Attention à ne pas "casser l'élan des investisseurs" en République démocratique du Congo : dans un entretien à l'AFP, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, met en garde contre la réforme du Code minier défendue par l'exécutif à Kinshasa.
M. Katumbi, qui dirige cette riche province minière depuis 2006, indique également qu'il se prépare à abandonner ses fonctions ainsi que l'y contraint l'entrée en vigueur, censée avoir lieu avant la fin du mois, d'une loi découpant le Katanga en quatre nouvelles provinces.
Populaire, ce richissime propriétaire du célèbre club de football Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi, la capitale du Katanga, passe pour un possible successeur au président congolais Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, et a qui la Constitution interdit de se représenter fin 2016 à l'issue de son mandat.
Il s'est cependant gardé à ce jour d'afficher publiquement d'éventuelles ambitions présidentielles.
Sur le projet de réforme du Code minier dont l'examen au Parlement a été récemment suspendu pour permettre des discussions entre les autorités et le patronat, M. Katumbi affiche clairement ses réticences.
Il juge l'entreprise risquée pour le pays et inopportune dans un environnement de baisse des cours du cuivre, dont la RDC est un des premiers producteurs mondiaux.
"Ce n'est pas le meilleur moment" pour changer les règles du jeu, dit-il.
- Liberté de mouvement -
Les investisseurs "ont fait confiance au Code minier" promulgué en 2002, ajoute le gouverneur, et "on s'est mis d'accord avec eux". "Il faut le respect de la parole" donnée, ajoute cet ancien homme d'affaires.
Le Code minier de 2002, qui accorde de nombreux avantages fiscaux aux investisseurs étrangers a permis le redressement d'une industrie minière sortie exsangue de la deuxième guerre du Congo (1998-2003) puis le boom minier qu'à connu le pays à partir de 2006.
Le projet de réforme du texte présenté par le gouvernement au Parlement a suscité une levée de bouclier du patronat, qui a dénoncé une hausse généralisée des impôts et des taxes menaçant selon eux de faire fuir les investisseurs.
"J'espère, s'il y a des négociations, que nous allons aller dans le bon sens", dit M. Katumbi.
Premier producteur mondial de cobalt, la RDC dispute à la Zambie voisine la première place du classement des producteurs de cuivre africains, grâce à ses gigantesques gisements du Katanga.
Doté d'un sous-sol particulièrement riche, le pays dispose aussi de réserves importantes de diamant, d'or, de tungstène, cassitérite, coltan, zinc...
En dépit d'une croissance économique soutenue (7,7% en moyenne annuelle depuis 2010), tirée d'abord par le secteur minier, la RDC reste l'un des pays les moins développés de la planète.
"On dit qu'on est un pays riche, mais si nos richesses ne sont pas exploitées, on n'est pas riche", estime M. Katumbi.
M. Katumbi prend l'exemple de la Zambie, où le gouvernement a dû renoncer en avril à un fort durcissement de la fiscalité applicable aux groupes miniers. Son entrée en vigueur avait entraîné l'annonce de licenciements dans le secteur.
"Partout on fait marche arrière, pourquoi veut-on aller de l'avant" en RDC ? demande M. Katumbi.
Ne souhaitant pas parler "de politique", le gouverneur du Katanga accepte de revenir sur la réforme territoriale, par laquelle le nombre des provinces de la RDC doit passer sous peu de 11 à 26.
M. Katumbi s'est opposé à cette loi, estimant que l’État congolais n'avait pas les moyens de la mettre en œuvre.
Il compare la RDC à une femme ayant "onze gosses" qu'elle ne peut nourrir et qu'on "aime tellement [qu'on va lui] donner 26 enfants".
Néanmoins, "la loi c'est la loi" et M. Katumbi dit attendre son entrée en vigueur pour abandonner son poste.
Muet sur ses projets, le gouverneur, indique simplement qu'il sera alors "plus libre de (ses) mouvements".
Fin décembre, M. Katumbi, que certains membres de la majorité verraient bien succéder à M. Kabila, avait laissé entendre à mots couverts son opposition à un éventuel maintien au pouvoir de celui-ci après 2016, alors que l'opposition soupçonne le président de manœuvrer pour s'accrocher à son poste.
Ces propos ont fortement déplu en haut lieu et M. Katumbi s'est gardé depuis lors de trop intervenir dans le débat politique national.