Les scènes de l’interpellation manquée de l’ADG du Fonds de promotion de l’industrie FPI, enfermé dans ses bureaux pendant trois heures, et de son collègue de la Régie des voies aériennes RVA, sorti par la fenêtre de son cabinet et coffré dans une voiture banalisée, racontées par un témoin
Emmanuel Luzolo Bambi a entrepris d’exécuter à la lettre la volonté du Chef de l’Etat Joseph Kabila de traquer les «kuluna» en col blanc, matérialisée par l’ordonnance n°16/065 du 14 juillet 2016 portant organisation et fonctionnement des services du Conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de Bonne gouvernance et de Lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Vendredi 22 juillet, il a déployé ses barbouzes simultanément à la Régie des voies aériennes -RVA- et au Fonds de promotion de l’industrie -FPI.
Mission: procéder à l’arrestation des ADG Abdala Bilenge et Constantin Mbengele, qui ont refusé de répondre volontairement à la dizaine d’invitations leur lancées auparavant au nom de l’arrogance et du trafic d’influence, a-t-on appris. Aidés par des agents de gardiennage complices qui ont empêché les «flics» d’opérer, Mbengele a eu le réflexe de s’enfermer dans ses bureaux électroniquement verrouillés pendant trois heures, attendant que les carillons égrènent les six coups de 18 heures pour prendre la poudre d’escampette. Quant à la RVA, Bilenge, sorti par la fenêtre de son cabinet, a dû se cacher dans les coffres d’une voiture banalisée pour échapper aux mailles des inspecteurs judiciaires lancés à ses trousses. Pour l’heure, les deux mandataires fugitifs, frappés d’interdiction de sortie de la ville de Kinshasa et du pays par la Direction générale de migration -DGM-, sont entrés en clandestinité. Mais leur cavale risque d’être de courte durée.
C’était vraiment chaud! Vendredi 22 juillet, les nouvelles de la traque de Bilenge Abdala, recherché par les services du Conseiller spécial anti-corruption Luzolo Bambi mais exfiltré grâce au concours des agents en charge de la sécurité de la RVA, Nsengiyumva Habumugisha et Nyanga Kitenge, ont circulé dans la capitale. Selon les témoignages recueillis auprès des agents déployés sur terrain, l’ADG Bilenge n’a eu la vie sauve que grâce à ces deux collaborateurs et quelques courtisans qui ont réussi à le placer dans les coffres d’une voiture banalisée, qui s’est dirigée vers la sortie située côté Secrétariat général des Transports et voies de communication, abandonnant sac, téléphones, certains autres effets personnels et sa belle jeep officielle encore visible dans le parking du siège de la RVA. La scène, raconte-t-on, a été vécue par des travailleurs visiblement contents de l’exécution «manu pulite», traduisez mains propres, lancée par le Président de la République, Joseph Kabila.
Bilenge, rendu petit devant ses collaborateurs, est entré en cavale. Des sources assurent l’avoir vu se rendre discrètement samedi 23 juillet à l’aérodrome de Ndolo, d’où il a tenté de prendre un vol à destination de Moanda dans l’espoir de gagner le Sénégal dont un vol affrété assure chaque samedi la liaison avec la ville côtière RD-congolaise, où le Président de la République inaugurait le même jour le splendide hôtel de son jeune frère, le député Zoe Kabila Mwanzambala. Sans succès. Sur place, Monsieur Bilenge a désagréablement appris une autre mauvaise nouvelle: une interdiction de sortie estampillée DGM qui le vise avec une dizaine d’autres mandataires. Il a levé l’option d’entrer en clandestinité pour échapper à sa prise. Un récit surréaliste.
Le même vendredi, un embouteillage monstre est signalé sur l’avenue colonel Lukusa et dans l’enceinte du FPI, commune de la Gombe. Des équipes de Luzolo Bambi ont également tenté de mettre la main sur l’ADG Constantin Mbengele.
Contrairement à son collègue de la RVA, l’homme du FPI n’a pas eu la chance ni le temps de s’évader. Il s’est cependant servi du système de verrouillage électronique de ses bureaux pour gagner quelques précieuses heures. Que s’est-il passé? Il se raconte que Mbengele s’est enfermé dans son cabinet pendant trois heures, attendant qu’il sonne 18 heures et un éventuel départ de ses redoutés hôtes. Certains habitués de l’antichambre de l’ADG dont l’ancien PCA de la SONAL Claude Mashala, y trouvé au moment de l’opération, n’ont pas cru leurs yeux. Selon un cadre du FPI joint au téléphone, «l’ADG s’est momentanément tiré d’affaires grâce au bon sens et au respect de l’ordre public, attitudes citoyennes des inspecteurs déployés par le conseiller spécial Luzolo Bambi».
Informations confirmées au QG du Spécial où l’on a indiqué que l’ancien ministre de la Justice a demandé d’interrompre la mission et rappeler ses hommes pour avoir appris que l’action a provoqué bouchon sur l’avenue colonel Lukusa et des va et viens dans l’enceinte du FPI, où salariés, voisins, passants et autres curieux tenaient à voir de leurs propres yeux la capture de Mbengele.
Les puissants ADG Mbengele et Bilenge mis en difficulté, malmenés devant leurs collaborateurs et contraints de se cacher! Sans nul doute, la chasse aux kuluna en cravate a atteint sa phase décisive depuis que le Président Kabila a renforcé les pouvoirs de son Conseiller spécial anti-corruption. Nul ne sait si les deux mandataires, les premiers d’une série qui promet d’être longue, oseront se présenter à leurs postes de travail ce lundi. Ils ont désormais le choix entre se présenter au bureau et augmenter le risque de se faire prendre ou demeurer encore pendant longtemps dans leurs trous et s’exposer à la révocation en cas d’absence prolongée et non justifiée. Un dilemme.
AKM