Les nouvelles provinces paralysées

Mercredi 26 août 2015 - 11:25

On s’y attendait ! La mise en œuvre, presqu’en mode urgence, du processus de démembrement des provinces a pris tout le monde de court. Si bien que même le gouvernement, son principal instigateur, s’en trouve aujourd’hui dépassé. Pour l’instant, il se bat comme diable dans un bénitier pour sauver, ne serait-ce que les apparences. Ce qui passerait par une nouvelle violation de la Constitution, à sa voir la nomination des gouverneurs. En attendant, les choses se gâtent dans les provinces démembrées où l’on n’est pas loin d’une paralysie totale des activités.

Le renvoi sine die de l’élection des gouverneurs de nouvelles provinces a créé une onde de choc qui a désorienté toutes les projections du gouvernement. Pour avoir été prise à pied levé, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) s’est trouvée dans l’incapacité de remplir sa mission. Sans moyens de sa politique, elle n’a eu d’autre choix que d’annoncer le report de ces scrutins qui ne figurent pas, d’ailleurs, dans sa feuille de route rendue publique le 12 féyrier20l5.

Du COUP, la mise en place de nouvelles provinces devient une gageure. En principe, les 21 nouvelles provinces sont consécutives au démembrement à la hâte de six (6) sur les 11 anciennes provinces que comptait la RDC. Au bout du processus, il est attendu, comme prévu dans la Constitution, de passer à 26 provinces.

Dans sa précipitation à lancer à tout prix le processus de découpage territorial, le gouvernement semble avoir minimisé toutes les conséquences qui pouvaient en découler. Le premier couac est apparu avec la mise en place des exécutifs provinciaux dans les 21 provinces nouvellement créées. Sourd à toute suggestion, l’exécutif national a même tenté de “prendre à contrepied la Ceni. Le tollé qui s’en est suivi l’a vite ramené sur terre, l’obligeant à reconnaître à la Ceni toutes les prérogatives d’organiser les scrutins.

Prise de court, la Ceni a accepté de jouer le jeu. Elle a annoncé une première date des scrutins le 31 août 2015. Elle s’est ressaisie en opérant un premier report pour le 6 octobre 2015. Tout récemment, la Ceni venait de se rétracter en renvoyant à une date ultérieure l’élection des gouverneurs. Depuis cette annonce, l’impasse est tel le qu’une paralysie totale guette les provinces issues du démembrement décrété manu militari par le gouvernement.

A QUI LA FAUTE?

A qui la faute’? La question est au cœur du débat dans différents cercles politiques. A dire vrai, le découpage est sur le point de chavirer. Toutes les simulations du gouvernement ont été déjouées. L’optimisme d’il y a quelques jours des autorités du ministère de l’Intérieur a fait place à une désillusion qui ne dit pas son nom. L’hécatombe est à craindre.

Dans les provinces démembrées, l’heure est à la démobilisation, notamment au niveau de principaux services publics. A Kinshasa, des experts commis à cette tâche pour avoir mis la charrue avant le bœuf, broient du noir. Pendant ce temps, les conf1its de compétence ont fait jour entre les anciens exécutifs provinciaux et ceux - quoique provisoires - censés régenter les nouvelles provinces. Mbandaka, Kisangani, Lubumbashi, Kananga, Mbuji-Mayi, Bandundu-Ville, anciens chefs-lieux des provinces, n’ont plu d’autorité sur les territoires qui relevaient autrefois de leurs juridictions administratives.

En l’absence d’exécutifs provinciaux dans les 5 provinces issues du démembrement, le désordre a élu domicile dans tous les compartiments des structures de l’Etat. La bataille est rude entre les chefs de division de différents services du ministère de l’intérieur. Pire, les inspecteurs de la territoriale dépêchés par Kinshasa dans les 21 nouvelles provinces semblent régner en maîtres. A certains endroits, les envoyés spéciaux de Kinshasa se substituent aux autorités provinciales, créant ainsi un imbroglio indescriptible.

Les entités territoriales sont en crise. Seul le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, principal artisan de la nouvelle architecture territoriale, devait en savoir quelque chose. C’est à lui qu’a té confié la mission de piloter le processus de découpage de bout en bout.
C’est à lui qu’incombe aujourd’hui la responsabilité de débloquer le flou artistique vécu au quotidien dans les 21 provinces démembrées.

En réalité, on est donc en face d’une territoriale à deux vitesses. D’un côté, il y a les 5 anciennes provinces qui ont maintenu le rythme. Dans ce lot figurent le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema, le Kongo Central et la ville de Kinshasa. Dans ces entités épargnées par la vague du démembrement, la vie continue sans désemparer, alors que dans les 21 autres, le dérèglement prend des allures inquiétantes, chaque jour qui passe.

Et, comme si cela ne suffisait pas; le report sine die des élections des gouverneurs et vice- gouverneurs de ces nouvelles provinces a ravivé la tension. On cherchera un jour des bouc- émissaires pour leur imputer tout le mal qu’on aura fait à la territoriale. C’est une pratique bien connue.

Mais, l’histoire retiendra que le gouvernement a mis sens dessus dessous des provinces qui se battaient, avec leurs moyens du bord- la rétrocession de 40% leur ayant été confisquée - pour se développer. Alors que la mayonnaise commençait à prendre, c’est le moment que Kinshasa a choisi pour estomper cet élan, en engageant des provinces, jadis prospères, dans un processus de démembrement aux contours flous et mal définis.

Le gouvernement s’est cabré dans sa position fermant la porte à toute proposition constructive censée huiler la machine de la décentralisation. Myope et enflé d’orgueil. il s’est jeté dans le vide sans s’assurer de la consistance de son parachute. La voie se trouve ouverte pour un forcing consistant à nommer les gouverneurs de province. Cette nouvelle violation de la Constitution en réparation sera couverte par l’implication de la Cour constitutionnelle.

Le rôle de celle-ci, soutiennent les sources, consistera à accorder un caractère légal à la résolution que le Dialogue pourrait formuler à ce sujet.
Aujourd’hui, le processus de découpage territorial est en perte de vitesse la catastrophe n’est plus loin. Toutefois, elle peut être évitée, à condition que ceux qui sont au cœur du système se ressaisissent et se repentent.

LE POTENTIEL