La continuité de l’Etat, la vacance, l’alternance politique et la crise de légitimité en démocratie

Vendredi 8 avril 2016 - 12:41
La démocratie est à la fois une construction volontariste d’un Etat de droit et un montage intellectuel d’une architecture politique qui garantirait l’équilibre institutionnel et la sécurité juridique des citoyens. Elle a pour avantage de privilégier la primauté du droit sur la pratique politique. Aussi permet-elle d’entretenir  une relation binaire entre d’une part les dirigeants issus de la majorité des citoyens avec la présomption d’avoir une plus grande intelligence dans la gouvernance de l’Etat sous l’effet du nombre qualitatif par rapport à la minorité portée à l’opposition et d’autre part les citoyens au nombre duquel se placent en ordre utile ceux de la société civile. La continuité de l’Etat, souvent évoquée par les régimes autoritaires, ne peut être  comprise que comme la permanence ou la pérennité de l’ordre étatique à travers le temps et dans les limites territoriales de l’Etat. Il ne s’agit pas d’une saisie matérielle physique ou personnelle, mais d’une conscience collective impersonnelle de tous les citoyens pour la survie de l’Etat et le déploiement de ses tâches à travers ses Institutions. C’est ainsi que l’entendement primordial de cette notion de continuité de l’Etat tourne autour de la permanence des Institutions et des Services d’utilité publique ou privée dans la réalisation de leurs tâches, mais dont les Acteurs et les Animateurs ne sont pas  immuables, mais interchangeables dans la succession de mandats politiques ou nominatifs. Il ne revient pas aux Acteurs et Animateurs de l’Etat de personnaliser la teneur de la continuité de l’Etat à leur seul bénéfice, quel que soit le  motif de leur performance dans la gouvernance politique ou économique, dans le maintien de la stabilité institutionnelle ou de la sécurité publique, ainsi qu’au motif de leur accoutumance à la jouissance du pouvoir. Certes, la durée dans l’exercice du pouvoir offre la possibilité  de réunir des expériences intéressantes des Acteurs ou des Animateurs, mais elle peut aussi ouvrir la voie à l’usure et à l’excès de pouvoir par ces derniers. La continuité de l’Etat est une figuration institutionnelle, impersonnelle et atemporelle ancrée dans la conscience collective des citoyens et dont la saisie est de portée générale et abstraite, voire intellectuelle, indiquant ainsi la volonté collective de perpétuer l’Etat et ses institutions. Aussi, peut-on conclure que la continuité de l’Etat ne peut empêcher ni la fin d’un mandat électif ou nominatif, ni  l’ouverture d’une procédure de vacance dans toutes les Institutions politiques et Services publics ou privés suivant les conditions prévues par la Constitution d’un Etat et par les textes légaux ou normatifs. Différemment de la notion de la «  continuité de l’Etat », celle de « vacance » est une figuration objectale et physique visant les personnes ayant un mandat électif ou nominatif dans les Institutions républicaines et dans les Services d’utilité publique ou privée, dont la procédure de mise en exécution de la fin du mandat concerne une personne ou des personnes exerçant les hautes responsabilités politiques, économiques ou sociales. L’ampleur de l’enjeu dans le déroulement  de la procédure de vacance dépend souvent du niveau de la position politique, économique ou sociale des fonctions concernées dans l’architecture institutionnelle ou dans l’organisation des Services en vigueur, mais  elle est aussi influencée par les expériences antérieures de vacance dans l’exercice de hautes fonctions politiques. Dans la pratique politique congolaise, la tendance dominante est celle des Acteurs politiques ou Animateurs à charge de hautes responsabilités qui se substituent à titre personnel aux dispositions impersonnelles de continuité de l’Etat pour pérenniser leur pouvoir. Ainsi par exemple, le premier Président de la République de la République Démocratique du Congo, redoutant la perte de sa popularité face à son Premier Ministre, s’était déclaré le 20 avril 1965 revêtu du droit de fixer de sa propre autorité la date de son remplacement et celui du Premier Ministre , en vertu de sa qualité du Chef de l’Exécutif Central et conformément à la Constitution du 1er août 1964. Et pourtant, l’article 185 de la Constitution de 1964 prévoyait que le gouvernement central en fonction à cette époque sera réputé démissionnaire dans les quatre mois qui suivront l’entrée en vigueur de la Constitution de 1964, c’est-à-dire en novembre 1964.  D’où l’argument utilisé par le Premier Ministre de la Transition de 1964, selon lequel les deux principaux Acteurs de la Transition en cours devront être considérés comme exerçant les fonctions intérimaires  et que le Président n’aurait pas le pouvoir de le faire partir avant la fin de la transition. Selon la Constitution de 1964, la seule prérogative reconnue au Président de la République était prévue à son article 184 qui l’autorisait à fixer par décret-loi le régime des élections prévues à l’article 181, alinéa 1er,    et qui stipule que des élections en vue de la constitution de nouvelles Chambres auront lieu dans un délai de six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente Constitution. Ce délai pourra être prorogé de trois mois au maximum par le Président de la République. Cela voulait dire concrètement que les élections législatives étaient censées se tenir au plutard en avril 1965. Le premier Président de la République, par contre,  tirait la prérogative sus-évoquée de l’article 182 de la même Constitution, lequel prévoyait que les pouvoirs du Président de la République en fonction à cette époque ne viendront à  expiration que lors de la prestation de serment du Président de la République qui sera élu, pour la première fois, conformément aux dispositions de l’article 56 de la présente Constitution. Cette première élection aura lieu six mois après la première réunion des chambres élues en vertu de l’alinéa 2 de l’article 181 de cette Constitution. Le décor ainsi planté avait pour principal enjeu d’écarter le Premier Ministre avant la tenue des élections législatives de mars-avril 1965. Mais, malheureusement pour le premier Président de la République, les élections avaient bel et bien eu lieu dans la période prévue et la proclamation des résultats interviendra du 1er au 20 août 1965, donnant lieu à la majorité de la coalition du Premier Ministre. A la session extraordinaire des chambres législatives du 20 septembre 1965 consacrée à  l’élection des bureaux, la majorité se dégagea à  la Chambre basse en faveur de deux candidats Yvon Kimpiobi et Mopipi de la coalition du Premier Ministre, mais au Sénat, le candidat de l’opposition, Sylvestre Mudingayi, issu de la coalition autour du premier Président de la République, gagna la présidence du Sénat. A l’occasion de la session ordinaire du nouveau Parlement ouverte le 13 octobre 1965, le Président de la République annonça la fin du Gouvernement de Transition et la fin du mandat de son Premier Ministre, en décrétant également le report de la date de l’élection présidentielle pour le mois de mars 1966. L’épreuve ainsi engagée va  se poursuivre avec la nomination d’un nouveau Premier ministre, où le Président de la République passa outre le principe de choix du premier Ministre au sein de la majorité au Parlement pour désigner d’autorité le 15 novembre un Premier Ministre issu de l’opposition au Parlement et cela malgré l’échec du vote  lors de son investiture par le nouveau Parlement organisé le 14 novembre 1965  avec 134 voix contre, 121 voix pour et 7 abstentions. Lorsque le premier Président de la République se ressaisit pour calmer le jeu en annonçant l’ouverture officielle du dépôt de candidatures à la Présidence de la République prévue  du 19 novembre au 20 décembre 1965, le mal était fait et très profondément fait. C’est sur ces entrefaites, que sera organisé le coup d’Etat du 24 novembre 1965, dont la déclaration devant les deux Chambres réunies en Congrès aura force d’un acte Constitutionnel instituant un régime d’exception sur toute l’étendue du territoire, mettant fin au mandat du premier Président de la République et accordant au Commandant en Chef de l’Armée l’exercice des prérogatives constitutionnelles du Chef de l’Etat. Cet épisode instituant un régime autoritaire sera consacré par la création le 16 avril 1967 d’un nouveau parti politique, dénommé Mouvement Populaire de la Révolution, MP.R en sigle, comme parti d’avant-garde pour la mobilisation politique et l’éducation civique, dont le manifeste sera rendu public le 20 mai 1967. Elle sera suivie de la tenue du Congrès extraordinaire du MPR allant du 21 au 23 mai, à l’issue duquel sera consacré l’institutionnalisation du MPR comme seul Parti et Institution Suprême de la République Démocratique du Congo et son Président sera désigné l’unique candidat national à la présidence de la République pour la prochaine élection présidentielle. La Constitution de 24 juin 1967 mettra fin au régime d’exception tout en maintenant la suprématie du Mouvement Populaire de la Révolution dans un bipartisme consacré par son article 4, alinéa 2. Mais avec l’instauration du Parti-Etat, la disposition constitutionnelle sur la procédure de vacance à la présidence prévue par les articles 23 et 24 de la Constitution de 1967 ayant donné lieu à l’exercice de l’intérim par le Président de l’Assemblée Nationale va être remplacée par celle de l’article 33 de la Constitution du 15 août 1974, laquelle prévoyait qu’en cas de vacance à la présidence de la République, les fonctions de Président du Mouvement Populaire de la Révolution seront exercées par le Commissaire politique le plus âgé du Bureau Politique. La révision constitutionnelle du 15 février 1978 va limiter la substance de la vacance à la présidence de la République, en inscrivant en toute logique, suivant l’article 38 , l’exercice de toutes les prérogatives de nomination et de de révocation des hauts cadres du parti, des membres du gouvernement, des officiers des Forces armées, des hauts magistrats des juridictions et ceux de la Cour des comptes, des Directeurs généraux de l’Administration publique  et des Commissaires de Régions relevant habituellement de la compétence du Président de la République dans l’exercice de ses fonctions , telles que prévues par l’ article 40 de cette Constitution. Si la révision constitutionnelle du 27 juin 1988  garde la forme du bipartisme limitatif  et  la procédure de vacance à la présidence de la République est la même que celle de la Constitution précédente, celle du 5 juillet 1990, tout en engageant un retour timide  à la démocratisation en restaurant le multipartisme limité à trois partis politiques, elle revient pour la procédure de vacance, suivant l’article 40, sur l’intérim à la présidence de la république par le Président de l’Assemblée Nationale, tout en respectant la  limitation logique à  l’alinéa 5 du même article  des prérogatives du Président intérimaire dans les mêmes termes que ceux de la précédente Constitution. La convocation de la Conférence Nationale souhaitée par les forces politiques du Pouvoir et de l’Opposition, ainsi que les forces sociales de la Société civile vise à résoudre la question  de la fin du mandat du Président de la République en fonction, dont l’exercice a débuté en 1984 et devant prendre fin en 1991 pour un mandat de sept ans. La problématique centrale de la Conférence Nationale est celle de la transition ou l’organisation de la transition par la mise en place d’un Acte constitutionnel de Transition qui remplacerait la Constitution élaborée sous le régime autoritaire de la deuxième République et dont de nombreuses dispositions étaient anti-démocratiques et non respectueuses des droits humains. Et dès son ouverture le 7 août 1991, la Conférence Nationale s’est engagée à la conquête de sa souveraineté vis-à-vis d’autres Institutions en place, notamment le Président de la République,  le Gouvernement et l’Assemblée Nationale pour opérer des changements institutionnels démocratiques. L’institution de la Conférence Nationale aboutira, lors de la plénière du 18 avril 1992 à l’adoption du Règlement intérieur, lequel va consacrer dans son article 1er sa souveraineté pour se donner une marge de manœuvre vis-à-vis du Pouvoir en place par l’élaboration d’un Acte constitutionnel plus démocratique par rapport à  la constitution du 5 juillet 1990 encore en vigueur. Il s’est installé alors une crise de légitimité à ce sujet suivi d’âpres négociations entre le Pouvoir et l’Opposition et à l’issue desquelles aura été trouvé un second accord appelé  «  Compromis Global et Inclusif du 31 juillet 1992 » entre les deux forces politiques en présence et par lequel il a été reconnu, d’une part, au Président de la République ses prérogatives constitutionnelles pendant la transition et au Gouvernement son rôle d’Exécutif dans cette même période et d’autre par la fusion de l’Assemblée Nationale et le Haut Conseil de la République comme nouveau Organe constituant. A coup d’épreuve avec le gouvernement en place, la Conférence Nationale devenue Souveraine adopte le 4 août 1992 l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition, lequel restaure le multipartisme intégral dans son article 7, alinéa 2 et fixe dans son article 49 la procédure de vacance à la présidence de la République, laquelle sera déclarée après le constat par la Cour Suprême de Justice suivant les motifs de vacance prévus dans son article 50. L’intérim, sera alors assuré par le Président du Haut Conseil de la République. Mais, la course effrénée pour l’accès rapide au pouvoir va précipiter les événements avec l’élection d’un Premier Ministre par la Conférence Nationale Souveraine le 15 août 1992, avant même la mise en place du Haut Conseil de la République. Le Président de la République va vite comprendre à la fois l’enjeu pour la majorité de conserver le pouvoir par effet d’une ruse jouant à l’ignorant  et le piège auquel l’Opposition va se faire prendre en élisant un Premier Ministre sur base d’un Acte constitutionnel non encore conforme à l’ancienne Constitution , parce qu’il était censé être promulguée par le Président de la République, suivant le Compromis de juillet 1992 et abroger la Constitution du 5 juillet 1990. La première mission de la Conférence Nationale n’a pas pu aboutir puisque l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition adopté le 4 août 1992 par la Conférence Nationale  n’a pas été reconnu par le pouvoir en place. Cet Acte constitutionnel se donnait pour vision la restauration de la démocratie pluraliste  prévue dans son article 7, alinéa 2 et la fixation de la procédure de vacance prévue dans son article 49, laquelle était censée être engagée après le constat par la Cour Suprême de Justice des motifs  de vacance prévus  par l’article 50. Le Président de la République fera ainsi le malin jeu de signer le 19 août 1992, une Ordonnance d’investiture du  Premier Ministre de la Transition issu de la Conférence Nationale Souveraine sous le régime de la Constitution du 5 juillet 1990. Mais, lors de la prestation de serment au Palais de la Nation, le nouveau Premier Ministre se ravise de cette méprise et  biffe dans l’ordonnance d’investiture, la mention relative à cette Constitution de 1990. Le piège se referme et il sera révoqué par le Président de la République et le blocage se poursuivra. L’opposition pousse pour sa part  la Mouvance présidentielle à la faute lors de la lecture de recommandations le 27 août 1992 présentées par la Commission Politique de la Conférence Nationale Souveraine, où il est fait allusion à la dissolution du Mouvement Populaire de la Révolution Fait-Privé et  évoqué la fin du mandat du Président de la République. Il s’en est suivi le retrait de la Mouvance présidentielle de la Conférence Nationale. D’un côté,  au sujet  de la mise sur pied du projet de Constitution pour la 3ème République,  l’opposition au sein de la Conférence Nationale Souveraine va exiger l’installation du Haut Conseil de la République pour en constituer un Organe Constituant de la Transition et  revendiquant la réhabilitation du Premier Ministre révoqué. De l’autre côté,  la Majorité à travers le Gouvernement soutient la mise en place d’une Commission Constitutionnelle paritaire, puisqu’ elle dénie  à la Conférence Nationale et au Haut Conseil de la République la légitimité politique pour s’instituer en Organe Constituant.  et condamne la forfaiture du Premier Ministre par sa rature de la mention « Constitution »  lors de sa prestation de serment comme un acte inconstitutionnel selon la Constitution de 1990 et comme  un délit politique grave. Les négociations entre l’Opposition et la Majorité aboutiront à un troisième accord mettant en place un Organe constituant de la Transition composé de Députés de  l’Assemblée Nationale et de membres du Haut Conseil de la République et de 160 Négociateurs de l’Opposition et de la Majorité, dénommé le Haut Conseil de la République- Parlement de la Transition. La détermination  du Président de la République à conserver son pouvoir à n’importe quel prix va faire baisser la barre de l’épreuve engagée avec la Conférence Nationale Souveraine au sujet de son départ du pouvoir. Les nouvelles négociations sont reprises entre le Pouvoir et l’Opposition  pour négocier un acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition, lequel sera signé le 2 avril 1993 par le Président de la République avec la restauration d’un Parlement unique de la Transition.  L’article 52 fixant la procédure de vacance à la présidence de la République va cette fois-ci être consacrée après le constat de vacance par la Cour Suprême de Justice et l’intérim assuré par le Président de l’Assemblée Nationale jusqu’à l’investiture du Président de la République élu à la prochaine élection présidentielle. Pour marquer la détente politique, le Président de la République mettra  fin au Gouvernement en place le 14 janvier 1994 et signera une ordonnance convoquant le nouveau Parlement de la Transition en session extraordinaire, lequel procédera à l’installation de son Bureau. Ce dernier  consacrera dans l’exposé  des motifs de l’Acte constitutionnel de la Transition le mode de désignation du Premier Ministre de la Transition par le Président de la République dans son article 76 et à l’inviolabilité du Chef de l’Etat dans  son article 90, ainsi que le respect de ses prérogatives classiques comme Président de la République. Le débat sur la fin du mandat du Président de la République sera  de plus en plus dilué dans les deux prochaines années après la mise en place d’une Constitution harmonisée en 1993, jusqu’au resurgissement d’une rébellion foudroyante  venue de l’Est du Pays en 1996 et qui aboutira le 17 mai 1997 au  renversement du régime par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL en sigle. La vacance politique de la présidence de la République ne s’est pas posée en termes de fin de mandat constitutionnel, mais par le pourvoi au vide juridique et politique du Pouvoir provoqué par la fuite du Président de la République et son remplacement par un pouvoir de fait, dont l’Acte Constitutionnel du 17 mai 1997 et celui révisé du 27 mai 1995 n’ont pas eu le souci de déterminer la durée du mandat du Président de la République. Ce nouveau Pouvoir a aussi été confronté dès le début du mois d’août 1998 à  de nouveaux mouvements insurrectionnels à travers le Pays avec l’appui de certains Pays voisins de l’Est, mais fort heureusement, il a bénéficié du soutien de certains autres Pays voisins alliés dans la Région. Les négociations avec les leaders rebelles débutés en 1999 aboutiront au cessez-le feu en 1999 appelé « l’Accord de Lusaka » et  plus tard à l’Accord de Sun City à Pretoria le 17 décembre 2002, lequel va souscrire  de manière définitive la nécessité de l’alternance politique en République Démocratique du Congo. Car, lors de ces négociations de Sun City, la problématique de l’alternance politique s’est clairement posée comme l’une des principales causes des crises de légitimité récurrentes en République Démocratique du Congo. En effet, il a été remarqué que les dirigeants politiques congolais ont le grand penchant de vouloir se maintenir au pouvoir soit par les révisions des dispositions constitutionnelles qui ne leur sont pas favorables dans ce sens, soit par des reports impromptus des élections sous plusieurs motifs fallacieux, dont principalement ceux liés à l’insécurité dans certaines zones pendant les élections et ceux relatifs aux moyens matériels, financiers, logistiques ou techniques pour l’organisation des élections. Face à la difficulté d’appliquer, sous multiples prétextes, les procédures de vacance prévues par les différentes Constitutions, il a été consacré de manière définitive la nécessité de l’alternance politique dans la Constitution de 2006, telle que révisée en 2011 comme une disposition restrictive. En effet, selon l’article 220, le nombre et la durée des mandats du Président de la République sera parmi les matières qui ne devraient plus faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Cette nouvelle Constitution, prit soin de sécuriser le Président de la République après la fin de son mandat en lui accordant le statu de Sénateur à vie et déterminant la procédure de vacance à la présidence par l’intérim du Président du Sénat. Mais la problématique de l’alternance politique se complique actuellement en République Démocratique du Congo dans la pratique, à cause de différentes interprétations  de l’article 70 pour comprendre la portée du statut intérimaire du Président de la République en fonction à la fin de son mandat électif et de l’article 105 pour la fin du mandat des Sénateurs, particulièrement celle du Président du Sénat. Aux termes de l’article 70, alinéa 2, il est stipulé  qu’à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu et l’article 105, alinéa 2 dispose que le mandat du Sénateur commence avec la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat. Pour éviter tout malentendu politicien, il faudra recadrer l’entendement initial du Constituant de ces deux dispositions constitutionnelles en vigueur, lorsqu’il parle de l’installation effective du nouveau Président élu. Il doit être entendu, suivant l’article 74 que le Président de la République entre en fonction dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle. Ce qui suppose que le nouveau Président entrant est censé déjà être connu, puisque, selon l’article 73, le scrutin pour son élection a eu lieu quatre-vingt jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice. Il n’est donc pas logique que le Président sortant ait une quelconque raison pour rester au pouvoir au-delà de dix jours après la proclamation des résultats définitifs. Mais, en suivant une autre logique, au cas où le Président entrant ne soit pas encore connu, puisqu’il n’y a pas eu d’élection présentielle, il est évident que le Président sortant ayant épuisé ses deux mandats électifs consécutifs ne peut attendre à la tête de l’Etat l’installation d’un Président fictif, car il est tombé,  après l’exercice de deux mandats successifs,  sous le coup d’empêchement définitif par la Constitution. Dans ce cas, l’intérim jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau Président est assumé par le Président du Sénat, à l’exception des dispositions relatives à la nomination et à la révocation du Premier Ministre et des autres membres du gouvernement (article 78), des ambassadeurs, des officiers généraux, des officiers supérieurs des forces armées et de la police (81), des  magistrats du siège et du parquet (article82). La meilleure interprétation de ces dispositions constitutionnelles est celle qui privilégie  l’alinéa 1er  de l’article 70, fixant le mandat électif du Président de la République à cinq ans, une fois renouvelable et que l’alinéa 2 est tout simplement supplétif, en ce qu’il ne peut déroger aux dispositions strictes des articles 73 et 74, dont  le temps lui  imparti n’est qu’un délai de dix-jours avant de rejoindre le Sénat. Encore que si le Senat est  constitué immédiatement à la fin de son double mandat et à l’avantage de la majorité qui lui est favorable, il peut se succéder à lui si il devenait  le Président du nouveau Sénat, Et en cas de force majeure, cette succession à lui-même ne peut durer que dans un simple délai constitutionnel de cent vingt jours, lequel pourra lui être accordé par la Cour constitutionnel conformément à l’alinéa 4 de l’article 76. Mais franchement, à quoi rimerait toute  cette manœuvre si on veut se respecter dans son statut d’ancien Chef de l’Etat et respecter la République dans ses valeurs démocratiques ? Par contre, en se plaçant selon la logique où le Sénat n’est pas encore mis en place et qu’il n’y a pas un Président du Sénat bénéficiaire d’un régime de rééligibilité, le Constitution est restée muette, puisqu’il n’a pas été  prévue une quelconque suppléance par d’autres membres du Bureau du Sénat. Il reviendra à la Cour constitutionnelle de trancher à la suite d’un recours en interprétation de la Constitution sur saisine prévue par l’article 161 ou par saisine du gouvernement pour la déclaration de vacance à la présidence de la République, ou encore par déduction de son rôle régulateur du fonctionnement de l’Etat. Dans ce cas, le bon sens commande que le Président sortant assume son intérim après avoir déclaré à la Cour constitutionnelle la fin de son mandat électif et au bénéfice de sa bonne foi,  qu’ il ne s’est pas déclaré candidat à sa propre succession à la fin de ses deux mandats successifs ou encore qu’il n’ ait pas l’intention à le faire pendant son intérim. La charge politiquement heureuse de l’intérim ne dépend que de sa propre crédibilité en tant qu’intérimaire de fait. Mais, l’expérience du Président de la deuxième République a donné matière à réflexion sur la bonne foi d’un Président qui assure son propre intérim et au grand risque d’ouvrir une longue crise de légitimité, comme il en fut le cas de 1991 à 1997. Car, après son message du 4 décembre 1991, où le Président de la République a annoncé la fin de son mandat électif et sa volonté de ne pas s’accrocher au fauteuil présidentiel pour laisser au peuple la décision souveraine du choix de son successeur, y compris sa propre succession, il n’ y a pas tenu parole. L’ancien Président de la République prit la précaution de rappeler qu’il va se livrer au jeu démocratique pour affronter tous ceux qui brigueront la magistrature suprême, tout en soulignant que les dispositions transitoires de la Constitution révisée du 5 juillet 1990 l’autorisaient à demeurer en fonction jusqu’à l’élection de son successeur en vertu du principe de la continuité de l’Etat. Au comble, il indiqua  lors de ses discours respectifs du 24 avril et du 3 mai 1990,  qu’il avait souhaité que les élections aient lieu avant le terme de son mandat, mais hélas, indépendamment de sa volonté, ces échéances n’ont pu être respectées. Sur ce point conclut-il, l’enjeu n’est pas sa succession, mais  celui  de parachever le processus de démocratisation dans la paix, la concorde nationale et le respect de valeurs républicaines, lequel peut être obtenu par le «  dialogue politique national ». Et voilà, le discrédit l’a rattrapé lorsqu’il s’est laissé plonger, au cours de son intérim, à la pyromanie comme il en fut le cas  avec la manipulation ou l’attisement des conflits en 1991 au Katanga, lorsqu’ on s’est livré au carnage des citoyens par des escadrons de mort dénommés «  Hiboux » en 1992 ou lorsqu’ il s’est versé dans la pratique des confréries mystiques du type Prima Curia ou encore celle de la multiplication des veilleuses et tapageuses églises de réveil. Tout cela n’a pas réussi hier et n’est pas reproductible aujourd’hui. Aussi peut-on dire avec le recul de l’histoire que l’enjeu principal de la transition pour le président était celui de conserver coûte que coûte son pouvoir après 32 ans d’exercice de pouvoir sans partage et ayant débouché à un mauvaise conduite ou mauvaise gestion de l’Etat. Si la transition s’est imposée à sa faveur pendant sept ans, correspondant à la durée de tout un mandat électif prévu par la Constitution du 5 juillet 1990, sa volonté d’aller au-delà du temps et contre la volonté de tous s’est montrée contre-productive. C’est dans cette longue usure que l’Etat est tombé en totale déliquescence et l’Alliance de Forces Démocratiques de Libération, AFDI en sigle n’a pas eu que des troupes de petits Kadogos, quelques vieux maquisards et une pognée agents secrets primaires recrutés à la hâte pour défaire les réputés généraux et officiers supérieurs sortis des académies militaires prestigieuses d’Occident et pour rendre inopérants et impuissants  les services d’intelligence parmi les plus respectés d’Afrique. Pour revenir à un autre débat de fin mandat et particulièrement celui de Sénateurs, dont le mandat est issu des élections de 2006 et qui se poursuit aujourd’hui en 2016, soit dix ans d’exercice de pouvoir législatif et donc un mandat supplémentaire de cinq ans sans légitimité effective, il y a lieu de penser qu’en tirant la légalité de ce mandat en faisant référence à l’article 105 et particulièrement dans son alinéa 2, on est dans l’inconstitutionnalité. Cela constitue également une atteinte aux droits de citoyens à élire leurs représentants dans les délais constitutionnels et un danger pour la démocratie. Cette irrégularité vaut autant pour l’article 103 concernant le mandat du Député national, car cela risque de se reproduire, au cas où les prochaines élections législatives ne respecteraient pas les échéances de validation de mandats électifs des Députés nationaux  et restaureraient d’office  des mandats d’accoutumance à l’Assemblée Nationale. L’interprétation de l’article 105 se fondant sur la volonté du Constituant à privilégier de manière restrictive le mandat des Sénateurs à cinq ans et  rééligible sans limitation dans le temps, appelle à deux réflexions différentes mais aboutissant à la même conclusion d’obstruction et d’incohérence de cette disposition dans sa portée juridique et politique. Dans la première réflexion,  l’antinomie entre l’alinéa 1 et l’alinéa 2 de l’article 105 obstrue la validité juridique de ce dernier article et porterait atteinte aux droits fondamentaux de citoyens pour élire librement leurs représentants au Sénat, suivant les délais constitutionnels déterminés et préalablement prévus. En effet, si le Constituant a été porté à croire qu’un mandant de cinq ans sous régime de rééligibilité est validé au second mandat sans vote, il aurait délibérément envisagé une autre marge d’expiration du mandat des Sénateurs que celle allant de la validation des pouvoirs jusqu’au terme de cinq ans. Dans la seconde réflexion et à la lumière de la situation actuelle d’un mandat de 10 ans pour les Sénateurs, il  ne peut donc être entendu que le mandat électif constitutionnel du Sénateur soit fongible avec le deuxième mandat  exercé sans mandat électif et soit commutatif dans le temps entre le premier mandat électif de cinq ans et le second mandat d’accoutumance arraché par un délit politique d’initié. Cela ne semble pas logique, car le Constituant ne pouvait imaginer deux mandats  fongibles répondant différemment aux termes de performance personnelle d’un Sénateur à l’autre par rapport à leurs compétences respectives dans les matières législatives et en termes de redevabilité aux électeurs par rapport aux promesses de campagne de chacun d’eux. Le Constituant ne pouvait pas non plus envisager que le premier mandat soit commutatif à l’autre, surtout que le premier est électif donc obtenu avec consentement d’électeurs et le second mandat est attributif par la  manipulation des textes légaux. Par contre si le législatif a voulu prolonger les mandats des Sénateurs ou des Députés à la suite de contraintes d’organisation des élections législatives, il aurait clairement envisagé un troisième alinéa de deux articles 103 et 105 relevant la possibilité de cas de force majeure, notamment celles liées à l’organisation matérielle, financière, logistique ou technique des élections concernées aussi bien pour l’article 103 que pour l’article 105. L’absence de cette disposition de « force majeure » laisse croire que les deuxièmes alinéas respectifs ne peuvent, en aucun cas, annuler la quintessence de deux premiers alinéas respectifs, sinon les deux dernières dispositions des alinéas 2 seront considérées comme superfétatoires ou aléatoires, donc non fondées par rapport à  la validité juridique et à la portée politique de deux premiers alinéas des articles concernés. A ce titre, la prolongation du mandat des Sénateurs en cours par rapport au délai constitutionnel, de même que pour celui des Députés provinciaux élus à la législature de 2006 est inconstitutionnelle. Sur le plan politique, les dispositions constitutionnelles dans leur compréhension intégrale aurait tenu compte de la laxité et l’élasticité de l’organisation des élections pour procéder à l’ouverture des mandats électifs soumis aux aléas contextuels et temporels. Car, il est vrai qu’à l’impossible nul n’est tenu et il aurait donc fallu valider cette approche politique en recourant aux mécanismes politiques de dialogue et d’entente politique entre les parties ou les forces politiques en présence pour se donner une saisie d’appréhension et compréhension commune devant aboutir à un ajustement consensuel des dispositions concernées. Sinon, on ouvre la voie à un débat sur la crise de légitimité des Institutions en cause, qui ne peut qu’exacerber les tensions politiques  avant les élections et s’amplifier après les élections, surtout qu’il aura sûrement des effets collatéraux à l’intérieur et à l’extérieur, dont le Pouvoir et moins encore l’Opposition n’en a la maîtrise des issues. Dans les deux cas juridiques et politiques, une saisie unilatérale et non concertée ne peut que déboucher aux incompréhensions dans l’interprétation des dispositions constitutionnelles et aux mésaventures politiques, dont celles de l’intolérance et de la violence. C’est ainsi que bon nombre d’analystes sérieux pensent que l’actuel Président de la Républiques qui a été un des artisans majeurs de l’Accord de Sun City  et qui, d’une part,  a personnellement souffert dans sa chair aussi bien de la gestion douloureuse de 1+4 que celle de la guerre d’agression contre la RDC et qui ,d’autre part, a vécu la grande difficulté de gérer un pays post-conflit,  peut s’offrir gratuitement  le gâchis de sa grandeur pour son entrée dans l’histoire de la RDC. Mais, aussi d’autres analystes qui, scrutant les faits, les paroles et les actes de l’actuel Président de la République, pensent que ce dernier ne se retrouve ni  dans des activités sous-terraines pour relancer sa campagne de réélection à la fin de son mandat actuel, ni dans une manipulation des Institutions politiques en charge de cette question, notamment la Cour constitutionnelle et la Commissions Nationale Electorale Indépendante et le Parlement pour un éventuel référendum dans ce sens. Il y a lieu cependant de redouter que certains Acteurs de la majorité se trouvant dans l’incertitude de leur lendemain politique ou de certains autres Acteurs de l’opposition n’ayant d’autre schéma que la violence dans les rues en vue d’occasionner ou de rechercher  des nouveaux dialogues politiques, fassent miroiter à leurs sympathisants le spectre d’un désastre politique ou d’un chaos total, contre lequel on ne peut que croiser les bras devant cette fatalité. Le fait curieux est que  nombreux parmi ces Acteurs fauteurs de trouble  sont issus de l’opposition armée de la fin des années 90 et du début des années 2000, jadis vaillants admirateurs de nos agresseurs voisins ou lointains. Il y a également d’autres Acteurs institutionnels qui ont obtenu difficilement leurs sièges à l’Assemblée Nationale et qui redoutent les prochaines échéances électorales sans couverture de parrainage de l’Autorité morale de la Majorité. Ou encore ceux des Acteurs qui croisent les doigts face à la crainte du dépassement de leur mandat électif au Sénat auxquels s’ajoutent les Députés provinciaux en plein  exercice  irrégulier de leur mandat dans les nouvelles provinces sur base d’une simple lettre administrative, alors qu’ils n’ont pas été élus députés de ces nouvelles provinces dans leur configuration juridique actuelle. Pour cette dernière catégorie des Sénateurs, les dispositions de l’article 103 et 105 de la Constitution s’appliquant  mutatis mutandis aux Députés provinciaux ne leur autorisent pas la prolongation de leurs mandats électifs actuels en se fondant sur les dispositions des articles sus-évoqués. Car, cela signifierait que les premiers alinéas des articles concernés seront obstrués ou annulés par les seconds alinéas, surtout lorsqu’il se crée un dysfonctionnement institutionnel et politique. La preuve est que les élus de l’Assemblée Nationale légifèrent avec des Sénateurs sans mandat électifs et les Députés provinciaux d’une province antérieure élisent des Gouverneurs de nouvelles provinciales sans mandat électif dans les nouvelles configurations juridiques. C’est inconstitutionnel. En outre, comment voudrait-on, alors que le Président du Sénat qui a largement dépassé son mandat électif au double, se prévale d’assumer l’intérim d’un Président de la République qui aurait respecté le délai de son mandat électif. Ce n’est pas seulement immoral et personne ne l’accepterait politiquement. Voilà,  c’est là où il faut aller chercher le diable qui grelotte devant les forfaitures constitutionnelles et purement  immorales. Car, comment peut-on voler au peuple tout un mandat électif, au seul motif qu’on attend l’installation du nouveau Sénat ?  C’est tout simplement une atteinte aux droits de citoyens à renouveler la confiance de leurs représentants à la Chambre Haute  par vote après tout un mandat de cinq ans. Il y a lieu de considérer cette méprise des Sénateurs comme  un délit politique d’initié ou un délit social d’intelligence malicieuse contre les peuples qui ignorent leurs droits fondamentaux. En ce qui concerne les Députés provinciaux, on peut se demander comment peuvent-ils  s’installer dans une nouvelle Province qui attend élire ses Députés provinciaux et ses Gouverneurs suivant les nouvelles configurations politico-juridiques respectives et ses Gouverneurs, se fassent voler leurs droits de vote par des Députés provinciaux qui sont non seulement  hors délai de leur mandat électif, mais aussi parce que les citoyens des nouvelles provinces ne leur reconnaissent que dans leur statut de représentants dans les anciennes Assemblées d’anciennes provinces non reconnues par la Constituions en vigueur. Le changement de cet ancien statut au nouveau statut devrait se faire après l’élection pour  donner à ce dernier une nouvelle légitimité politique et une  véritable validité légale. Cela ne peut  s’opérer à un tour de passe-passe par un simple transfert administratif irrégulier à la suite d’une correspondance administrative et sans base légale. Dans le cas d’espèce, cela fait de Députés provinciaux des fictifs et des transfuges politico-administratifs à la recherche d’argent pour les élections provinciales bien proches. En bon chrétien, on croirait qu’on veut faire de l’actuel Président de la République un nouveau, Jésus qui serait crucifié pour sauver la classe politique de la majorité et de l’opposition de son péché originel : la trahison. Non ! Ne trahissez pas cet Homme ! Ne faites pas cela. Peut-être le Président de la République actuel attend aujourd’hui pénard son entrée à vie avec bonheur dans l’histoire au prochain Sénat pour envisager toutes les options favorables à sa longévité politique dans les prochaines années à venir. Jean Claude Kashama-Nkoy (Correspondance particulière)