat qui est fin mandat, cela s’appelle un coup d’Etat constitutionnel. Nous sommes en plein scénario du troisième penalty dont parlait Moise Katumbi. Voilà pourquoi nous disons non, non et non à ce dialogue made in Kingakati qui ne vise qu’à saborder notre constitution, fruit d’un compromis sanctionné à 85% par le peuple et qui nous a donné la paix et  la stabilité actuelles au Congo.

 

  1. D’une part, Moise Katumbi salue la résolution 2277, qui soutient le dialogue politique et d’autre part, il qualifie le dialogue politique de « distraction ». Ses propos ne sont-ils pas contradictoires ?

 

Le Dialogue prescrit parsla Résolution 2277 s’inscrit dans le respect de la Constitution. Il n’a rien à voir avec le « Dialogue made in Kingakati » qui n’est qu’un mécanisme visant à doter le pouvoir qui a échoué à organiser les élections dans les délais d’une forme de légitimité de raccroc négociée dans un forum qui tient plus du cirque politique que de la vraie représentation nationale. Voilà pourquoi en homme d’Etat responsable, Moise Katumbi soutient les initiatives qui visent à répondre aux préoccupations de la population congolaise qui veut la tenue des élections dans les délais. Ces délais sont constitutionnels et il n’y a aucune fétichisme à le rappeler.Il n’est nullement question de laisser un régime qui a brillé par son incompétence  organiser les élections et continuer à s’incruster au pouvoir. Le peuple congolais doit comprendre qu’après avoir épuisé sa garantie, il est temps que le locataire du Palais de la Nation pense à remettre les clés de la maison au propriétaire qui est le souverain primaire.

 

  1. Croyez-vous sincèrement qu’il est possible d’organiser les élections dans le délai ? Car Tshibanda et Mende disent que tous, Opposition comme Majorité, sont conscients de sa non-faisabilité si on ne révise pas le fichier afin d’y intégrer les nouveaux majeurs ?

 

Tout récemment, les experts de l’OIF ont considéré que la révision partielle du fichier électorale pour y intégrer les jeunes majeurs pouvait prendre tout au plus cinq mois. Si nous démarrons immédiatement, cela nous porte à septembre/octobre 2016. Quant aux ressources financières, ce qui a été possible en 2011 peut être réédité en 2016. A en croire les résultats annoncés chaque semaine par la troïka et les dépenses effectuées, les fonds peuvent être mobilisés pour une élection. Il ne dépend que de la volonté politique de celui qui depuis le 20 décembre 2011 a pris l’engagement de faire ses valises au 19 décembre 2016 de l’honorer. A ce titre, plus d’un milliard de dollars a été dépensés ces deux dernières années dans des projets ou acquisitions qui n’étaient pas alignées sur le Budget de l’Etat. Ces dépenses n’ont pas été autorisées par la Représentation Nationale. Cet argent aurait pu servir à financer le processus électoral et assurer la cohésion et la paix sociale en République Démocratique du Congo. En ce qui concerne la Communauté Internationale, la communauté internationale est prête à nous accompagner, à la fois sur le plan technique et financier, dès lors que le calendrier global et le plan de financement soient rendus publics par la CENI.

 

  1. Quelles conséquences politiques tirer de la non-organisation des élections dans le délai constitutionnel ? Et bien évidemment son pendant juridique ?

 

Pour l’instant, il est encore temps d’organiser les élections dans le respect de la Constitution. S’il s’avère que le Président de la République, le Gouvernement et la CENI échouent dans leur mission constitutionnelle, il faudra primo qu’ils en tirent les conséquences en démissionnant, secundo, qu’ils expliquent à l’opinion nationale pourquoi il y a eu de l’argent pour une multitude de projets non budgétisés comme l’immeuble intelligent, les avions de ligne et pas pour les élections. Le peuple congolais y a bien droit car il a fait confiance à une majorité qui n’en a pas été digne. C’est très grave, les trois institutions vont devoir plaider leur incompétence pour se disculper d’un acte de haute trahison. Et tertio, il va falloir organiser le pouvoir d’intérim prescrit par la Constitution. Il ne s’agit pas d’une transition mais bien d’un interim avec un nouveau président intérimaire qui aura pour seule mission d’organiser les élections dans les 90 jours.

 

  1. Quel sera le mode operandi en cas de primaire de l’opposition ? Consensus ? Elections selon quel critère, un parti une voix ?

 

La volonté de la candidature commune exprimée par tous les acteurs politiques au sein de l’Opposition est réelle et demeure une exigence de succès . A ce stade, on ne peut préconiser que des rencontres régulières pour donner corps à cette prise de conscience. Elle appelle une grande responsabilité et une capacité de dépassement peu commune. Il y a lieu de se donner des gages mutuels et de s’entendre sur l’organisation du pouvoir d’Etat en tenant compte des égos et des capacités des uns et des autres dans le souci du respect mutuel. Là, le dialogue, le vrai, entre hommes et femmes de bonne volonté est la meilleure solution.

 

  1. Quelle garantie offrez-vous au Président sortant pour ses sécurités physiques, politique, économique et internationale ? N’a-t-il pas de raisons objectives de craindre l’alternance ?

 

Je peux sans crainte d’être contredit que le Président qui aura choisi la voie d’une sortie honorable et digne dans le respect de la Constitution adoptée par 85% du peuple congolais sera respecté et admiré par le peuple. Il inscrira son nom dans les annales du pays en lui ouvrant pour la première fois de sa jeune histoire le chemin de l’alternance démocratique et apaisée. Son statut fixé par la Constitution qui lui offre une immunité à vie sera respecté. Bien entendu, il ne s’agit pas d’impunité. Le tout récent dossier des fonds cachés à Panama nous montre que ceux qui fraudent et qui mentent sur leur fortune subissent d’abord une sanction morale et ensuite une sanction pénale. Le Congo qui a l’ambition d’être un Etat moderne ne fera pas exception.

 

  1. Enfin, un mot sur la militarisation de la RDCongo dénoncée par Moise Katumbi ? Est-ce une énième façon de vous intimider. A quels points êtes-vous intimidables ?

 

Le déploiement des chars de combat dans une province où règne la paix n’a nul autre objectif que de faire peur  et d’annoncer que rien ni personne ne peut s’opposer au pouvoir. Nous l’avons bien compris. Ce déploiement a été précédé de l’achat d’un matériel important pour doter les services de l’ordre d’instruments de répression pour  empêcher les manifestations. Le décor est donc planté. Mais, qui peut arrêter le peuple qui a décidé de s’affranchir et de récupérer les clés des mains d’un locataire indélicat ? Rien ni personne . A plusieurs reprises quand nous étions dans la Majorité nous avions insisté pour que Joseph Kabila rassure le peuple et s’investisse à faire baisser les tensions générées par son silence concernant la volonté qu’on lui prête de s’accrocher au pouvoir. Il a suivi le chemin contraire. Et il semble malheureusement s’entêter dans cette voie suicidaire. Il est grand temps qu’il comprenne qu’il faut décrisper la situation. Libérer les jeunes de Lucha, élargir les prisonniers politiques, rouvrir les médias confisqués ou réduits au silence, garantir à  tous les droits de se déplacer, de s’exprimer et de manifester, sont autant de gestes qui permettront d’envisager l’avenir avec plus de sérénité pour tout le monde. Et si d’aventure, le lot qui nous est réservé est la poursuite et l’intensification des intimidations, nous sommes prêts à les affronter sans crainte et sans peur car notre combat est juste et le peuple congolais l’a compris.

 

  1. Le pouvoir vous accuse d’être les suppôts de la Communauté Internationale ? Pour qui roulez-vous ?

 

Personne ne viendra faire le bonheur des Congolais à leur place. Notre ambition est de changer le Congo. Nous voulons redonner fierté et dignité à tous les Congolais. Nous n’avons pas eu besoin de venir à Kinshasa avec aux pieds des bottes en plastique achetées à l’étranger pour affirmer que nous devons respecter les intérêts de la population et honorer le contrat républicain transcrit dans notre Constitution.  Cette accusation n’est qu’une diffamation pour créer un émoi patriotique au sein de la Communauté nationale et distraire la population du véritable enjeu : le troisième faux penalty. Et évoquant ceux qui diffament contre nous, ce sont les mêmes et leurs amis qui, le soir,déplacent leurs avoirs dans les paradis fiscaux et, le matin, se drapent d’un voile de patriotisme indigné en parlant de la communauté internationale. Ils en apprécient pourtant bien les banquiers.

 

  1. Moise Katumbi, a dit Muzito, c’est du Kabila sans Kabila. Il veut être président mais pour quel programme ? En quoi va-t-il se démarquer de Kabila ?

 

Le G7 a adopté un programme dont les grandes lignes reposent sur la création des richesses et la valorisation du capital humain. Les principaux éléments de notre programme commun de Gouvernement seront prochainement rendus publics. A titre personnel, j’ai grand respect pour le Premier Ministre Muzito. En porte-étendard des forces nationalistes de gauche dont il se revendique, son expérience à la tête de l’Exécutif a été  à mes yeux une période d’essai peu convaincante qui me laisse perplexe quant à une éventuelle seconde chance à lui accorder. Mais il appartient au  peuple d’en juger. Quant à nous G7, nous avons choisi Moise Katumbi qui a un bilan envié par toutes les provinces du Congo et une notoriété qui va bien au-delà des frontières du pays.

 

  1. EdemKodjo officiellement désigné Facilitateur, vos portes lui seront ouvertes cette fois-ci ? Pour des négociations directes. Quid des négociations directes, en quoi c’est différent du Dialogue de Kabila qui crie à tue-tête qu’il va respecter la Constitution et qu’il ne concernera que le processus électoral ?

 

Quelle que soit la forme de la négociation, elle devra avoir un préalable : que le Président – au contraire de ce que disent ses communicateurs de la MP – dise qu’il ne sera pas candidat, qu’il ne changera pas la Constitution et ne briguera pas un troisième mandat ! Quant à EdemKodjo, il doit aujourd’hui nous convaincre qu’il  s’inscrit dans la ligne de la résolution 2277 des NU et qu’il ne vient pas en commercial ambulant VRP nous vendre le dialogue made in Kingakati. Cette seconde visite d’EdemKodjo ne devrait pas être une énième consultation. Il a déjà entendu tous les acteurs lors de son premier séjour. Il devrait aujourd’hui nous proposer un schéma qui s’inscrit dans le respect de la résolution 2277, de la Constitution et des délais qu’elle prescrit. Tout le monde a bien noté, combien l’accueil chaleureux réservé par la Majorité actuelle à Monsieur Kodjo tranche avec les attaquesvirulentes qu’elle porte à l’endroit du Conseil de Sécurité dont elle dresse un procès en irresponsabilité. Cela donne la puce à l’oreille.  C’est de très mauvaise augure. Il n’y a aucun doute que Monsieur EdemKodjo est accueilli comme le sauveur de la Majorité. Et pas celui du Congo !

propos recueillis par Israël Mutala

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