Caniveaux bouchés par des immondices jetées volontairement par des populations, séparateurs brisés par des automobilistes inconscients, trottoirs pour piétons violés délibérément par des conducteurs, etc. Telles sont les images récurrentes de la dégradation de la propriété publique qui dominent au quotidien l’univers kinois, sans émouvoir les témoins et observateurs immédiats. Quelles sont les causes et les remèdes aux détériorations anormales et tout à fait précoces de nos infrastructures ? A cette question, une enquête minute du Phare a révélé des résultats qui sont sans appel.
D’abord, les domaines publics réservés aux emprises de route sont de plus en plus spoliés. Des constructions anarchiques sont, ensuite, érigées, déversant eaux résiduaires et pluviales, sables, graviers et autres solides sur la chaussée, alors que les caniveaux sont bouchés et tous les systèmes d’assainissement bloqués et inopérationnels. « Les dégradations sont visibles sur nos routes, qu’il s’agisse de celles construites dans le cadre du Programme Sino Congolais(PSC), du financement japonais ou d’autres bailleurs de fonds, mais elles doivent être qualifiées, catégorisées et référencées par seuil de tolérance, seuil d’alerte et seuil d’intervention pour définir de manière adéquate les politiques d’entretien », a commenté un expert des routes abordé par Le Phare.
A titre exemplatif, il a indiqué que la fissuration observée sur le boulevard du 30 Juin est inhérente au phénomène de retrait hygrométrique propre au procédé de grave hydraulique. « Stable 3 années après, elle ne gêne ni le confort ni la sécurité des usagers. Ce n’est donc pas à considérer comme un défaut », a-t-il conclu.
Responsabilités
Lors de son récent passage sur les ondes de la radio onusienne, Okapi, le directeur général de l’Agence Congolaise de Grands Travaux, Médard Ilunga, avait d’entrée de jeu, sur cette question de détérioration des routes, indiqué qu’il était aussi important de savoir que tout projet ou ouvrage, a un cycle de vie. La conception, la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance en sont des étapes. « Il est prudent d’éviter de plonger dans l’amalgame en imputant les erreurs d’une phase à une autre. Les conditions d’exploitation de nos routes les rendent très précaires », a-t-il appuyé.
Pour lui, ce qui dégrade précocement nos routes, ce sont l’agressivité des trafics, les impacts mécaniques et chimiques sur les ouvrages, les dysfonctionnements des systèmes d’assainissement. L’évolution vertigineuse de la mobilité à Kinshasa entre 1980 et 2015, amplifiée par toutes les questions de comportement citoyen explique les dégradations, dans une ville où les routes secondaires et tertiaires sont inexistantes ou en très mauvais état.
«La population doit prendre conscience de bien protéger ses infrastructures ! », a-t-il martelé, avant d’ajouter qu’aucun intervenant n’est à l’abri des responsabilités vis-à-vis des garanties de parfait achèvement et garanties décennales.
Somme toute, il a conclu qu’il est un fait qu’en règle générale, s’agissant des routes, la responsabilité décennale ne concerne que les couches d’accise et non la couche de roulement, sensible aux aléas des usages. Dans les conditions actuelles de gestion des routes, la solution à la durabilité des routes est notamment d’ordre éthique et citoyen.
Il convient de rappeler que le PSC avait reçu les compliments de toute la nation pour avoir offert des routes modernes, éclairées, équipées des ouvrages d’art et d’assainissement dimensionnés, en tenant compte des règles parasismiques, bien maitrisées des partenaires chinois. Quant à l’ACGT, depuis 2012, elle s’est dotée des compétences nécessaires pour assurer, par exemple, efficacement la maîtrise d’œuvre de conception et de travaux. La conception-réalisation du départ place à la collaboration efficace maitre d’ouvrage-maitre d’œuvre-entreprise. « La qualité des travaux est managée grâce à la collaboration des principaux acteurs ; depuis 2011, il est fait recours aux bureaux d’études internationaux recrutés par appel d’offres : Egis International (France), Cima International (Canada), Gauff Engenieure(Allemagne), etc. Aucune entreprise chinoise n’a été exonérée des défauts constatés pendant la mise en œuvre. En juillet 2011, CREC 8 avait été sommée de reconstruire entièrement 4 km de l’avenue du Tourisme et en mars 2012, 1 km sur Sendwe », a révélé le numéro 1 de l’ACGT.
Au sujet du coût des routes congolaises, des experts techniques ont fait noter un principe : la route est multiple ! Multiple par les choix structurels, la nature des matériaux, par son sol d’assise, son environnement, par ses gabarits et la complexité des ouvrages qu’elle porte. « Son prix n’est pas unique. C’est à tort qu’on fixe de façon sommaire à 1 million USD, le coût unitaire du km de n’importe quelle route. Pour preuve, le coût global de l’autoroute Chicago Skyway, longue de 12,5 km-est de 1,83 milliards USD soit 146,4 millions USD au km. Quelle conclusion tirer sur un tel coût sans détails ? », s’est interrogé l’un d’eux, avant de souligner que la définition des ouvrages est le seul complément d’informations susceptibles de guider la compréhension des coûts.
Tshieke Bukasa