LES JUGES FORMÉS À PRIVILÉGIER LE PLACEMENT DE L’ENFANT EN FAMILLE, NON EN DÉTENTION

Mercredi 10 juin 2015 - 06:23

Le Programme d’appui au Renforcement de la Justice à l’Est de la RDC (PARJ-Est) "Uhaki Safi" " a, par l’entremise de l’ONG RCN-Justice et Démocratie, formé les 8 et 9 juin courant à Goma, les juges, avocats, assistants sociaux, éducateurs, et autres acteurs travaillant dans la justice pour mineurs. Objectif, privilégier les mesures non privatives de liberté dans toutes les questions qui concernent les enfants en conflit avec la loi. Notamment le maintien dans le milieu familial, l’accompagnement psycho-social, le développement de la justice restauratrice et, en tout dernier lieu, le placement dans des structures socio-éducatives ouvertes.

Cette formation fait suite au constat selon lequel "certaines juridictions recourent systématiquement à l’internement (détention, qui prive l’enfant de sa liberté) au lieu de privilégier les mesures non privatives de liberté et la médiation", regrette le juge Charly Bepaly, du tribunal pour enfants de Kikwit et facilitateur de l’atelier.
Selon l’article 6 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une préoccupation primordiale dans toutes les décisions et mesures à prendre. Il s’agit, en fait, du souci qui doit animer le juge de sauvegarder et privilégier, à tout prix, les droits de l’enfant.
L’article 10 de la même loi stipule que : " l’arrestation, la détention ou l’internement d’un enfant ne peuvent être décidés qu’en conformité avec la loi, comme mesure ultime et pour une durée aussi brève que possible ". C’est dans ce cadre que l’article 106 de la loi précitée donne la possibilité au juge pour enfants de prendre des mesures provisoires avant de statuer sur le fond.
Pour Copernic Nzanzu, chargé de projet à l’ONG RCN-Justice et Démocratie, le juge peut privilégier "le placement de l’enfant sous l’autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde ; de l’assignation à résidence de l’enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde ; de la soustraction de l’enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social".
Pour les participants, mettre l’enfant en détention viole encore plus ses droits car les établissements de garde et d’éducation de l’enfant (EGEE) sont soit inexistants soit mal équipés. " Les conditions de détention sont précaires : pas d’accès aux soins médicaux appropriés, pas de repas équilibrés et en trop petite quantité et quelque fois absent, pas d’hygiène, non-respect des standards minimum et des principes de base de la dignité humaine, les cellules d’hébergement sont surpeuplées. Par ailleurs, les enfants plus violents ne sont toujours pas séparés des moins violents dans cet établissement", relèvent-ils.
Ainsi, recommandent-ils à l’Etat de construire et d’équiper les EGEE pour le bien de l’enfant en conflit avec la loi, car l’objectif final est de le réinsérer dans la famille pour qu’il soit utile à sa société.
A côté de ces mesures provisoires, la loi prévoit la possibilité de recourir à la médiation. Celle-ci constitue un mécanisme qui vise à trouver un compromis entre l’enfant en conflit avec la loi ou son représentant légal, et la victime ou son représentant légal ou ses ayants droit sous réserve de l’opinion de l’enfant intéressé dûment entendu.
La médiation a comme avantage d’épargner l’enfant en conflit avec la loi des inconvénients d’une procédure judiciaire (privation de liberté…), de mettre fin au trouble résultant du manquement et de contribuer à la réinsertion de l’enfant en conflit avec la loi. Malheureusement, les juges recourent rarement à la médiation, pourtant salutaire pour l’intérêt de l’enfant en conflit avec la loi.
Les participants ont eu des notions sur la loi portant protection de l’enfant en RDC, les dispositions pertinentes de la Convention internationale des droits de l’enfant, des normes et standards internationaux en matière de justice des mineurs, des observations et travaux du Comité des droits de l’enfant, de la Charte africaine des droits et du bien-être des enfants et des " directives relatives à une action en faveur des enfants dans le système judiciaire en Afrique " élaborées dans le cadre de la Conférence de Kampala sur la justice des mineurs en Afrique (2011) et des techniques de médiation.
L’auditoire pour cet atelier d’échange sur le respect des normes et principes légaux en matière de la justice pour enfants de Goma, était composé des juges pour enfants (de Goma, Bukavu, Masisi, Rutshuru), des officiers de police judicaires, des magistrats officiers, des membres du Comité de Médiation. Pas seulement.
On a noté aussi la présence des représentants des Divisions des Affaires Sociales, du Genre, Famille et Enfant, de la Justice, de l’intérieur, les assistants sociaux, les éducateurs sociaux, les avocats, les ongs internationales et nationales.
Un plan d’action général de suivi de la justice pour mineurs a été élaboré. War Child UK et le " Programme d’appui au renforcement de la Justice à l’Est de la RDC (PARJ-Est) " Uhaki Safi " exécuté par RCN-Justice et Démocratie, tous financés par l’Union européenne, ont joué à la synergie pour cette activité. Didier KEBONGO