Le Dialogue dans l’impasse : L’impossible requête de Tshisekedi

Mercredi 20 avril 2016 - 18:37

Le leader de l’UDPS partagé entre les exigences irréalistes de la feuille de route de l’UDPS, notamment la bipolarisation de la scène politique, et les résultats des pourparlers entre ses lieutenants et la Majorité présidentielle, lance une patate chaude au facilitateur Edem Kodjo.

 

Alors qu’il était sûr d’aller vite, Edem Kodjo, le facilitateur du dialogue national en RD-Congo, n’a pas réussi à installer le Comité préparatoire dans le délai imparti. Faute d’avoir obtenu à temps les listes de la Société civile et de l’UDPS. Ce blocage est le fruit d’un gros désaccord entre la Facilitation et le parti d’Etienne Tshisekedi, où l’on s’érige en seul et unique interlocuteur légitime du Pouvoir et l’on considère que le dialogue doit mettre en présence deux blocs : l’UDPS et le Pouvoir.

 

Evoquant la configuration politique du dialogue, la feuille de route de l’UDPS identifie, à son Point III.A., les protagonistes de la crise politique actuelle : «Les élections ont eu le mérite de reconfigurer politiquement la classe politique congolaise et recadrer la ligne de démarcation claire entre ceux qui soutiennent le système en place et leurs alliés, d’un côté, et ceux qui réclament la vérité des urnes, de l’autre. Deux tendances se dessinent clairement entre les tenants du statu quo et ceux qui militent pour le changement».

Puis : «Ainsi, le contentieux électoral de 2011 se trouve être la cause essentielle de la crise politique actuelle en République Démocratique du Con go. Il va sans dire que ce dialogue pourra mettre autour d’une table le Président élu, Monsieur Etienne Tshisekedi, et ses alliés pour le camp du changement; Monsieur Joseph Kabila et les siens pour le camp du statu quo...». La feuille de route de l’UDPS remet en cause l’existence d’autres ailes de l’Opposition, notamment celles qui ne sont pas en alliance avec Limeté ni de son obédience. Requête impossible, difficile à faire accepter et au Pouvoir et au reste de l’Opposition. Comment enrayer et laisser de côté les grands groupes comme l’Opposition Républicaine et son leader Léon Kengo wa Dondo ou la Dynamique de l’Opposition -avec des partis à encrage sociologique réel de la trempe du MLC de Jean- Pierre Bemba, de l’UNC de Vital Kamerhe-? Par quelle alchimie ignorer sans couac l’existence du G7 avec ses machines, notamment le

MSR, l’ARC, l’UNADEF, l’UNAFEC, sans compter ses ténors Pierre Lumbi, Olivier Kamitatu, José Endundo, Gabriel Kyungu, Charles Mwando et Moise Katumbi, son candidat désigné à la présidentielle de novembre 2016? N’a-t-il pas appris que la grand-mère de Justin Bitakwira maudirait le dialogue si son petit-fils de député ex-UNC n’obtenait pas un quota au Comité préparatoire?

 

Il est évident que la bipolarisation que demande Tshisekedi est aléatoire. Il sera impossible de l’imposer au reste de la classe politique et à la Société civile. «Pareille demande porte en elle les germes de l’illégalité étant donné qu’elle tend à promouvoir la violation de la Constitution dont tous les camps prônent pourtant le respect», analyse le député Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire UDPS et alliés à l’Assemblée nationale.

Côté ordre du jour’, la feuille de route de Tshisekedi, à son Point III.B., propose entre autres: «li faudra que les responsables à l’origine de la fraude électorale soient écartés de la gestion du pays à tous les niveaux et du déroulement du processus électoral en cours». Pas besoin d’un dessin pour comprendre que Tshisekedi vise avant tout Kabila et son fauteuil. Pour le président de l’UDPS, le dialogue qu’il ne peut ni ne sait convoquer serait le moment inespéré de procéder à la remise-reprise avec Kabila. Tshisekedi voit-il un Président de la République reconnu par la Communauté internationale lui laisser le pouvoir pour ses beaux yeux ou son âge avancé? Utopique.

Cette vision surréaliste contraste avec les résultats des pourparlers menés entre les émissaires de Tshisekedi et les envoyés de Kabila successivement à Venise, Ibiza, La Haye et Bruxelles. A en croire le résumé qu’en avait fait le sénateur PPRD Léonard She Okitundu, l’UDPS et le Pouvoir étaient tombés d’accord sur :

 

  1. La tenue d’un Dialogue politique national inclusif. Le Dialogue est national parce qu’il est ouvert à toutes les parties prenantes ainsi qu’à toutes les composantes des parties prenantes.
  2. Les parties prenantes sont la Société civile, la Majorité présidentielle et l’Opposition politique.
  3. Le Dialogue porte sur l’organisation d’un processus électoral apaisé, complet, inclusif, crédible et conforme aux standards internationaux.

Plus loin, le texte indique : «Un Comité préparatoire est mis en place antérieurement à la tenue du Dialogue. Il rassemble les documents de’ travail, élabore les projets d’ordre du jour et du règlement intérieur. Sa composition est inclusive et comprend des délégués des parties prenantes. Il détermine le nombre des participants au Dialogue et fixe la durée et le lieu de celui-ci».

 

Puis: «Par souci de transparence et de crédibilité, le lancement du Comité préparatoire est parrainé par le Facilitateur international nommé par l’Union Africaine avec l’appui de la Communauté internationale, en particulier, le Conseil de sécurité des Nations Unies. En attendant, les parties se concertent en vue de la désignation de leurs délégués au Comité préparatoire».

Voici que Tshisekedi pose deux actes susceptibles de tout compromettre, deux patates chaudes lancées à Edem Kodjo. D’une part, il demande au facilitateur de se conformer à la feuille de route de l’UDPS conditionnant ainsi la participation de ses délégués au Comité préparatoire. Et d’autre part, il revendique tous les 12 mandats octroyés à l’opposition au sein du Comité préparatoire. Du coup, le processus est bloqué. Peut-être pour longtemps, de l’avis de Samy Badibanga, qui se justifie en ces termes : «L’entourage du président Tshisekedi pose problème. Au sein du parti, il y en a qui veulent aller au dialogue parce qu’ils comptent y tirer un profit personnel et ont dû faire un faux rapport au président Tshisekedi sur les précédentes discussions avec la Majorité. Il y en a qui, et je suis de ceux-ci, croient à un dialogue responsable dont l’issue imposerait un minimum de respect des règles». Rappelant que Tshisekedi bouge difficilement de sa ligne, Badibanga entrevoit dans la requête du président de l’UDPS une manière subtile de se ménager une porte de sortie... pour toujours. Indice: l’ultimatum du 24 avril, date au-delà de laquelle il ne faudrait plus espérer un quelconque dialogue avec l’UDPS.

Par AKM