Pitié pour nos hôpitaux

Mercredi 15 octobre 2014 - 11:23

Clément Nzau avait bien raison d’inviter lundi soir le Premier Ministre et ses ministres à faire une tournée des popotes à travers les principaux hôpitaux de la Ville, ou ce qui en reste. La proposition est intéressante car elle va permettre aux responsables de voir la réalité de leurs propres yeux, de palper les différents éléments de leurs doigts, d’évaluer l’environnement dans lequel les malades sont soignés ainsi que les conditions de travail des médecins et du personnel soignant.         

Cette descente sur le terrain, même si elle est condamnée par ceux qui pensent qu’il faut toujours faire de l’espace aux autorités provinciales, est plus qu’importante dans la mesure où elle permet de sortir du piège des rapports dont la fiabilité est généralement sujette à caution. Il y a en effet trop de réseaux maffieux sur le territoire national dont les membres, pour continuer à écumer le pays, passent leur temps à se couvrir à travers des rapports et analyses qui expriment une vérité aux antipodes de ce que le peuple vit au quotidien.        

Un petit tour hier sur l’avenue des Cliniques, à la Gombe, nous a conduits à la Clinique Kinoise, un ancien fleuron du système sanitaire de la capitale. L’immeuble est imposant par sa taille et ses différentes dépendances. Mais quand on y entre, on se rend immédiatement compte qu’il s’agit d’un tombeau, à peine blanchi.        

Ici gît l’ex-Clinique Danoise. Pour un bâtiment destiné aux malades, l’ascenseur a cessé d’être fonctionnel depuis des lustres. La salle de réception elle-même ressemble au cabaret du village : deux bancs sur lesquels des garde-malades tuent leur désespoir. Dans un coin, une surprise nous attend. Un poste téléviseur tombé miraculeusement du ciel diffuse une chanson qui aide les garde-malades à entretenir leur moral. Ici, l’essentiel du temps est consacré à la prière.  Oui, il faut beaucoup prier pour que les médecins ne se laissent pas aller au découragement. Dans un décor où tout vous file la poisse, il faut du courage et surtout, l’amour du prochain et de son travail pour exercer dans des conditions à tous points de vue exécrables.        

Si vous avez le courage de monter au premier niveau, une autre surprise vous y attend. Ici, c’est un véritable capharnaüm où des carcasses de lits vous transmettent leurs messages de désespoir.  Bon Dieu ! Si c’est là que les malades doivent se reposer, on comprend mieux ce phénomène connu des Kinois : on entre dans un hôpital pour une bête malaria et on en sort les pieds devant !        

L’ex-Clinique Danoise n’est malheureusement pas le seul hôpital à présenter un tableau aussi sombre. Clément Nzau l’a rappelé au Premier Ministre  et à ses ministres en citant nommément les    hôpitaux  concernés.  Un tour dans tous ces hôpitaux  favorisera une prise de conscience concernant les problèmes de santé.  Des hôpitaux où l’eau et l’électricité sont des denrées rares. Où il n’y a ni latrines ni produits pharmaceutiques. Et  où des odeurs pestilentielles assassinent l’odorat des patients stressés et condamnés à subir des assauts ininterrompus des mouches et autres bestioles.

La réalité est donc bien triste. Il est important de la dépeindre telle qu’elle est si l’on veut obtenir des dirigeants qu’ils prennent des mesures adéquates pour l’améliorer. C’est ce que nous venons de faire à la suite de l’invitation de l’honorable Clément Nzau. Bravo à lui pour avoir attiré l’attention du gouvernement sur une question essentielle. Car à force de dormir sur les lauriers du Cinquantenaire, le pays courait le risque de passer à côté de ses vrais objectifs.         

La descente sur le terrain aura également l’avantage de décourager la nouvelle armée qui sillonne la commune de la Gombe à la recherche des espaces pour construire des immeubles destinés aux nantis. Ceux qui poursuivent l’objectif de désaffecter certains hôpitaux au profit des appartements devraient comprendre que la République n’est pas habitée que par les nantis. Il y a les autres – qui sont du reste majoritaires – et ces autres-là, ont droit à la vie et aux soins.