RDC : dans le grand flou de 2015

Vendredi 2 janvier 2015 - 13:16

Révision constitutionnelle, élections locales, glissement du calendrier électoral, M23, FDLR, massacres à répétions à Beni, économie en croissance mais sans recette… l’année 2015 est pleine de défis et d’incertitudes pour la République démocratique du Congo (RDC).

La RDC s’engage dans l’année 2015 sans grande visibilité. Sur le plan politique, économique ou sécuritaire, l’année qui vient, continue de rimer avec instabilité. Pourtant, le président Kabila a terminé 2014 avec deux annonces importantes : la formation attendue depuis 13 mois d’un gouvernement de cohésion nationale et la confirmation de la tenue des élections locales, municipales et provinciales pour la fin 2015. Mais ces déclarations ne lèvent pas le voile sur les intentions du président congolais pour 2016, alors que la Constitution actuelle lui interdit de briguer un troisième mandat.

Politique intérieure : navigation à vue

Joseph Kabila s’est fait une spécialité : faire une annonce, laisser mariner plusieurs mois, puis prendre enfin sa décision… souvent à contre-temps. C’est le cas du gouvernement de cohésion nationale, une idée lancée après les Concertations nationales dès l’automne 2013, et finalement nommé en décembre 2014. Autant la désignation rapide d’une nouveau gouvernement ouvert à l’opposition aurait pu créer un électrochoc au sortir des Concertations, autant après 13 mois d’attente, l’effet escompté est réduit à néant. Le gouvernement de cohésion nationale n’offre que peu de surprises : le Premier ministre Matata Ponyo est reconduit et l’opposition ne fait qu’une timide entrée, avec pour seule « prise » importante : Thomas Luhaka, l’ancien secrétaire général du MLC de Jean-Pierre Bemba. Joseph Kabila n’a visiblement pas réussi son pari de débauchage de « gros poissons » de l’opposition (d’où le retard de son annonce). Le président congolais n’aura pas élargit sa base politique, mais aura juste renforcé le poids politique de son gouvernement avec l’arrivée remarquée d’Evariste Boshab à l’Intérieur, un poste clé en période de flottement constitutionnel.

Présidentielle 2016 : Kabila fait durer le suspense

L’interrogation qui agite la classe politique congolaise devrait continuer en 2015 : que fera Kabila en 2016 ? Pour le moment, le président n’a fait aucune déclaration sur son avenir politique d’après 2016. L’opposition craint que Joseph Kabila ne veuille modifier la Constitution qui l’interdit de se représenter pour un troisième mandat. Après la chute de Blaise Compaoré, qui lui aussi voulait modifier la Constitution pour rester dans son fauteuil, le débat est devenu très vif à Kinshasa, poussant la majorité présidentielle à calmer le jeu. Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale a déclaré, fin décembre au cours de la séance d’ouverture de la session extraordinaire du Parlement, qu’il n’était pas question de réviser la Constitution, « ni d’une quelconque manipulation de la loi électorale aux fins de révision constitutionnelle ou de prolongement de nos différents mandats respectifs ». Le président Kabila n’est pas revenu sur la question lors de son message du 31 décembre, mais a confirmé la tenue d’élections locales en 2015, ainsi que le lancement d’une vaste opération de recensement de la population. C’est sur ce dernier point que l’opposition craint un « glissement du calendrier » pour 2016 qui permettrait au président Kabila de se maintenir au pouvoir sans élection, faute  d’avoir terminé à temps le recensement. La plupart des experts parlent de 2 à 3 ans pour mener à bien cette opération de comptage de la population qui n’avait pas été effectuée depuis 1984.

Elections locales en danger ?

L’incertitude plane encore sur la tenue des élections locales dont le financement et l’organisation sont loin d’être achevés. Côté finance, une ONG locale, Agir pour des Elections Transparentes et Apaisées (AETA) affirme que les autorités congolaises avaient prévu d’allouer 169 millions de dollars au processus électoral. Or, aujourd’hui, la commission électorale n’a obtenu que 30 millions. Selon l’AETA, « l’organisation des élections n’est techniquement plus possible ». Enfin, l’Aprodec, une association congolaise basée à Bruxelles, dénonce régulièrement les atermoiements de la CENI, notamment en ce qui concerne la fiabilité du fichier électoral. En 2011, de nombreuses irrégularités avaient été relevées au cours des élections présidentielle et législatives. L’Aprodec note que « l’opération de fiabilisation du fichier électoral censée prendre fin le 21 octobre 2014 est toujours en cours ». Par ailleurs, l’audit externe qui devait débuter le 1er octobre 2014 « n’a toujours pas commencé » selon l’association. Ces élections sont les plus coûteuses à mettre en place et l’opposition craint que ces scrutins « ne se déroulent pas dans de bonnes conditions » et qu’une fois de plus, les résultats « ne soient pas crédibles ».

M23, FDLR, ADF-Nalu : rien n’est réglé

Sur le plan sécuritaire, l’année 2015 s’annonce également pleine de défis. La victoire en trompe l’oeil de l’armée congolaise, soutenue par la brigade de l’ONU, sur le M23 fin 2013, n’a pas permis de ramener l’entière sécurité à l’Est du pays. Une quarantaine de groupes armés pullulent encore dans la région. Dans la zone de Beni, des tueries à répétition attribuées aux rebelles ougandais des ADF-Nalu ont endeuillé le Nord-Kivu : plus de 300 morts en deux mois. Ni l’armée congolaise, ni les casques bleus de la Monusco ne sont parvenus à assurer la sécurité des civils pendant cette période. Concernant, les anciens rebelles du M23, les amnisties sont tombées au compte-goutte et les rapatriements en RDC restent encore peu nombreux. Kinshasa et les ex-rebelles semblent jouer au chat et à la souris avec les Déclarations de Nairobi, s’accusant mutuellement de faire traîner son application. Bilan : le M23 continue de rester une menace à l’Est et son intégration politique est toujours au point mort. Autre dossier sensible : les FDLR, ces rebelles hutus rwandais qui doivent rapidement désarmer et avec lesquelles le Rwanda refuse toujours tout dialogue politique. La Monusco a donné aux FDLR jusqu’au 2 janvier 2015 pour déposer les armes avant l’emploi de la force. Pour l’heure, seule une centaine de rebelles se sont rendus. Que se passera-t-il le 3 janvier au matin ?

La sécurité intérieure défaillante

Malgré la victoire sur le M23, l’armée congolaise (FARDC) peine à assurer la sécurité sur l’intégralité du territoire. De faibles progrès ont été réalisés dans l’Est de la RDC. Mais la structure de commandement des FARDC reste toujours aussi peu efficace, secouée par des soupçons de corruption, d’exactions de ses troupes sur les populations civiles et la collusion de ses officiers avec certains groupes armés. L’armée congolaise, « mal payée et mal commandée », reste la règle. L’armée a également été ébranlée par l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, le héros de la victoire sur le M23, et la disparition du général Lucien Bahama. On parle de règlement de comptes au sein des FARDC, sur fond de corruption. A Kinshasa, les forces de sécurité n’ont pas pu empêcher deux vagues d’attaques sur des sites stratégiques de la capitale, en décembre 2013 (plus de 100 morts) et en juillet 2014 (8 morts). Des événements inquiétants, qui montrent que la sécurité peine également a être assuré en plein coeur du pouvoir. Au Katanga, riche province minière, les rebelles sécessionnistes des Bakata Katanga, menacent régulièrement la capitale régionale, Lubumbashi et font régner la terreur dans le « triangle de la mort »

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