Le calendrier global de la CENI du 12 février 2015 est totalement obsolète

Mercredi 10 juin 2015 - 08:53

‘’Dialogue ou pas, la CENI exécute son calendrier’’ ! C’est l’intitulé de l’article de Monsieur Dorcas Nsomue, publié dans le journal le ‘’Phare’’ du 03 juin 2015, rapportant les propos de Monsieur Jean-Pierre Kalamba, Rapporteur de la CENI, lors de sa conférence de presse du mardi 02 juin 2015.
A la lecture de cet article, non sans pincement au coeur, nous nous sommes posé deux questions, à savoir : Jusques à quand prendra-t-on les Congolais pour des idiots et de quel calendrier Monsieur Kalamba parle-t-il ?
Nous voudrions affirmer ici que la CENI, à ce jour, ne respecte pas son calendrier qui, du reste, a été qualifié par plusieurs observateurs d’incohérent. Plusieurs activités prévues avant la fin du mois de mai 2015 n’ont jamais été réalisées. La CENI navigue donc à vue et va tout droit vers l’inconnu.
En effet, lorsque le 12 février 2015, la CENI avait publié son calendrier formellement global, et apparemment respectueux de délais con¬stitutionnels, l’Opposition congolaise avait, dans sa déclaration du 27 février 2015, relevé le fait que le calendrier de la CENI était inconstitutionnel en ce qu’il violait l’article 5 de la Con¬stitution et qu’il était in-tentionnellement surchargé afin de le rendre irréaliste, hypothétique, onéreux et aléatoire.
Il apparaissait donc claire¬ment que la finalité de la démarche de la CENI était de bloquer la machine pour obtenir un glissement au-delà de 2016 en faveur de Monsieur Kabila.
Toutefois, l’Opposition avait décelé un acquis important qui ressortait de ce calendri¬er, celui de la confirmation du principe de l’intangibilité de l’article 220 de la Consti¬tution grâce à l’assurance que le nouveau Président élu prêtera serment le 20 décembre 2016.
Réaffirmant qu’elle était prête pour aller aux élec¬tions, l’Opposition avait cependant refusé de s’engager tête baissée dans un processus gibbeux et bi¬aisé, comme ce fût le cas en 2006 et en 2011.
Ainsi, dans un élan patrio¬tique et animée par le souci d’un processus transparent et apaisé, elle avait entrepris d’apporter sa contribution en formulant une contre-proposition de calendrier qui consistait essentiellement à l’organisation des élections provinciales, des gouver¬neurs et vice-gouverneurs, des Sénateurs, prioritaires parce que suspendues au cours du cycle électoral 2011-2016 ainsi que des élections présidentielle et législatives, qui doivent obéir aux contraintes de la Constitution.
Toutes ces élections devraient être précédées de l’enrôlement de tous les électeurs afin de mettre à jour le fichier électoral.
Quant aux élections locales, municipales et urbaines qui sont beaucoup plus com¬plexes, l’Opposition avait proposé de les postposer après 2016 pour une pro¬grammation plus ratio¬nnelle. Le 03 mars 2015, l’Opposition avait déposé officiellement sa contre-proposition à la CENI et cette dernière avait promis une réponse formelle qui n’est jamais arrivée formel¬lement.
Mais, c’est par voie de pres¬se que nous avons obtenu des réponses à travers les propos de Messieurs Jean Pierre Kalamba et Apol¬linaire MaluMalu.
En effet après l’audience du 03 mars accordée à l’Opposition, le Rapporteur de la CENI a dit aux jour¬nalistes : ‘’Nous les avons reçus par civilisation…’’ ! Nous supposons qu’il voulait dire ‘’civilité’’.
Et l’Abbé MaluMalu, le 16 avril, revenu précipi¬tamment au pays après trois mois d’absence déclarera : ‘’Ce n’est plus le moment de penser que la CENI va encore changer son calen-drier. Nous allons tenir le calendrier. Il ne faut pas croire qu’il y aura une élec¬tion sacrifiée. Il n’y en aura pas. Nous allons organiser toutes les élections. Il n’y a aucun doute, on va vers les élections. S’il y a en¬core des personnes qui ne savent pas que le train des élections est en marche, et bien des signes avant-coureurs sont là. Nous avons tenu le pari qu’il n’y aura pas de changement de dates pour les candidatures ». Dont acte ! Nous deman¬dons aujourd’hui à Monsieur MaluMalu de nous montrer ces signes avant-coureurs.
MaluMalu feignait néan¬moins d’ignorer qu’à cette date-là, le 16 avril, les activ¬ités 4 à 10 prévues dans son calendrier global n’étaient toujours pas réalisées. Pour¬tant, en tant ‘’qu‘expert’’ en matière électorale, il doit bien savoir qu’une opéra¬tion électorale est compo¬sée d’une série d’activités qui sont en interaction et s’influencent mutuellement.
Devant cette défiance car¬actérisée de la CENI et sa défaillance à répondre à la contre-proposition de l’Opposition, celle-ci est rev¬enue à la charge en introdui¬sant, le 27 avril auprès de la même CENI, un mémoran¬dum contenant ses préoccu¬pations, sous forme de pré¬alables notamment celui de l’enrôlement des électeurs. L’Opposition s’était même vue obligée de donner un ultimatum de 48 heures à la CENI le 29 avril afin qu’elle réponde à ses préoccupa¬tions. Rien n’y est fait.
Soudain, l’opération de dépôt des candidatures pour les provinciales, qui devait prendre fin le 5 mai, a été prolongée à l’initiative de la CENI elle-même, jusqu’au 25 mai sur toute l’étendue de la RDC. Puis, ayant réali¬sé le peu d’engouement que la population accordait à ce processus (25% seulement de remise de dossiers), la CENI conviera en catastro¬phe l’Opposition ainsi que la majorité à une réunion pré¬sidée via vidéo-conférence, le 25 mai par MaluMalu en personne pour, toute honte bue, négocier avec les ac¬teurs politiques une deux¬ième prolongation de cette opération au 30 mai, con¬trairement à ses suffisances un mois plus tôt, sans men¬tionner l’incidence négative de cette prolongation sur les activités prévues du point 15 au point 18 de son calen¬drier.
A ce jour, toutes les activi¬tés liées aux élections ur¬baines, municipales et lo¬cales ont été carrément ‘’ajournées’ – dixit le Rap¬porteur de la CENI - en at¬tendant l’adoption de la loi sur la répartition des sièges dont le projet a été presque rejeté par les députés lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale du vendredi 5 juin courant. Le député Mayo Mambeke a même qualifié le projet de loi du Gouvernement de faux, d’inconstitutionnel et d’inopportun. Quel embarras pour le Vice-Premier Minis¬tre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité, porteur du projet !
Il y a deux choses intéres¬santes qu’il faut relever lors de la conférence-vidéo entre la classe politique et Mon¬sieur MaluMalu en date du 25 mai : La première c’est la demande expresse de Monsieur MaluMalu, pour le maintien du format de fo¬rum de discussions du 25 mai ainsi que la promesse ferme de discuter des préal¬ables posés par l’Opposition à son retour au pays dans la semaine du 01 au 06 juin 2015. La deuxième c’est la déclaration faite par le rap¬porteur de la CENI, pour qui ‘’la CENI ne pourrait revoir son calendrier que si les ac¬teurs politiques de toutes les tendances se mettaient d’accord sur un document juridiquement valable et opposable à tous. Elle ver¬ra dans ce cas-là comment concilier son calendrier et celui que pourraient propos¬er les acteurs politiques’’ !
Qui croire maintenant ? Est-ce la personne qui a dit ‘’qu’il n’y aura pas de changement de dates pour le dépôt des candidatures aux provincia¬les’’ ou celui qui attend des acteurs politiques un ‘’docu¬ment juridiquement valable et opposable à tous’’?
Le forum promis pour des discussions sur les préal¬ables posés par l’Opposition peut encore attendre !
En définitive, Monsieur Kabila joue sur deux tab¬leaux politiques : la CENI et le dialogue.
D’une part, c’est lui qui, d’après le Vice-président de la CENI, qui va ‘’convoquer les ministres clés du gouver¬nement pour échanger sur le financement des élections’’, alors que c’est la contrainte numéro 2 (actualisation du plan de décaissement des fonds pour les élections) qui devait être exécutée par le Gouvernement depuis le 22 février 2015. Allez y com¬prendre quelque chose !
D’autre part, c’est lui qui consulte. Et, il prend son temps en auscultant les horizons tout en reléguant certains problèmes cruciaux au second plan tels que l’enquête internationale sur le charnier de Maluku, les massacres et les tueries de Beni. Comment compren¬dre par ailleurs ce silence assourdissant sur le lauréat du prix Christophe Mérieux 2015, notre brave frère le Dr Jean-Jacques Muyembe qui a été récompensé pour ses travaux sur le virus Eb¬ola ?
Seulement voilà, tout ce qui est fait contre le temps et la volonté du peuple est voué à l’échec et nous disons : les élections présidentielle et législatives doivent ab¬solument se tenir le 27 no¬vembre 2016 et la passation civilisée du pouvoir le 20 décembre 2016, conformé¬ment à la Constitution !
C’était le combat héroïque des Congolais qui avaient gagné les rues de Kinshasa et des villes de certaines provinces du pays dans la semaine du 19 au 25 jan¬vier 2015. Certains sont morts, d’autres sont en pris¬on et dans les hôpitaux, et d’autres encore garderont longtemps les stigmates de ce combat ! On ne peut pas accepter que leur sacrifice soit vain. Ça serait irrespon¬sable et criminel !
Martin M. Fayulu
Député, Président de l’ECiDé et Coordonnateur des FAC