La polio, ce lourd fardeau dont a hérité l’Afrique

Mardi 11 août 2015 - 17:19

En 1995, la polio toucha tous les pays du continent africain, paralysant à vie plus de 75 000 enfants. L’année suivante, Nelson Mandela lançait une nouvelle campagne : « Kick Polio Out of Africa » (Bouter la polio hors d’Afrique). Son souhait : que la polio connaisse le même sort que la seule autre maladie humaine à avoir été consignée aux manuels d’histoire, la variole. Nous sommes aujourd’hui un peu plus près de ce but.

Le 11 août, pour la toute première fois de l’histoire de l’humanité, le continent africain fête son premier anniversaire sans aucun nouveau cas avéré du virus sauvage de la polio. Il y a seulement trois ans, le Nigeria représentait plus de la moitié des cas de polio sauvage au monde, et les nouveaux foyers de la maladie recensés en 2013 dans la Corne de l’Afrique et en Afrique centrale ont, pour certains, remis en question la possibilité de l’éradication totale de la maladie.

Le Nigeria est le seul pays d’Afrique à être encore sur la liste des nations où la poliomyélite est endémique. Mais aucun cas de polio n’y a été recensé depuis juillet 2014. Le mois dernier, le Président Buhari s’est engagé à éradiquer la polio au Nigeria, et il a envoyé un message fort à travers tout le pays en faisant vacciner sa petite-fille. Une fois que tous les échantillons de laboratoire de l’année écoulée auront été testés et que les normes de surveillance auront été pleinement remplies, le Nigeria pourrait enfin quitter la liste des pays où la polio est endémique.

L’Afrique est sur le point d’être exempte de poliomyélite. Notre lutte collective contre la polio nous a permis de tirer d’importantes leçons, et nous devons les mettre à profit pour garantir qu’aucun enfant ne mourra plus jamais d’une maladie à prévention vaccinale.

En premier lieu, l’engagement des dirigeants des gouvernements est déterminant pour le succès de cet objectif. Les dirigeants africains ont fait de la lutte contre la polio une priorité et ils ont mobilisé d’importantes ressources dans ce but. Nous disposons désormais d’un plan d’action nous permettant de faire face à d’autres défis sanitaires et de développement. Si nous voulons protéger la santé des populations africaines et améliorer leur vie, il est essentiel que les dirigeants africains tiennent la promesse faite dans la Déclaration d’Abuja de 2001 et consacrent 15 % du budget de l’État à la santé publique.

L’innovation est aussi un domaine clé. Au Nigeria, les investissements majeurs dont ont bénéficié sept Centres de mesures d’urgence et un système de surveillance renforcée ont permis un dépistage et un traitement plus précoces des nouveaux cas de polio. L’infrastructure développée dans le cadre de la lutte antipolio s’est révélée être d’une valeur inestimable lorsque le Nigeria a dû faire face à l’apparition du virus Ebola, car elle l’a aidé à éliminer rapidement cette menace dans la plus grande ville du pays, Lagos.

Les professionnels de la santé sont les véritables héros du programme de lutte contre la polio en Afrique. Jour après jour, ils viennent à bout de conflits, marchent à travers des zones marécageuses pour se rendre dans des villages isolés et nouer des relations de confiance avec les communautés locales pour veiller à ce que tous les enfants reçoivent le vaccin antipolio. À travers l’Afrique entière, nous devons investir dans les professionnels de la santé et leur donner les outils dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission, que ce soit en termes de formation, de compétences ou d’encouragements. C’est ce qui nous permettra de tenir les engagements que nous avons pris pour nos communautés. La responsabilisation des communautés et la mobilisation sociale sont essentielles. Ce sont les efforts consentis par des centaines de milliers de personnes issues d’horizons très différents qui nous ont permis de réaliser des progrès.

            Le partenariat établi entre les secteurs public et privé est un autre modèle de réussite ayant impulsé les progrès de la lutte contre la polio. En travaillant avec les gouvernements africains et du monde entier, Rotary International, l’Organisation mondiale de la santé, Unicef, le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies et la Bill & Melinda Gates Foundation ont encouragé le soutien politique, financier et public de l’éradication de la polio.

            La réussite totale et durable de la campagne de lutte contre la polio au Nigeria et dans l’Afrique entière ne sera pas possible sans ces vaccins salvateurs. Tandis que nous nous rapprochons toujours plus de notre objectif d’éradication de la polio, les dirigeants doivent prendre des engagements financiers dans ce sens, renforcer les mesures de vigilance et améliorer les résultats de la vaccination systématique. La toute première Conférence ministérielle continentale en matière d’immunisation qui aura lieu à Addis-Abeba, en Éthiopie, en novembre, exigera de chaque ministre de la Santé africain qu’il veille à ce que tous les enfants africains aient accès aux vaccins les plus importants, notamment au vaccin antipolio et à tous ceux leur permettant de se protéger de maladies pouvant être évitées.

            La campagne antipolio en Afrique a prouvé qu’en investissant dans les systèmes de santé, dans un leadership fort, dans les travailleurs de la santé et dans les vaccins, nous pouvons venir à bout du problème de santé le plus ardu. Une année sans aucun nouveau cas avéré de poliovirus sauvage en Afrique est un pas dans la bonne direction pour le continent entier, et nous pouvons nous en réjouir. Mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. C’est le moment de redoubler d’efforts.

            Nous sommes face à une occasion unique de faire du rêve de Nelson Mandela une réalité et de créer non seulement une Afrique libérée du virus de la polio, mais aussi une Afrique où les enfants survivent et où les communautés prospèrent. Faisons-le ensemble.

Le Dr. Matshidiso Moeti est la Directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique.

 

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