Face aux massacres à répétition dans ce territoire, la population a finalement décidé de prendre en charge sa propre sécurité en initiant les actions d’autodéfense. La situation reste toujours tendue
à Beni au Nord-Kivu, théâtre il y a quelques jours, d’une action de représailles menée par les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). Ces derniers ont, en un temps éclair, abattu
une trentaine de personnes jetant ainsi l’émoi au sein d’une population ne sachant plus à quel Saint se vouer. Traumatisés, les habitants de Beni n’arrivent pas à oublier ces nuits cauchemardesques qui ont vu des familles entières perdre les leurs sous la poussée d’une junte militaire cynique. Ce lundi 20 octobre, la ville est restée calme, hantée par le spectre de la barbarie incarné par les ADF qui ne se font pas prier pour semer le désarroi dans les esprits. Alors qu’une délégation du gouvernement conduite par le ministre de l’intérieur Richard Muyej et une autre de l’Assemblée nationale séjournent sur les lieux pour tenter de faire la lumière sur ces événements macabres, l’opposition est montée au créneau pour appeler à une ville morte en guise de dénonciation de ce qui s’est passé le week-end dernier. Le mot d’ordre a été suivi à la lettre tant à
Goma, Beni que dans la ville environnante de Lubero, confirment des sources locales. Les activités sociales et économiques ont, en effet, été paralysées ce lundi à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.
Le commerce était quasi inexistant, les écoles n’ont pas fonctionné et les bus assurant le transport en commun étaient à peine visibles. En fait, le ras-le bol des populations locales dans cette partie du pays est perceptible. En l’espace d’un mois, le territoire de Beni a comptabilisé au moins quatrevingts victimes. Un décompte macabre qui traduit la persistance de l’insécurité dans cette contrée laissée à la merci de la horde rebelle ougandaise de l’ADF. L’inefficacité des forces de sécurité et de défense installées dans cette partie du pays est donc manifeste, se convainc la population qui a décidé de se prendre en charge. La psychose bat son plein Le message de calme envoyé par les gouvernants a de plus en plus de peine à passer dans cette population qui n’arrive pas à s’expliquer la résurgence de l’ADF dont on dit avoir sensiblement réduit sa capacité de nuisance à la suite de l’opération Sokola lancée début janvier avec l’appui de la Monusco. Plus explicite, un parti de l’opposition ayant pignon sur rue à Beni, en l’occurrence le Parti libéral pour la démocratie
(PLD) exige désormais la démission du ministre de la Défense. Il va même plus loin et demande le changement de la chaîne de commandement de ladite opération menée dans le territoire de Beni contre les ADF. Au sein de la population, la psychose bat son plein. L’on craint d’autres séries d’attaques des ADF. Requinqués moralement après avoir compris que leur destin est entre leurs propres mains, les jeunes de Beni
et d’ailleurs se sont mobilisés et ont décidé à assurer seuls leur sécurité.
Depuis deux jours, rapportent des sources locales, des vigies civiles sont organisées dans plusieurs quartiers. De petits groupes veillent toute la nuit à des carrefours autour d’un feu de bois pour prévenir toute incursion des ADF. Armés de bâtons et équipés de sifflets pour donner l’alarme en cas de danger, ces jeunes auxquels se sont joints des adultes d’un certain âge, déclarent à qui veulent les entendre qu’ils sont
prêts à mourir pour défendre leur contrée. L’on espère que les brigades de patrouilles nocturnes installées dans différents quartiers de la ville dissuaderont les fameux rebelles ougandais de l’ADF à ne plus s’hasarder dans leur périmètre. Ainsi va la vie à Beni, Lubero et environs depuis les meurtres perpétrés contre des civils innocents entre mercredi 15 et vendredi 17 octobre dernier. Au gouvernement de prendre la mesure du danger qui guette ces territoires en renforçant la sécurité par un nouveau déploiement des unités des Fardc afin d’y rétablir ’autorité de l’Etat sérieusement menacée.