L’ARMP s’interpose dans la désignation de l’opérateur pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu et refuse l’avis de non objection à la désignation de EPPM, un consortium comprenant des Tunisiens, des Suédois et des Kenyans.
L’autorité de régulation des marchés publics (ARMP) de la RDC vient de recaler, deux fois de suite, la société EPPM. En effet, l’ARPM a refusé, par deux fois, la demande pressante du ministère des Hydrocarbures d’accorder l’avis de non objection à la société tuniso-suédoise, EPPM, sortie favorite de l’appel d’offre en vue du recrutement d’un opérateur pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu. Pour l’ARMP, EPPM n’a pas fait montre de capacités scientifiques et techniques suffisantes qui attesteraient des aptitudes à exploiter de manière sécurisée et rentable le gisement gazier du lac Kivu considéré comme une spécificité unique au monde et” extrêmement dangereux ».
Ainsi, contrairement aux attentes de la population congolaise, et en particulier sa frange habitant l’Est de la République, le long feuilleton du choix d’un opérateur fiable pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu est loin d’en venir à sa fin. Et face aux initiatives plus ou moins heureuses du pays voisin, le Rwanda, d’exploiter la manne énergétique des profondeurs du lac Kivu, lequel lac le Congo et le Rwanda ont en copropriété, la société civile du pays ainsi que les opérateurs économiques et notamment les industries locales grincent les dents et en veulent à notre gouvernement qui se révèle incapable de mettre en chantier un projet qui ferait bénéficier au pays de Lumumba d’une source d’énergie disponible, propre et bon marché, si longtemps attendue par les ménages, le commerce et l’industrie présente et à venir des provinces orientales de notre pays.
La question sous le mandat ministériel du ministre Lambert Monde Omalanga
Pour rappel, le feuilleton du choix d’un opérateur pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu débute avec l’avènement à la tête du Ministère des Hydrocarbures de Son Excellence Lambert Mende Omalanga. Ce dernier accueille nombre de candidats opérateurs et leur distribue, à tour de bras, des” permis d’exploration “ habituellement appelés” Protocole d’accord avec l’Etat congolais “.
La procédure d’octroi des permis d’exploration, initiée par le ministre Mende, est conforme à la législation congolaise. Cependant, la quasi-totalité des candidats ayant sollicité et obtenu le permis d’exploration n’a nullement effectivement procédé aux études scientifiques et techniques devant baliser l’exploitation sécurisée et profitable d’un gisement gazier du lac. Kivu que les spécialistes de par le monde affirment être aussi dangereux que plusieurs bombes atomiques réunies.
Cependant, un seul bénéficiaire du Protocole d’Accord, et par surcroît groupe de scientifiques congolais; d’après des indiscrétions obtenues auprès du Ministère des Hydrocarbures, aurait présenté un rapport scientifique, technique et économique fiable parmi la dizaine de bénéficiaires des” Protocoles d’Accord avec l’Etat congolais “. Ce groupe congolais, par ‘la suite écarté de l’appel d’offre initié par le ministère des Hydrocarbures, détiendrait à la suite des études de préfaisabilité et faisabilité fouillées et homologuées par des milieux scientifiques internationaux, condition sine qua non et indispensable pour être attributaire du marché d’exploitation du gaz méthane du lac Kivu.
L’empreinte spécifique du Vice- ministre Beya Siku et du Ministre Mbuyu
Le passage au ministère des Hydrocarbures de leur excellences Beya Siku, Vice-ministre en charge du gaz et de monsieur Mbuyu, ministre des Hydrocarbures avait eu le mérite de proroger, au profit des détenteurs des « Protocoles d’Accord », le temps de production des études de préfaisabilité compte tenu de l’insécurité qui prévalait, dans le années 2009, 2010 et 2011, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où se trouve situé le lac Kivu. Et pourtant, en dépit de cette prorogation, la plupart des candidats à l’exploitation du dit gisement gazier n’avaient pas mis à profit ce rallongement des délais de production des études de préfaisabilité pour se mettre à l’ouvrage et produire les études de préfaisabilité requises. Logiquement, les candidats qui avaient bénéficié de la prorogation et n’avaient pu produire les études requises, devraient être considérés comme disqualifiés d’office.
La production des études de préfaisabilité et de faisabilité est très coûteuse. Et des scientifiques de la trempe du Dr Klaus Tietze, en mesure de conduire des telles études, ne courent pas les rues.
L’appel d’offre international prôné initié par le ministre Crispin Atama
L’avènement de monsieur Crispin Atama Tabe Mogodi au ministère des Hydrocarbures changea et compliquera la donne relative au recrutement d’un opérateur scientifiquement et techniquement en mesure d’exploiter le gaz méthane du lac Kivu. En effet, le ministre Atama convaincra le Gouvernement de méconnaitre la procédure des permis d’exploration (Protocole d’Accord avec l’Etat congolais) et d’aller, sans transition, à celle d’appel d’offre international pour le recrutement d’un opérateur fiable susceptible d’exploiter le gisement gazier du lac Kivu.
La faiblesse de la procédure prônée et initiée par le ministre Atama tient de ce qu’il n’existe au monde que très peu de spécialistes de la question de l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu. Un appel d’offre international se révélera donc de très peu d’intérêt et son filet se remplira plus de crabes que de poissons recherchés.
Le gisement gazier du lac Kivu est, en effet, unique en son genre compte tenu de la spécificité dudit gisement gazier, unique au monde. Dans le lac Kivu, l’on trouve plusieurs natures de gaz dissouts dans l’eau’ des profondeurs. Ces gaz, il faudrait d’abord les extraire des profondeurs sans pertes accidentelles en cours d’extraction. Ensuite, il faudrait les séparer les uns des autres pour conserver, stocker un gaz méthane enrichi, purifié à plus de 85%. Mais bien plus, il faut impérativement gérer les déchets de l’exploitation quasi uniquement constitués d’énormes quantité de gaz carbonique.
Le gaz carbonique est toxique pour les êtres vivants. C’est également, et hautement, un gaz à effet de serre, extrêmement nocif pour l’environnement. La gestion des quantités industrielles de gaz méthane requiert une combinaison de technologies scientifiquement compliquées pour préserver la vie des populations dans les alentours. Contrairement à l’opinion la plus préconisée, il ne faut surtout pas enfouir” le gaz carbonique dans la couche supérieure du lac généralement appelée biozone et dans la quelle vit et se reproduit le limnothrissa (sambaza).
L’égarement de la cellule des marchés publics du ministère des Hydrocarbures
L’exploitation du gaz méthane du lac Kivu emporte donc des considérations d’ordre environnemental de grande amplitude, et à conséquences éventuellement extrêmement graves, catastrophiques, pour les populations des environs du lac Kivu, en DR Congo autant qu’au Rwanda, ainsi que d’autres êtres vivants de la région du Kivu La gestion des tels risques ne pourrait confiée u premier venu, néophyte, fût-il ayant gagné un appel d’offre international organisé dans des conditions de transparence fortement questionnée.
Dans un contexte, comme ci-dessus décrit, il est clair qu’un opérateur ordinaire du secteur gazier des champs pétroliers n’a pas nécessairement les capacités scientifiques et techniques d’intervenir avec succès lorsqu’il s’agit, et spécifiquement, du gisement gazier du lac Kivu. Il se doit de présenter des études scientifiques et techniques spécifiques et expertisées pour être éligible à l’exploitation du gisement gazier du lac Kivu, un gisement pour le moins peu ordinaire.
La cellule des marchés publics au sein du ministère des Hydrocarbures, elle-même peu au fait des questions scientifiques et techniques relatives audit gisement gazier, va pourtant trier au volet d’abord trois candidats puis un dernier, EPPM ayant ses faveurs aux fins de recevoir le Contrat de Partage de Production (CPP) valant « permis d’exploitation “. La cellule des marchés susdite n’aura pas été en mesure de vérifier les capacités scientifiques et techniques réelles des trois candidats en finale du concours d’appel d’offre, ni du seul retenu candidat retenu en fin de course, EPPM, dont lesdites capacités ne sont pas avérées comme le remarquera l’ARMP.
ARMP s’interpose et refuse à EPPM l’avis de non objection
Jouant à fond son rôle de rempart face à l’arbitraire dans l’attribution des marchés publics en République Démocratique du Congo, l’ARMP a réservé une fin de non-recevoir à la demande pressante du ministère des Hydrocarbures d’octroyer un « avis de non objection » à la désignation de EPPM pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu aux motifs de faible qualification scientifique et technique de ce consortium tuniso-suédo-kenyan. C’est à se demander sur quels critères la sélection des candidats se serait réellement effectuée, dès l’étape crucial de la manifestation d’intérêt à laquelle 19 candidats s’étaient présentés, certains n’étant même pas en mesure de situer le lac Kivu sur une carte géographique.
Le Premier Ministre : dernier rempart contre le népotisme dans la passation des marchés publics.
La Primature qui attendrait que le dossier du candidat” gagnant” lui soit transmis, avec ou sans avis de non objection de l’ARMP, sera le second rempart contre l’arbitraire et le népotisme qui semblent avoir vicié, au niveau du ministère des Hydrocarbures, la procédure d’appel d’offre pour le recrutement d’un opérateur pour l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu.
Et les populations du Nord et du Sud-Kivu, et des six autres provinces (Tanganyika, Haut Lomami, Maniema, Tshopo, Haut-Uélé et Ituri) qui attendent la mise à disposition au profit des industries, des commerces et des ménages d’une source d’énergie propre et bon marché (électricité et gaz à bruler)pour booster les économies provinciales exsangues ont le regard anxieux tourné vers le Gouvernement, vers le chef du Gouvernement congolais. Elles attendent que des alternatives acceptables soient trouvées au processus d’appel d’offre en panne. Elles s’attendent à ce qu’une initiative nouvelle d’adjudication restreinte ou de gré à gré, soumise à vérification rigoureuse des capacités scientifiques et techniques des candidats et fortement sous contrôle des instances compétentes soit rapidement mise en route. Et comme dirait l’adage, les vaches seront mieux gardées et les intérêts de l’Etat congolais et des populations intéressées réellement préservés.
De la règle de préférence nationale dans tout projet d’exploitation des ressources naturelles
Il devrait être rappelé aux autorités congolaises impliquées dans l’attribution des marchés publics la règle cardinale de la préférence nationale. Cette règle est de mise dans toutes les nations civilisées afin de promouvoir les compétences nationales ainsi qu’une classe d’affaire nationale, et cela chaque fois que de nécessaire. En tout état de cause, et à compétences égales, la préférence nationale devrait naturellement être de mise pour des projets concurremment promus ou initiés par des scientifiques ou des promoteurs congolais et étrangers. Il est fortement lamentable que des scientifiques congolais, et leur groupe d’affaire, qui auraient ardument travaillé sur le projet d’exploitation du gaz méthane du lac Kivu et ont obtenu le satisfecit des milieux scientifiques internationaux les plus à la pointe sur cette question se trouvent exclus de l’appel d’offre au seul motif qu’ils auraient, dans leur équipe, les scientifiques les mieux connus et les mieux outillés qui furent, par la suite consultés, par le Gouvernement congolais pour l’élaboration des termes de référence du cahier de charge. Nul ne fera la promotion de l’intelligentsia congolaise mieux que le Gouvernement congolais lui-même. Et là est le gage d’un Congo émergeant dans le futur proche, un Congo émergeant appelé des tous les vœux par tous.
Bagenda-Banga Kazamwali,
Correspondant particulier