Le patron du FPI prête les yeux fermés : Mbengele signe un drame financier

Mercredi 23 décembre 2015 - 09:31

Liste et photos de quelques promoteurs insolvables cités dans le rapport parlementaire rendu public avant la clôture de la session budgétaire.

On y retrouve députés et ministres. A titre illustratif : Joseph Kokonyangi, l’actuel Secrétaire général adjoint de la Majorité présidentielle; Célestin Mbuyu Kabango, ancien ministre de l’intérieur et des Hydrocarbures; Norbert Basengezi, l’actuel vice-président de la CENI; l’homme d’affaires Chiribagula Murhabazi, professeur de droit commercial-OHADA... et le ministre des Hydrocarbures Aimé Ngoy Mukena.

 

Un rapport parlementaire réalisé pendant plus de huit mois révèle comment ce mandataire de l’Etat, pourtant placé à la tête de l’institution chargée de promouvoir et appuyer l’industrie locale, a été complaisant dans l’octroi des crédits et subventions. Ses clients préférés : des députés et des ministres, des étrangers insolvables, à la base du détournement des prêts d’investissement du FPI accordés aux promoteurs dont les impayés de remboursement s’évaluent à USD 140 millions. La Commission met sur le banc des accusés l’ADG Constantin Mbengele Kwete, accablé entre autres pour «les reports des échéances autorisés aux débiteurs douteux et improbables, faits en marge des normes des établissements des crédits en matière de report d’échéances », « le déblocage des prêts en tranches, allant jusqu’à 13 acomptes, au profit des promoteurs, créant ainsi des intérêts intercalaires au détriment du FPI, alors que la norme universelle en la matière et même la décision du Conseil d’administration du FP1 du 27 septembre 2013 n’autorisent de débloquer les crédits aux promoteurs qu’en une seule ou deux tranches maximum et puis, de procéder à la révision à la baisse des taux d’intérêt sur les prêts accordés»...

Mbengele prête yeux fermés.

 

La méthode rappelle des romans policiers aux accents fantastiques: Une mission d’enquête parlementaire a découvert un stratagème inédit mis en place à la Direction générale du Fonds de promotion de l’industrie -FPI- favorisant l’octroi des crédits non remboursés à des clients douteux et improbables, et des subventions injustifiées, souvent pour des projets jamais réalisés, occasionnant ainsi la dilapidation des fonds publics et le détournement des prêts d’investissement du FPI accordés aux promoteurs dont les impayés de remboursement s’ évaluent, à ce jour, à plus de USD 140 millions. Un drame financier. La Commission a passé au peigne fin, visité et auditionné une dizaine de projets à Kinshasa et autant à Lubumbashi, où sont concentrés la majorité des crédits accordés par le FPI. Elle a constaté et confirmé l’existence de beaucoup d’impayés comprenant les promoteurs débiteurs du portefeuille-crédit en force pour un montant de USD 48,3 millions, soit 34,79% et les promoteurs insolvables.

 

La Commission a mis en cause l’ADG Constantin Mbengele Kwete, accablé entre autres pour «les reports des échéances autorisés aux débiteurs douteux et improbables, faits en marge des normes des établissements des crédits en matière de report d’échéances», «le déblocage des prêts en tranches, allant jusqu‘à 13 acomptes, au profit des promoteurs, créant ainsi des intérêts intercalaires au détriment du FFI, alors que la norme universelle en la matière et même la décision du Conseil d’administration du FFI du 27 septembre 2013 n‘autorisent de débloquer les crédits aux promoteurs qu‘en une seule ou deux tranches maximum et puis, de procéder à la révision à la baisse des taux d’intérêt sur les prêts accordés ».

 

 

Ministres et députés insolvables

 

Les clients préférés de Constantin Mbengele: des députés et des ministres, honoraires et fonction, insolvables pour la plupart. Il y a aussi des étrangers, pourtant appelés à apporter des capitaux frais pour créer la richesse et les emplois.

Sur base des extraits du rapport auxquels il a eu accès, AfricaNews a pu dresser une liste, un échantillon de quelques personnalités publiques, des hommes d’Etat cités dans ce rapport parlementaire. Entre autres le député et secrétaire général adjoint de la Majorité présidentielle, Joseph Kokonyangi, promoteur de la société Abundance Ecology, bénéficiaire du contrat de prêt n°625. Montant : USD 497.871. «Devant votre commission, le promoteur du projet a reconnu que la société Abundancy Ecology a bénéficié d’un prêt. FF1 de 497.871,00 USD -398.296.500,00- en 2009 pour l’installation d’une usine de production d’eau minérale à Kindu. Il a évoqué les difficultés liées à l’acheminement des équipements à Kindu, lesquelles ont entrainé l’installation tardive de l’usine qui, après trois mois de fonctionnement est tombée en panne suite aux problèmes électriques... Votre commission note que ce projet n‘a pas été réalisé et que le prêt a déjà atteint sa maturité», a-t-on lu dans le rapport. Egalement cité, l’ancien ministre de l’Intérieur et ex-ministre des Hydrocarbures, le député Célestin Mbuyu Kabango a reçu via les Etablissements CEMKA USD 931.528,00 pour le renforcement des capacités de production d’une savonnerie à Kamina. «Le promoteur a reconnu avoir bénéficié d’un prêt initial de 731.528,66 USD en 2013 pour l’acquisition et l’installation d’un système complet de décharge, d’emballage du savon et du matériel roulant et une avance de 200.000,00 USD sur le prêt additionnel de 941.783,19 USD sollicité. Il a déclaré que les équipements productifs ont été achetés et se, trouvent encore en Turquie. S’agissant du remboursement des échéances de remboursement du prêt initial, aucun remboursement n‘a été effectué sous prétexte que le prêt complémentaire suspend le remboursement du prêt initial et que le décaissement du crédit complémentaire se fait par tranches», a-ton également lu dans le rapport. Puis : «En clair le projet n ‘est pas encore réalisé et l’amortissement du prêt initial n ‘est pas fait. Au regard de ces éléments, votre commission estime que ce projet se classe dans la catégorie des impayés du portefeuille crédit en force du FFI». Norbert Basengezi, l’actuel vice-président de la CENI, apparait aussi dans le rapport comme représentant des Etablissements Maison Karibu, bénéficiaire du contrat de prêt n°899 au nom de Mme Faida Nyarugeta Jeannette. Il est écrit à son sujet : «Selon le promoteur de ce projet, la minoterie dont la capacité installée est de 20 tonnes de farine de maïs par jour produit actuellement 12 et 14 tonnes par jour, soit un taux d’exécution de 85%. Il a reconnu avoir reçu un crédit de 722.000,00 USD en 2013 pour l’implantation d.’une minoterie à Bukavu et avoir sollicité un crédit complémentaire de 300.000,00 USD. Toutefois, aucun remboursement des échéances contractuelles n ‘a été effectué à ce jour. Le promoteur a évoqué la problématique des modalités de déblocage des fonds par tranches par le FFI, ce qui l’a conduit à solliciter et d’obtenir du FFI un rééchelonnement de remboursement. Votre commission note que le projet a été réalisé et que son impact socioéconomique est visible. Il se pose cependant le problème du non respect des échéances contractuelles de remboursement».

 

Homme providentiel

Homme d’affaires très connu au Sud-Kivu, professeur de droit commercial-OHADA Chiribagula Murhabazi est également épinglé. Il a reconnu devant la commission que les Ets La Probité qu’il représente ont bénéficié d’un prêt de CDF 487.600.000,00 en 2010 pour installer une usine de laiterie à Bukavu mais, les équipements d’une valeur de 100.000 Euros, commandés en France, ont pris beaucoup de temps pour être acheminés à Bukavu est ne sont pas encore installés. L’usine ne pouvait être opérationnelle qu’en juillet 2015. Il a reconnu qu’aucun remboursement n’a été effectué mais il a sollicité du FPI un rééchelonnement de remboursement ainsi que la révision à la baisse du taux d’intérêt. Constat de la commission: «Votre commission constate que le prêt a atteint sa maturité sans le moindre signe de réalisation du projet financé par le FF1. De ce qui précède, votre commission retient que le projet n ‘a pas été réalisé et que le prêt n ‘a pas été remboursé. Il y a insolvabilité pure et simple du promoteur». Le ministre des Hydrocarbures Aimé Ngoy Mukena a également bénéficié d’un prêt d’une valeur de CDF 398.153.600,00 pour ses établissements APKM SPRL pour l’achat d’une chaine de minoterie, de deux camions et la dotation en fonds de roulement. Auditionné par la commission à Kinshasa, il a déclaré avoir conçu un projet de minoterie sans en avoir la maitrise. Selon lui, à défaut de remboursement, la garantie hypothécaire offerte peut être actionnée pour permettre au FPI de rentrer sans ses droits. La commission note que le promoteur Ngoy Mukena est insolvable. Mbengele a également accordé sa providence à quelques sujets étrangers, pourtant appelés à apporter des capitaux frais en RD-Congo: Parmi eux, une certaine Mme Christine Van Der Haegen, bénéficiaire d’un prêt de USD 2,016 millions, ainsi que son fils. Puis, USD 1,6 million à un certain Fadel Salah Zaidan dont la production n’a jamais débuté.

 

Par YA KAKESA

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