Le rap français se congolise !

Mercredi 10 juin 2015 - 06:33

On les dénombre plus d’une dizaine. Actuellement, les jeunes artistes originaires du Congo de Kinshasa qui font fureur en France. La musique rap à la congolaise fait d’eux des produits remarquables de tel enseigne que le rap français a pris le sens du rythme de sons, de mots et de la touche apporté par ces fils Lumumba, qui gardent leurs originalités grâce à la symbiose du hip hop au ndombolo, aux rythmiques envoutées de la rumba aux sons Rnb. Youssoupha, Maitre Gims, Gradur, Shin Sekay, Kozi, Badi, Poison Mobutu, S-Pi, Despo Rutti, Tito Prince, Bana C4… la musique française ne peut brandir cinq meilleurs sans citer deux de ces derniers.

Une nouvelle école mwana poto du rap (mwana poto indique des Européens étant issues de l’immigration congolaise) ayant comme fer de lance Gradur et Niska inonde la toile de vidéos dans lesquels s’enchaînent pas de danse empruntés au ndombolo remixé à la sauce états-unienne des banlieues et onomatopées similaires à celles lancées dans les nganda de Matonge.

Déjà avant ce déferlement de « Niama » Kozi Niama, de « Ndeko » de « Sheguey » Gradur, les artistes confirmés et influents que sont Youssoupha et Maitre Gims, tous deux fils d’artistes sur-confirmés dans la musique congolaise (Tabu Ley Rochereau pour le premier et Djanana Djuna du groupe Viva La Musica pour le second) marquèrent fièrement leur double appartenance en semant ici et là quelques graines bantoues histoire de voir éclore quelques jeunes pousses dans une musique urbaine bien forgée quant à elle dans les HLM français.

Assistons-nous à une «Congolisation» du rap français ?

Après les années 60 et ses fausses promesses d’indépendance, dans une économie sociale inexistante, le moyen le plus populaire de s’enfuir du misérabilisme n’est plus que jamais la musique pour le jeune Congolais. De là, de grands paroliers accompagnés de musiciens de même envergure écriront la culture congolaise de notes qui leur restera propre. Franco Luambo, Tabu Ley Rochereau, Pépé Kallé et leurs acolytes propagent la fièvre de la rumba au-delà des frontières congolaises.

Les pays africains voisins et moins voisins se verront contaminés par cet ebola musical, le virus devient le plus puissant mutant de rumba à soukous, avec l’introduction des atalaku (sorte de DJ à l’africaine), lesquels ambiancent d’interminables breaks musicaux appelés sébéne. Le sébéne est un break musical où l’un des guitaristes est mis à l’avant pour un solo effréné dans le but de faire danser l’assistance. C’est le départ d’une chorégraphie individuelle ou collective. Une nouvelle danse est créée pour chaque nouveau hit circulant en VHS dans un réseau parallèle.

Cette fois, c’est Papa Wemba, Koffi Olomidé, King Kester Emeneya, Madilu System, Tshala Muana qui donne la formule gagnante plus tard rejoint par JB Mpiana, Werrason, Fally Ipupa, Bill Clinton, Ferré Gola, Fabrégas,… C’est en « s’enjaillant » sur la musique de cette nouvelle génération de groupes congolais que les rappeurs de la diaspora congolaise grandissent dans les métropoles françaises. Aux fêtes de famille, et tout afro-descendant sait qu’elles seront nombreuses, il y a toujours cette Tante qui te force à danser et à montrer tes talents de machine à bouger sur ces rythmes entraînant.

Le lingala, la langue de charme

Une première vague de rappeurs issue de la diaspora congolaise, à la fin des années 90, fait son apparition sur le PAF, le Bisso na Bisso (= entre nous) ayant Passi comme chef d’orchestre, épaulé par Mystik, Arsenik et les 2 bal du Ménage à 3 proposent des sonorités tirées du folklore de leur racine, comme le témoigne le nom du premier album du collectif intitulé « Racines ».

En constante évolution, le lingala est une des langues les plus utilisées dans la musique africaine pour son swing et sa chaleur. Aujourd’hui, nous pouvons l’entendre sur de la trap music et autres sonorités électroniques, utilisée par Tito Prince, Kozi Niama ou encore S-Pi. Sur des instrumentaux plus classiques, Escobar Macson, Despo Rutti ou Poison Mobutu usent de cette africanité au paroxysme. Sur des productions plus expérimentales là encore la diaspora congolaise compte son lot de rappeurs comme Philemon, Badi ou Baloji.

Le point commun des différents acteurs du mouvement est ce sentiment de nostalgie ou/et cette envie de communier avec la terre des ancêtres traduite par diverses intrusions linguistiques dans la langue française, ainsi qu’un multiculturalisme ambiant malgré le politiquement correct du « non au communautarisme » qui tente de ranger dans le tiroir « rap communautaire » cet appel au voyage.

Même des kickers d’origines différentes y ont pris goût, ainsi plus personne ne s’étonne d’entendre un Officielniro lancer un « Niama » ou un Seth Gueck parler de son « mama na ngayi » dans leurs textes.

(Onassis Mutombo)

 

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