Pourquoi presser seulement Joseph Kabila ?

Lundi 6 avril 2015 - 07:50

C’est à croire que le sort des élections en RDCongo est totalement tributaire de la position de Joseph Kabila et non des instruments légaux et institutions constitutionnelles établies, en l’occurrence la Constitution et les lois relatives au processus électoral ainsi que la Céni, le Csac, le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux. A 14 mois de la convocation du corps électoral et de l’ouverture de l’inscription des candidatures pour la présidentielle et les législatives, l’Opposition politique, la Société civile alliée et même une frange de la Mp semblent privées d’initiative pour gérer leurs ambitions pour l’institution Président de la République. Chaque jour, sinon chaque semaine, acteurs politiques, activistes des droits de l’homme, ministres de Dieu, professionnels des médias " acculent " le Raïs pour désigner son dauphin, son silence étant assimilé à une volonté de rester aux affaires au-delà de l’échéance constitutionnelle. Pourtant, tout le monde sait que le Président de la République a encore devant lui plus d’une année pour se décider ! Aussi curieux que cela puisse paraître, les forces politiques et sociales qui considèrent l’alternance politique ou démocratique comme l’occasion de prendre les rennes du pouvoir s’abstiennent jusque-là de se prononcer sur leur propre candidat. Pourquoi faire alors du dauphin de Joseph Kabila une fixation, une obsession ? TENTATIVE DE REPONSE…

L’actualité politique est, à ce propos, la lettre dite du G7 - groupe informel des membres qualifiés de frondeurs - envoyée au Chef de l’Etat et dont le contenu semble avoir été " fuité " délibérément via Internet.
L’initiative est compréhensible dans la mesure où l’enjeu électoral a changé de contenu, comparé à celui de 2006 et de 2011. En 2006, l’Amp et ses alliés de circonstance (Palu, Udémo etc.) savaient un doublement du mandat de Joseph Kabila prévisible. C’est cela qui s’est produit en 2011. Or, en 2016, les partenaires ont conscience de devenir " orphelins ". Se préoccuper de leur survie politique est tout ce qu’il y a de légitime.
Seulement voilà : la forme donnée à l’initiative trahit le fond. La démarche est interprétée comme une fuite en avant, le temps étant propice aux reniements.
Pourtant, les auteurs de la lettre auraient dû aller jusqu’au bout de la logique en proposant à l’Autorité morale sinon le candidat idéal, tout au moins le critérium de sa désignation. Le profil, dit-on. Après tout, l’alternance politique ne signifie pas forcement défaite de la Majorité actuelle au profit de l’Opposition en place. La Majorité a le droit de se succéder pour le quinquennat 2016-2021. Il suffit de s’organiser de façon conséquente. Elle a un bilan.

EPREUVE DELICATE

Dans la même logique, l’Opposition a le droit, elle aussi, de succéder à la Majorité et d’exercer le pouvoir d’Etat. Il lui suffit aussi de s’organiser en conséquence. Elle a un discours.
Comme on peut bien s’en rendre compte, la désignation du candidat est un exercice délicat pour tout le monde. Elle implique la responsabilité collective pour la Majorité avec ses alliés et l’Opposition avec les siens. Responsabilité collective parce qu’il va bien falloir assumer ensemble le résultat final de toute confrontation électorale : la victoire d’un camp, donc la défaite de l’autre. C’est, au demeurant, la seule compétition au monde où il n’existe pas de score nul.
Il va de soi que la défaite de la Majorité ou de l’Opposition actuelles aura de terribles effets sur les forces politiques et sociales (en fait des femmes et des hommes) qui n’envisagent pas cette évidence.
C’est la raison pour laquelle la sérénité doit être de mise dans le choix des candidatures. Ce choix est une épreuve délicate pour la Majorité et pour l’Opposition.
Point n’est besoin de savoir qu’un candidat désigné maintenant va susciter des ouragans ou des tornades pouvant produire des tsunamis.
Le paradoxe est que depuis deux ans à peu près, toutes les forces politiques et sociales de l’Opposition - rejointes par une frange de la Majorité - pressent Joseph Kabila de désigner absolument son dauphin. Dans le suggestionnement apparaissent les noms de d’Olive Lembe, Jaynet Kabila, Augustin Matata, Olivier Kamitatu, Pierre Lumbi, Aubin Minaku ou Moïse Katumbi. Comme si l’enjeu électoral global se résume à cette désignation.
Naturellement, le forcing s’accompagne du soupçon selon lequel la non-désignation de la "perle rare" est la preuve de la volonté du Raïs de se succéder à lui-même pour un troisième mandat.
En fait, ce qui met en rage ces forces, c’est le silence du Raïs. Un silence éprouvant autant pour ses partenaires impatients que pour ses adversaires frétillants…
En toute logique, chacun des camps en compétition électorale devrait se préoccuper d’abord de son organisation interne avant d’en faire autant de celle de l’adversaire. Fatalement, le moment viendra de décider, de se décider. L’échéance incontournable est d’ailleurs connue : le 6 mai 2016, date de convocation de l’électorat et d’ouverture des candidatures. C’est au point 104 du calendrier électoral global publié par la Céni.
En attendant, la Majorité a du boulot à faire : consolider son bilan. L’Opposition a le sien : vendre son discours. La compétition se jouera entre le bilan et le discours.
A chaque protagoniste de peaufiner le sien en prévision de la campagne électorale prévue du 27 octobre au 25 novembre 2016, suivie du scrutin présidentiel le surlendemain, soit le 27 du même mois. A partir de là, les jeux étant faits. En attendant, le reste n’est que distraction. Omer Nsongo die Lema