RDC : FAIRE LE CHOIX LUCIDE DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE AVEC LA CHINE, SUGGÈRE FREDDY MULUMBA

Mardi 7 juillet 2015 - 05:56

Plutôt que de se laisser intimider par les puissances occidentales, la RDC gagnerait à travailler avec la Chine. La voie chinoise de la reconstruction et du développement présente des avantages comparatifs réels par rapport à " l’offre européenne ". Tout est question de savoir ce que l’on veut. Le sujet a fait l’objet d’une matinée de réflexion sous le thème : "la RDC, la Chine et l’Occident", samedi 4 juillet. Organisée à l’initiative de nos confrères de Le Potentiel et Radio Télé 7, cette matinée a connu la participation d’éminents intellectuels mais aussi de personnalités politiques.

Le premier Intervenant, Faustin Kuediasala, économiste et directeur de publication du quotidien le Potentiel, a exposé sur « l’état des lieux du partenariat sino-congolais ».
Il a rappelé qu’au départ, le partenariat sino-congolais n’est pas un projet de la RDC, c’est un projet politique d’un candidat à la présidence, Joseph Kabila. C’est après son élection en 2006 qu’il se mue en projet porté par le pays. Ce partenariat, explique Kuediasala, sera formalisé en 2007 entre d’un côté la RDC, et de l’autre, un consortium d’entreprises chinoises, à savoir Exim Bank of China et Sinohydro. Tout compte fait, fait-il remarquer, en huit ans de mise en œuvre, le partenariat sino-congolais a apporté 55 millions Usd dans les travaux d’infrastructures réalisés par le gouvernement pour environ 540 millions Usd.
Après une difficile phase d’études de faisabilité, particulièrement marquée par la forte pression des bailleurs des fonds traditionnels de la RDC, la Sicomines a pu se relancer. Selon les prédictions les plus réalistes, la première coulée de cuivre est prévue pour 2016 - loin des estimations initiales de 2007.
En fait, deux concepts ont guidé la signature de ce partenariat d’un type nouveau : les infrastructures contre les minerais. La RDC avait-elle intérêt à se tourner vers la Chine ? Selon Faustin Kuediasala, dans le contexte de 2006, le pays n’avait pas une autre alternative. Cependant, la forte pression exercée par la communauté des bailleurs des fonds de la RDC, agissant via le FMI et la Banque mondiale, ont sérieusement amputé ce partenariat.

DES AVANTAGES REELS
Pour Kuediasala, il faut donc se garder de tout triomphalisme comme de tout défaitisme : la voie chinoise de la reconstruction et du développement présente des avantages comparatifs réels par rapport à " l’offre européenne ". Pour être efficace, insiste-t-il, le partenariat entre la RDC et la Chine doit être bâti au regard des besoins réels de la RDC en impliquant effectivement l’élite congolaise dans sa mise en œuvre. " En s’investissant en RDC, la Chine ne vient pas en philanthrope. Elle sait ce qu’elle veut ", fait remarquer Kuediasala.
Abordant le thème central, le deuxième intervenant, Freddy Mulumba, vice-président du groupe de presse Le Potentiel et Radio Télé 7, a centré son exposé sur "les investissements chinois dans le monde" et a fait une "analyse géostratégique autour du partenariat sino-congolais ».
Freddy Mulumba explique que c’est depuis 2009 que la Chine est devenue le premier partenaire économique de l’Afrique. Et depuis, plusieurs déclarations politiques et analyses sont faites dans le monde occidental et sur le continent africain. A cet égard, indique-t-il, deux camps s’affrontent. Le premier dénonce les investissements chinois en Afrique qui risquent de contribuer à la désindustrialisation et à la recolonisation du continent par la Chine. Le deuxième camp soutient que les investissements chinois en Afrique sont une chance unique pour le développement de l’Afrique après cinq siècles de la domination occidentale faite de la traite négrière, de l’esclavage, de la colonisation et du néo-colonialsme.
Malgré les positions des uns et des autres, affirme Freddy Mulumba, les chinois ont investi et investissent encore dans d’autres pays africains tels que l’Angola, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, l’Afrique du Sud, l’Egypte… sans soulever des protestations du monde occidental.
Freddy Mulumba ne s’explique pas que la RDC soit le seul pays africain dans lequel les investissements chinois ont soulevé un tollé général. Notamment dans les milieux politiques et économiques occidentaux.

LES INVESTISSEMENTS CHINOIS DANS LE MONDE
Depuis l’ouverture de la chine au monde en 1978 et son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), explique Freddy Mulumba, la Chine a connu une croissance économique fulgurante. Cette croissance rapide est le résultat des investissements américains, européens et japonais. La Chine était devenue ce que l’on peut appeler l’usine du monde. La plupart des produits qui inondent les marchés européens et américains sont fabriqués en Chine.
Voici quelques chiffres pour avoir une idée de ce que la Chine est devenue grâce à la mondialisation.
La Chine possède 4.000 milliards de dollars de réserves internationales en 2014.
La Chine détient les bons du Trésor américain à hauteur de 1.277 milliards de dollars fin juillet 2013. Elle est ainsi le premier créancier étranger des Etats-Unis d’Amérique avec 23 % de leur dette.
La Chine détient 7 % de la dette européenne soit environ 700 milliards d’euros.
L’Europe représente 20 % des exportations chinoises et les USA 18 %.
Le stock d’investissements chinois en Europe est passé de 6,1 milliards à 27 milliards d’euros entre 2010 et 2014, Selon une étude de la Deutshe Bank
Selon Freddy Mulumba, pour les Occidentaux, l’accès de la Chine aux minerais stratégiques que regorge le Congo menace leur hégémonie. La RDC détient la grande réserve mondiale de cobalt et du coltan. Ces minerais sont vitaux pour les industries aéronautiques et industries de défenses occidentales. Pour les occidentaux, il faut par tous les moyens empêcher la Chine de mettre la main sur ces minerais stratégiques.
Comment ? C’est la stratégie du Chao, affirme Freddy Mulumba. " La guerre à l’Est de notre pays a pour finalité d’entretenir un conflit permanent afin d’empêcher la Chine d’investir au Congo. Certaines multinationales occidentales et certains hommes politiques occidentaux prévoient même la balkanisation du Congo. C’est aussi le cas du Soudan, la Libye, le Mali, etc… ", fait-il remarquer.

APPEL AU CHOIX
Avec ces mutations géopolitiques sans précédent dans l’histoire de l’Humanité, Freddy Mulumba invite les élites congolaise et africaine à revoir leurs logiciels. En d’autres termes, changer leurs manières d’envisager le monde, précise-t-il. Ce dernier rappelle que par exemple que la Chine n’est pas opposée aux USA, comme ce fut le cas avec l’Urss durant la guerre froide. La Chine et les USA ont des intérêts communs : l’Amérique a besoin de l’épargne chinoise et la Chine a besoin du marché américain. Pour gérer leurs intérêts communs, fait savoir Freddy, il existe un dialogue stratégique et économique depuis 2009 sur l’initiative commune des présidents Obama et Hu Jintao, pour discuter des questions de portée globale, stratégique et durable pour les relations sino-américaine.
C’est dire que la logique d’affrontement de la guerre froide a laissé la place à la coopération.
Freddy Mulumba appelle l’élite congolaise à faire le choix lucide de partenariat stratégique avec la Chine malgré les menaces de certaines élites occidentales. Il faut tout un projet pour l’industrialisation du Congo, le transfert de technologique et la mise en place d’une nouvelle économie moderne.
Plusieurs invités de marque se sont relayés à la tribune pour donner leur point de vue sur la question. Tour à tour, les professeurs Emile Bongeli, Kambayi Bwatsha, Philippe Biyoya, Kankuenda, Abbé Mugaruka et Mme Angel Makombo, présidente du parti politique, Ligue des démocrates congolais, ont pris, chacun, la parole pour enrichir le débat. Didier KEBONGO