La RDC piégée dans un nouveau mandat de la Monusco !

Vendredi 27 mars 2015 - 13:35

La RDC seule contre tous les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a adopté hier à l’unanimité la résolution sur le renouvellement pour une nouvelle année du mandat de la Monusco. Le gouvernement qui avait fait du retrait immédiat des 6 000 Casques bleus, son cheval de bataille auprès de ses alliés du Conseil de sécurité, n’aura pas eu gain de cause. A la place, il a été décidé de revoir à la baisse les effectifs militaires de 10%. Ainsi, la Monusco va réduire seulement 2.000 hommes sur près de 20.000 soldats.

Ce retrait reste cependant, conditionné par les progrès à accomplir dans la démocratisation et la stabilisation du pays et dans l’effort de réduire la menace des groupes armés actifs dans l’Est du pays, en premier lieu les rebelles rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Le Conseil de sécurité souligne, pour ce faire, la nécessité de rendre la Monusco plus souple, mobile et plus efficace sur le terrain. Il maintient le plafond autorisé de la force fixé à 19.815 soldats et 1.400 policiers environ.

Il sied de préciser que le mandat de la Monusco avait fait l’objet de vives discussions ces dernières semaines, avec notamment la demande de Kinshasa de réduire le nombre de casques bleus dans son pays de plusieurs milliers d’hommes. Car, pour le gouvernement, la situation sécuritaire s’est améliorée alors que pour les Nations urnes, la sécurité reste très fragile dans l’Est. Les massacres dans la région de Béni en novembre dernier, mais aussi les attaques régulières de multiples groupes armés dans le Nord et le Sud-Kivu ou encore le Katanga tout ça est la preuve pour les Nations unies que les casques bleus ne peuvent pas se retirer trop vite, a-t-on fait savoir.
Sur le plan sécuritaire, pas plus’ d’avancées sur l’appui à la réforme du secteur de la sécurité. Le devoir de souveraineté de la RDC continue de plomber les relations entre la Monusco. Pour Kinshasa, c’est une question de souveraineté nationale. “ La Monusco n’a pas à se mêler des questions de défense”, explique-t-on.
Sur le plan politique cependant, les initiatives trop osées de la Monusco dans les questions intérieures de la RDC empoisonnent les relations avec le gouvernement de la République surtout en ce qui concerne ses bons offices. En effet, l’idée de servir de médiateur neutre entre les acteurs politiques congolais à l’approche des échéances électorales, est toujours mal perçue par les autorités congolaises. Le président Joseph Kabila a eu à prendre clairement position en ce qu’il qualifie comme ingérence de la mission onusienne. Néanmoins, la Monusco tente de maintenir le dialogue avec les autorités congolaises dans les discussions officielles qui ont débuté depuis mercredi dernier.

En attendant pour la première fois, les chefs d’état-major de 120 pays membres des Nations unies se réunissent aujourd’hui à New York pour plancher sur les enjeux complexes du’ maintien de la paix à travers le monde. Hervé Ladsous, le chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU,’ présente les grandes lignes de cette réunion dans cette interview à Jeune Afrique.
Jeune .Afrique : Comment est née l’idée de réunir les principaux responsables militaires des pays membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour se pencher sur le maintien de la paix ?

Hervé Ladsous : Cette réunion s’inscrit dans le processus initié par un sommet sur les opérations de maintien de la paix qui s’est tenu en septembre dernier en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Nous nous sommes dit qu’il serait bien, pour la première fois dans l’histoire mondiale, de rassembler des chefs d’état-major ou leurs adjoints d’u plus grand nombre possible de pays fournisseurs de troupes aux Nations unies. ‘C’est une initiative en partie américaine, à laquelle sont également associés le Premier ministre du Japon, celui du Bangladesh, ou encore le président du Rwanda.

Quel est l’objectif de cette réunion inédite sur les opérations de maintien de la paix (OMP) ?
L’objectif est de sensibiliser les États membres sur la nécessité de renforcer les capacités de maintien de la paix de l’ONU, à les rendre plus effectives et à accélérer leur déploiement. Cela sera aussi l’occasion de rappeler les priorités, de faire un échange d’expérience et de voir comment diversifier la participation aux OMP.

Quels sont les plus grands fournisseurs de troupes pour les opérations de maintien de la paix ?

Quand je suis arrivé à New-York, il y a trois ans et demi, je me suis trouvé face à une situation qui m’a paru extrêmement préoccupante 97 % des Casques bleus venaient de pays dits du Sud. Ce n’est pas satisfaisant sur le plan politique, moral et humain. Nous avons donc essayé de faire venir les pays de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN. La réunion de vendredi se tient aussi dans cet esprit de diversification. En septembre, nous avons vu des pays, notamment d’Amérique latine, qui n’avaient jamais participé au maintien de la paix. Ils travaillent maintenant avec nous.

Aujourd’hui, quelle est la proportion de Casques bleus venant des pays du Sud ?
Je dirais que nous sommes désormais plus proches des 90%. Les choses ne se font pas du jour au lendemain mais changent progressivement. Regardez le Mali : des éléments hollandais et suédois font aujourd’hui partie de la Minusma.

Quels sont les principaux contributeurs africains aux OMP?
Actuellement, les principaux contributeurs africains sont l’Éthiopie, le Rwanda, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana, le Tchad, ou encore le Sénégal.
Le maintien de la paix est très coûteux. La Monusco, déployée en République démocratique du Congo (RDC), fonctionne, par exemple, avec un budget annuel d’un peu plus d’un milliard d’euros.

Le modèle de financement actuel des OMP est-il viable ou doit-il être amélioré ?
Nous avons un budget annuel total de 9 milliards de dollars. Dans l’absolu, cela fait beaucoup. Mais cela ne représente aussi que 0.4% des budgets militaires dans le monde. Donc c’est finalement relativement peu. Beaucoup de pays, à commencer par les Etats-Unis, ont fart des études sérieuses sur le financement des OMP. Ils ont conclu que la formule actuelle de contributions était la moins coûteuse. J’ajouterais qu’aucune armée au monde n’a fait ce que nous avons fait au cours de ces six dernières années. Nous avons baissé le coût unitaire du Caque bleu de 16%. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer nos efforts pour être plus efficaces avec moins d’argent. C’est même un objectif constant.

Comme leur nom l’indique, les OMP sont chargées d’assurer le maintien’ de la paix dans les pays où elles sont déployées. Mais, on constate cependant que, dans certains pays (Mali, RDC...), elles peuvent aussi ‘passer à l’offensive. Les mandats des OMP doivent-ils être plus offensifs ?
C’est un élément qu’il faut garder à l’esprit et qui est incontestablement dans l’ère du temps. Mais, le Conseil de sécurité a bien souligné que la brigade d’intervention en RDC était exceptionnelle et n’avait pas vocation à être reproduite ailleurs. Au Mali, les pays de la région ont proposé une formule similaire, une sorte de brigade régionale d’intervention, mais qui n’a pas été retenue pour le moment. Nous sommes dans des situations qui sont beaucoup plus dures et beaucoup plus longues qu’elles ne l’étaient par le passé.
Depuis une dizaine d’années, il est incontestable que nous nous déployons sur des théâtres en phase d’hostilité où il n’y a pas d’accords politiques. Quand on doit en plus faire face à des menaces terroristes transnationales, c’est encore plus complexe.