Si la santé est largement considérée comme un droit humain fondamental, la triste vérité est que trop de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à des soins de santé de base. Faute d’accès ou de moyens suffisants, des millions d’Africains sont notamment privés des services dont ils ont besoin pour survivre et s’épanouir, car leur coût les exposerait à de graves difficultés financières.
La solution est claire : la couverture santé universelle. En Afrique, cet objectif a trop longtemps été perçu comme un rêve inaccessible. Heureusement, les choses sont en train de changer.
Cette année, la communauté internationale a officiellement inscrit la couverture santé universelle dans les nouveaux objectifs de développement durable, qui orienteront les efforts en matière de développement jusqu’en 2030. Plus d’une centaine de pays à revenu faible et intermédiaire, qui concentrent les trois quarts de la population mondiale, ont pris des mesures pour la mettre en œuvre. Outre les experts de la santé, ces efforts ont reçu le soutien de plus de 300 économistes, qui ont récemment adopté une déclaration plaidant pour une couverture santé universelle comme moyen de lutter contre l’extrême pauvreté et de favoriser la croissance.
Alors que sera célébrée cette semaine la deuxième Journée mondiale de la couverture santé universelle, il semble que ce mouvement en faveur de la santé pour tous ait d’ores et déjà atteint sa masse critique. La communauté internationale reconnaît clairement que la couverture santé universelle est un objectif légitime, sensé et souhaitable depuis longtemps. Si les engagements collectifs pris dans ce sens s’annoncent prometteurs et doivent être salués, il est temps de réfléchir sérieusement aux mesures à mettre en place pour y parvenir.
Un exemple du pire des scénarios nous a récemment été donné en Afrique, où l’épidémie d’Ebola a mis à rude épreuve des systèmes de santé faibles ou défaillants. Même en l’absence de crise sanitaire majeure, beaucoup de pays africains ont des difficultés à fournir des soins de santé de qualité et abordables. L’Afrique subsaharienne accuse un grand retard sur le reste du monde pour la couverture de certains services de santé de base, comme la planification familiale, la vaccination et l’amélioration de l’assainissement. La région, qui ne compte que 3 % des médecins de la planète, représente près de 25 % de la charge de morbidité mondiale. À l’échelle du continent, beaucoup trop de familles doivent en outre s’endetter ou vendre leurs biens pour pouvoir se soigner.
Les pays parvenus au statut de pays à revenu intermédiaire sont quant à eux, confrontés à d’autres défis. Nombre d’entre eux ne bénéficient plus des tarifs préférentiels pour les vaccins ou les médicaments essentiels auxquels ils avaient droit en tant que pays à faible revenu. Ils doivent par conséquent trouver des solutions pour répercuter la hausse des coûts sur la collectivité plutôt que sur les individus en augmentant les montants consacrés aux services de santé et aux médicaments.
Pour faire face aux défis que rencontre la région, nous pouvons nous inspirer de l‘exemple du Rwanda, du Ghana et de l’Éthiopie, qui figurent parmi les premiers pays africains à avoir mis en œuvre des réformes en faveur de la couverture santé universelle : création de systèmes de santé solides, efficaces et bien gérés qui mettent l’accent sur les soins de santé primaires au niveau communautaire ; mise en place de financements durables pour les services de santé ; élargissement de l’accès aux médicaments essentiels et aux technologies ; amélioration de la gouvernance et de la gestion des services de santé ; maintien d’un nombre suffisant d’agents de santé bien formés et motivés.
En Éthiopie, plus de 38 000 agents de santé ont été formés aux soins de santé primaires et déployés dans les communautés rurales depuis 2003 dans le cadre d’un programme de développement des services de soins. Ce programme a joué un rôle déterminant dans l’élargissement de l’accès aux soins de santé primaires. Cette initiative, dont le succès a été rendu possible grâce à l’engagement du gouvernement éthiopien, de différents partenaires et, bien entendu, au dévouement des agents de santé, illustre la nécessité d’investir dans les ressources humaines pour améliorer la santé et l’accès aux services de santé de base au niveau communautaire.
Au Ghana, le régime national d’assurance maladie financé par l’impôt (National Health Insurance Scheme), qui couvre 95 % des maladies, a permis l’instauration d’une protection financière ainsi que l’élargissement de la couverture des soins. C’est un bon exemple du type de réformes pouvant aider les pays à limiter les frais à la charge des patients, qui trop souvent, contribuent de manière catastrophique à aggraver la pauvreté.
Le Rwanda a également enregistré des progrès considérables en matière de couverture santé universelle. En 2000, le pays a mis en œuvre des réformes ambitieuses dans ce sens, qui ont permis de transformer le système de santé. La mortalité infantile a diminué de plus de deux tiers depuis 2003 et l’espérance de vie moyenne a augmenté de 10 ans au cours de la dernière décennie. Conjugués aux avancées obtenues en matière de développement, ces résultats font du Rwanda un modèle dans la région.
Il n’existe certes aucune solution unique pour parvenir à la couverture santé universelle et chaque pays, voire chaque département ou chaque région, doit définir les stratégies et les réformes les plus adaptées à ses besoins. Toutefois, si nous nous appuyons sur les progrès impressionnants réalisés par de nombreux pays africains et si nous adoptons une stratégie intégrée pour garantir la santé pour tous, je suis convaincue que cela aura un effet bénéfique général.
Des personnes qui peuvent se soigner sans encourir des difficultés financières pourront mener des existences productives, subvenir aux besoins de leur famille et scolariser leurs enfants. J’ai la conviction que la couverture santé universelle aura un impact significatif sur la vie des Africains, et ouvrira la voie à un avenir meilleur et plus prospère pour tout le continent.
C’est pourquoi j’en ai fait l’une des principales priorités de mon mandat en tant que Directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique. À l’occasion de la Journée mondiale de la couverture santé universelle, j’invite les gouvernements du continent et leurs partenaires à en faire de même.
Dr Matshidiso Moeti est Directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique.