Demain, Aru, Bunagana, Kasumbalesa, Luozi, Tshela, Kahemba, Zongo et bien d’autres localités congolaises situées près des frontières avec nos neuf voisins pourraient échapper au contrôle de notre pays par la magie des commissions mixtes des experts chargés de revisiter les frontières héritées de la colonisation, conformément à la Charte de l’Union Africaine. Selon une dépêche de la Radio Okapi captée à Kinshasa, une commission mixte RDC-Ouganda est à l’œuvre depuis hier pour procéder à la délimitation des frontières communes entre les deux Etats. Ces travaux partiront de la localité d’Aru, dans la nouvelle province du Haut-Uélé, jusqu’au poste de Bunagana, dans le Nord Kivu, aux frontières entre les trois Etats, à savoir la RDC, l’Ouganda et le Rwanda.
Tout irait pour le mieux si ces travaux devraient démarrer à l’issue d’un débat au niveau du parlement afin de permettre aux représentants du peuple congolais de vérifier d’abord les identités de ces experts et ensuite de vérifier les données géographiques, scientifiques, socioculturelles traditionnelles tant au pays que dans les archives logées dans les musées des anciennes puissances coloniales. Ce sont d’ailleurs les députés et sénateurs qui sont les mieux placés et suffisamment avertis sur ces questions des frontières car censés
effectuer régulièrement des missions parlementaires durant les vacances parlementaires dans leurs différentes circonscriptions électorales.
Un chat échaudé a peur de l’eau froide
Tout au début de la première législature de la troisième République, des éléments de l’armée régulière angolaise avaient occupé militairement des localités du territoire de Kahemba, dans la province du Bandundu. Des débats houleux et dotés d’une forte dose de révolte avaient animé le parlement, qui avait fini par lever l’option d’y envoyer une commission parlementaire mixte. Le rapport qui sanctionna cette mission exhorta tout d’abord le gouvernement à renforcer le système sécuritaire tant à travers toute la province que particulièrement dans les différentes localités situées le long de la frontière commune avec l’Angola. Une autre mission mixte, diplomatique
et scientifique, fut envoyée auprès des anciennes puissances coloniales pour vérifier les cartes géographiques telles que nous léguées par les experts de la Conférence de Berlin en 1885.
Sur le plan politique, des parlementaires furent chargés de multiplier des missions à travers les différentes localités pour des opérations de réarmement moral des populations. Mais hélas ! Le mal avait été fait car des exactions violentes perpétrées par les éléments de l’armée régulière angolaise sur des populations locales non armées étaient difficiles à comptabiliser !
Il y a trois ans, l’opinion a appris par la voix des ondes qu’une commission mixte RDC-Rwanda avait démarré des travaux de pose de nouvelles bornes frontalières entre les deux Etats sans pour autant avoir au préalable obtenu l’aval du parlement. Alors que l’on n’a pas encore séché les larmes des actes de violence perpétrés par les éléments de l’armée régulière angolaise, voilà qu’intervient un autre Etat voisin de l’Est pour procéder à la ré visitation des frontières communes. Ce, alors que l’Ouganda est fortement impliqué dans des
guerres d’agression depuis 1996 sous divers prétextes.
Le parlement ignoré !
La question qui revient toujours est celle du silence observé par les parlementaires chaque fois que des « experts » venus d’on ne sait où démarrent des travaux de la révisitation des frontières communes avec des Etats voisins belliqueux. Et cela, sans y associer les experts de renommée internationale dans le domaine des frontières, notamment ceux des anciennes puissances coloniales qui disposent des cartes tracées lors de la conférence géographique de Berlin en 1885. Pourquoi avoir aussi évité des notabilités coutumières locales et des textes provenant des travaux réalisés par des géographes, historiens, sociologues, géologues de grande renommée internationale?
La souveraineté et l’intégrité non négociables
Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la décolonisation est inscrit en lettres d’or dans la Charte de l’Union Africaine. En plus, le 3ème point du troisième alinéa de l’article 74 de la Constitution stipule que lors de sa prestation de serment « le président de la République est tenu de maintenir l’indépendance et
l’intégrité du territoire national ».
De ce fait, la souveraineté et l’intégrité territoriale ne peuvent jamais faire l’objet d’une quelconque négociation de quelque nature que ce soit. Ainsi, il appartient au parlement d’examiner cette question qui touche à la souveraineté et à l’intégrité du territoire national. Pourquoi alors évite-t-on la représentation nationale lorsqu’il s’agit de rediscuter du tracé des frontières communes avec les Etats voisins, surtout ceux fortement impliqués dans cette tragédie aux couleurs d’un génocide d’une grande ampleur.
A cette allure, demain, d’autres Etats voisins, notamment La Zambie, le Congo-Brazzaville, l’Angola, la République Centrafricaine, le Soudan du Sud, pourraient aussi lancer des missions mixtes pour revisiter à leurs goûts les frontières communes. Cela arrive toujours au moment où la Nation est plongée dans une distraction politicienne, comme en ces moments où l’opinion semble braquée sur cette affaire de
dialogue.
F.M.