Il y a vingt-cinq ans, l’un des piliers de la musique congolaise moderne tirait sa révérence au royaume de Belgique où il s’était retiré pour des soins appropriés à sa longue maladie. Un quart de siècle après cette disparition, que reste-t-il encore de cette icône de la chanson dans la mémoire collective ?
Nous laissons le soin aux chercheurs et autres historiens de décortiquer l’immense œuvre artistique léguée à la postérité par L’Okanga la NdjoPeneLuamboLuanzoMakiadi tant elle constitue une très grande richesse sur tous les plans. Nous allons plutôt nous appesantir sur deux autres facettes de ce monument qui sont peu connues du commun des mortels.
Premier président à mener l’AS V.Club au sacre national
Lorsque nous effectuons un back cross dans la tumultueuse histoire de Kinshasa la capitale, particulièrement dans le domaine du sport roi qu’est le football, trois grandes formations se partagent les faveurs des Kinoises et des Kinois. Il s’agit du FC Daring (ImanaMatitimabe, DCMP), de l’AS V.Club (Vita Club, Dauphins noirs) et de l’AS Dragons (Bilima). Union (US Bilombe), Olympic (Opika), Himalaya (Ruwenzori), Vaticano (Bokatola), Nomades (Matonge), Matete, Etoile du Congo… jouent les seconds rôles.
LuamboMakiadi est un fervent supporté du team « vert et noir ». Il est tellement attaché à cette équipe qu’il parvient à briguer le poste de président de la section football. Lorsqu’il prend les rênes de V.Club, cette équipe continue de briller de mille feux au championnat local. Cependant, sa suprématie est tout le temps contestée en Coupe du Congo dont elle n’a aucun titre jusque-là.
A l’époque, V.Club bénéficie de l’apport de jeunes talents venus des divisions inférieures qui crachent le feu à volonté devant n’importe quel adversaire. Insaisissables, les Kibonge, Kembo, Mayanga, Mayaula, Mavuba, Mawa, Mungamuni, Diantela, Puatany, Luyeye, Musungu, Bokoko, Mange, Bakoyene… écrasent tout sur leur passage. C’est avec cette attaque-mitraillette que le tandem Luambo-Thiago va permettre à V.Club de décrocher son premier titre national à Kananga face à Renaissance Tshipepele en 1971.
A cheval sur le TP OK Jazz et l’As V.Club
Les Dauphins noirs vont ainsi traverser toute la ville à bord d’une escorte motorisée pour montrer enfin aux sportifs de la capitale que V. Club vient de se hisser sur la plus haute marche du podium sur l’échiquier national. Notre confrère François SikiNtetaniMbemba en donne de plus amples détails dans son livre dédié à l’AS V.Club.
Pendant plusieurs années, LuamboMakiadi va apporter sa contribution matérielle, financière et morale à cette grande formation sportive qui, deux années plus tard, se fera tresser la couronne des lauriers en Coupe d’Afrique des clubs sous la houlette du duo OpangoIbomboMalamu ma Ntongo et KimpediBavueza.
Bien que très occupé par la gestion du TP OK Jazz, Franco qui fait désormais partie des sages de l’équipe « vert et noir », sera régulièrement sollicité en toutes circonstances par les siens, ses conseils et son franc parler créant les conditions propices pour décanter beaucoup de situations alarmantes. Jusqu’au crépuscule de sa vie, LuamboMakiadi restera dans le cercle fermé de grands donateurs et sages de V.Club. Les Dauphins noirs, toutes sections confondues, lui rendront un vibrant hommage à sa mort. Le drapeau de V.Club flottera pendant toute la durée des obsèques nationales lui dédiées aux côtés de celui du parti-Etat.
Editeur responsable du journal des vedettes « Ye »
En 1977, LuamboMakiadi se lance dans le monde des médias, encouragé en cela par son ami et grand journaliste Guy Weber Mayo. A l’époque, l’univers médiatique congolais est dominé par deux grands journaux, le quotidien du matin « Salongo » et celui du soir « Elima ». L’hebdomadaire Zaïre garde le haut du pavé pendant que « Masano » se signale dans le domaine sportif.
Suivant les directives du ministre Dominique SakombiInongo, tous les organes de presse paraissant en RDC sont tenus de se conformer à la discipline du parti, le Mouvement populaire de la révolution. Ceci implique que dans toutes les publications, la photo du président-fondateur Mobutu Sese Seko figure obligatoirement en première page avec des mentions glorieuses.
Franco dont on connait pourtant les liens étroits avec le président Mobutu, va déroger à cette ligne de conduite. Pour des raisons évidentes, lui seul peut se le permettre à cette époque. Le journal des vedettes « Ye » dont il est propriétaire, ramasse à la pelle des plumes alertes ayant quitté les journaux officiels à la suite des problèmes liés beaucoup plus à la gestion des tempéraments.
Une équipe rédactionnelle de rêve
En peu de temps, la rédaction du journal « Ye » est étoffée par Malambu ma Kizola, SikiNtetaniMbemba, NtelaNkanga, DjamaOkito, OïssaFumu’UkaniIyolela, MayambaMasika, Mangasa Malo, BitiniMundaySakor, NtumbaMatulu, FwassaTombisa, le caricaturiste Boyau Loyongo, etc.
Les bureaux du journal « Ye » sont situés au deuxième niveau de l’immeuble « Un-Deux-Trois » dans la commune de Kasa-Vubu. Les musiciens travaillent au rez-de-chaussée. Une bonne ambiance règne entre les chevaliers de la plume et les sociétaires du TP OK. Jazz. Le plus souvent, ils se retrouvent ensemble aux heures de midi au restaurant tenu par Papa Mabika au troisième niveau.
LuamboMakiadi veille à cette convivialité. C’est ainsi que chaque fois que l’orchestre est appelé à effectuer un déplacement en dehors de Kinshasa, quelques membres du journal « Ye » font partie intégrante de la délégation. La présence des copains, entendez par là les membres de son organe de presse aux productions du TP OK Jazz est chaque fois encouragée par « Super copain ».
Une contribution significative aux conseils de rédaction
Les conseils de rédaction réunissent tous les journalistes. LuamboMakiadi y prend part quelquefois. C’est là où Franco montre l’une de ses multiples facettes. Connaissant bien la société congolaise, il apporte sa contribution significative à travers des idées novatrices à développer dans les éditions du journal.
Pendant trois années, cet hebdomadaire qui paraît chaque jeudi, carbure à plein régime bouleversant les réputations les mieux assises sur le marché. Aucun sujet tabou. Tout y passe. L’accent est davantage mis sur les problèmes de société, le vécu quotidien des Congolais, les vedettes dans tous les domaines d’activités, etc.
Le décès inopiné de la première dame Maman Marie Antoinette Mobutu en Suisse offre l’opportunité au journal « Ye » d’y consacrer ses colonnes en page 2. C’est l’unique fois où la photo du président-fondateur est publiée dans ce journal. Sans subsides, le journal est confronté à la dure réalité du marché. Ses diffusions deviennent sporadiques, jusqu’à disparaître progressivement des kiosques.
Avec la création de Visa’80, beaucoup de collaborateurs sont envoyés en Europe. Pendant que LuamboMakiadi se concentre sur la promotion de jeunes ensembles musicaux sur le vieux continent, l’idée lui traverse l’esprit de relancer le journal « Ye » au départ de l’Europe. Mais ses efforts sont battus en brèche avec l’état de santé précaire du directeur de publication. Le journal « Ye » ne renaîtra plus de ses cendres jusqu’à la mort de son géniteur LuamboMakiadi.
Jean NTELA NKANGA