Lors des journées folles du 19 au 21 janvier 2015, des milliers de Congolaises et Congolais habitant les principales villes du pays avaient manifesté bruyamment et violemment sur les voies et places publiques contre la tentative de la Majorité Présidentielle de tripatouiller la Loi électorale, synonyme de « glissement», entendez la prolongation du mandat du Chef de l‘Etat actuellement en fonctions. Depuis la démonstration de force de la «Rue » à Kinshasa, Matadi, Bandundu, Mbandaka, Kananga, Mbuji-Mayi, Kisangani, Kindu, Lubumbashi, Goma, Bukavu et ailleurs, les « pro-glissement » ne s’affichent plus publiquement. En lieu et place de déclarations tapageuses de nature à leur attirer des ennuis, à l’instar de ce qui arrivé à l’ancien gourou de Bundu dia Kongo, Ne Muanda Nsemi, caillassé au mois d’août à Moanda, ils ont choisi le « glissement en douceur ».
Entre autres stratégies affétées pour mettre le peuple congolais et ses partenaires extérieurs devant le fait accompli, c’est de faire imploser purement et simplement le calendrier électoral, en refusant de libérer, au profit de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) les fonds destinés aux opérations préélectorales, mais aussi en bloquant tous les textes juridiques liés aux activités électorales. A ce jour, la CENI n’a toujours pas organisé le moindre scrutin inscrit à son tableau de bord rendu public en février 2015.
Et voici le Dialogue … et ses inconnues
La machine électorale étant visiblement bloquée par le manque de moyens financiers et des textes juridiques en rapport avec l’enrôlement de nouveaux majeurs et la répartition des sièges par circonscription pour les élections locales, l’on a appris, au mois de mai, que le Chef de l’Etat venait, d’initier des consultations avec les forces politiques et sociales, toutes tendances confondues, en vue de l’organisation d’un Dialogue national. L’objectif visé était d’obtenir un consensus autour d’un calendrier électoral réaménagé, de l’audit du fichier électoral, du financement du processus électoral, de la participation de nouveaux majeurs aux scrutins, de la tenue d’élections transparentes et apaisées, etc.
Présumées être bouclées avant le 30 juin, les «consultations présidentielles» se sont poursuivies au-delà, acceptées par certaines forces politiques et sociales mais boudées par d’autres. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, personne ne sait si ce fameux Dialogue va être effectivement convoqué ou non, bien que perçu comme l’unique voie de sortie du puzzle électoral.
Election des gouverneurs et vice-gouverneurs : un cheveu dans la soupe
Pendant que tout le monde se focalisait sur les difficultés de financement du processus électoral, que d’aucuns imputent à un déficit criant de volonté politique, le gouvernement a subitement décidé de mettre en application l’article 2 de la Constitution relatif au découpage du pays en 26 provinces. Concrètement, 21 nouvelles provinces étaient créées à partir de juillet 2015, avec les institutions et administrations nécessaires à leur fonctionnement en tant qu’entités autonomes. Pire, l’exécutif national a donné injonction à la CENI (commission Electorale Nationale Indépendante) d’organiser en priorité et au plus’ tard en août 2015, l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de ces nouvelles provinces, sans pour autant mettre à sa dispositions les moyens requis pour la tenue de ce scrutin non inscrit au calendrier électoral.
Alors qu’on attendait la tenue, en urgence, de l’élection de futurs gouverneurs et vice- gouverneurs des 21 nouvelles provinces, la CENI a trouvé le moyen de faire perdre du temps à la République en saisissant la Cour Constitutionnelle, afin qu’elle puisse donner son avis sur ta loi de programmation de nouvelles provinces. Or, en tant qu’institution indépendante, elle aurait dû simplement constater que ledit texte était devenu caduc et qu’en outre, elle n’était pas obligée d’organiser l’élection de gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces démembrées, car non prévue dans son’ agenda électoral. Au bout du compte, la Cour Constitutionnelle a semé une grande confusion dans les esprits, en sommant la CENI de réaménager son calendrier électoral et de placer, en tête des scrutins à organiser, celle des gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces. Quant au gouvernement, la même Cour lui demandait d’apporter son appui financier à la CENI, sans li imposer un quelconque délai.
Comme pour distraire davantage les Congolais, le gouvernement n’a pas trouvé mieux que d’annoncer, en conseil des ministres, le projet de nomination des Commissaires Spéciaux à la tête de futures nouvelles provinces. L’impression que laisse ce énième feuilleton du découpage territorial est qu’on aurait mis une croix sur l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces, à moins de la repousser le plus loin possible dans le temps et de consolider davantage le « glissement ».
La fronde du G7
Alors que tous les esprits étaient absorbés par les pré-négociations entre les émissaires du Chef de l’Etat, Joseph Kabila, et ceux du président national de l’UDPS en Italie puis en Espagne, entre la mi-août et la mi-septembre, et que le décor de la convocation imminente du Dialogue paraissait solidement planté, la fronde du G7 est venue bouleverser l’espace politique national. Les départs de Pierre Lumbi (MSR), Charles Mwando (Unafec), Gabriel Kyungu (Unadef), Olivier Kamitatu (ARC), José Endundo (PDC), Christophe Lutundula (ADP/MSDD) et Dany Banza (ACO), de la famille politique du Chef de l’Etat a non seulement fragilisé celle-ci mais aussi le gouvernement (finalement remanié), le Sénat, l’Assemblée Nationale, plusieurs gouvernements provinciaux et assemblées provinciales.
Le front du refus du troisième mandat du Président de la République s’est considérablement élargi, de même que celui du refus du Dialogue. La session parlementaire est sérieusement perturbée, au point que l’examen de la Loi de Reddition des comptes pour l’exercice budgétaire 2014 n’est toujours pas entamé, de même que celui du projet de budget 2016, curieusement revu à la baisse (moins de 8 milliards de dollars américains), dans un Etat qui devrait, en principe, organiser 8 scrutins en 12 mois, soit entre novembre 2015 et novembre 2016.
Malumalu : une démission sur le tard
Depuis février 2015, date de la publication du calendrier électoral global par la CEN I, plusieurs partis politiques de l’Opposition et organisations de la Société Civile en appelaient au remplacement du président de cette institution d’appui à la démocratie, l’abbé Apollinaire Malumalu, jugé physiquement incapable de continuer à assumer les lourdes charges qui étaient les siennes. Sa démission, intervenue sur le tard; est une aubaine pour les partisans du glissement, qui vont tout faire pour que les « confessions religieuses » s’entredéchirent, le plus longtemps possible, autour du successeur du prélat, ce qui aurait pour conséquence d’empêcher la CENI de s’occuper du processus électoral. Si l’on y prend garde, l’impasse peut persister jusqu’à la fin de l’année.
Bref, c’est le grand brouillard autour du processus électoral. Les incertitudes ne font que s’accumuler autour du calendrier électoral, du découpage territorial, du dialogue, du feuilleton G7, de la succession de Malumalu, de la configuration du Budget national 2016. La grande inconnue de futur reste de savoir si en novembre 2016, la « Rue » acceptera d’accompagner les « glisseurs » dans leur aventure du statu quo institutionnel.
Par KIMP