Lutte contre l’insécurité alimentaire : la RDC défend l’agriculture bio

Mardi 7 juillet 2015 - 12:19

La vague des Organismes génétiquement modifiés (OGM) a, depuis la décennie ‘90, déferlé sur quelques pays africains, qui se sont lancés dans l’expérimentation tête baissée. Kinshasa appris à se méfier des nouveautés scientifiques non encore maîtrisées. Retour sur un système de production qui allie modernité et tradition sans perdre de vue l’objectif d’augmenter les rendements, d’améliorer la qualité des produits tout en diminuant le coût des investissements en utilisant une abondante main d’œuvre locale.

L’agriculture est la base de l’économie du pays. Sur ce point, tous les chercheurs sont formels, y compris la Banque mondiale et d’autres partenaires. Sa part dans le revenu national a atteint jusqu’à 50% dans les années 1990, en partie à cause de l’effondrement des autres secteurs de l’économie, en particulier le secteur minier. Ce tableau, pour idyllique qu’il soit, ne donne pas à penser que les années fastes de l’agriculture l’ont été par un quelconque apport des OGM.

Les techniques agricoles en vigueur, avant et après l’indépendance, se limitent l’emploi de la force et du génie des paysans. Auquel s’associe le recours aux semences et boutures des variétés améliorées diffusées en milieux paysans par les soins des projets de développement approvisionnés par l‘Institut national de recherche agronomique (INERA) et d’autres structures de recherche appliquée. En dépit des statistiques annuelles en berne, mises en lumière par le déclin de la production végétale et animale ainsi que des rendements piscicoles, le pays n’a pas encore succombé aux sirènes des avocats des OGM.

NOUS NE SOMMES PAS DE COBAYES

Le médecin vétérinaire Hubert Ah Ramazani, secrétaire général à l’Agriculture, à la Pêche et à l’Élevage, confirme que «jusqu’à nouvel ordre, la RDC dit non aux OGM ». Il justifie ainsi le point de vue du gouvernement « Aucun chercheur n est capable, pour le moment, de dire ou prévoir ce que les cultures OGM réservent à ceux qui les consomment. Dans un an ou dix, quels seront leurs effets sur l’organisme humain : Difficile de répondre, même pour ceux qui les produisent ». C’est ainsi que, par précaution, la RDC se garde d’exposer sa population à des expérimentations douteuses. « Nous ne sommes pas de cobayes de laboratoire », lance-t-il.

Et quand on fait remarquer au secrétaire général que l’interdiction de la culture, notamment du maïs ou du riz OGM, n’empêche pas l’importation de viandes potentiellement non exemptes des manipulations génétiques, sa réaction est immédiate : « Les importateurs de viandes et de volailles rendent les consommateurs victimes indirectes ou inconscientes des effets insoupçonnés, du fait que ces derniers ne connaissent ni la nocivité du produit, ni son innocuité ».

Reconnaissant, toutefois, la chute des productions, tant végétales qu’animales, ainsi que l’urgence à combler le gap en diffusant des variétés de cultures et espèces animales améliorées, susceptibles de favoriser les rendements, Ali Ramazani admet que « dans le cadre scientifique, les chercheurs du pays peuvent travailler sur les OGM ». Et il pose des conditions « Le chercheur doit demander et obtenir des autorisations préalables du ministère de l‘Agriculture ; accepter de mener ses travaux sous la surveillance du ministère; s‘astreindre à fournir des rapports à chaque étape de ses recherches ».

LE POTENTIEL AGRICOLE LARGEMENT SOUS-UTILISE

On le voit, la politique du gouvernement relative à la recherche sur les OGM s’annonce très encadrée. Comment, dans ces conditions, augmenter les rendements en comptant sur des variétés de cultures et des espèces animales dont le pouvoir de germination ou de reproduction a déjà décliné?

« La recherche appliquée fournit des semences et boutures améliorées, des poussins, porcelets et génisses de race. Tout ce matériel, que les paysans et éleveurs utilisent depuis toujours, possède un potentiel à même d‘améliorer les statistiques nationales de production. Certes, la recherche est à la traîne, comme dans d‘autres secteurs, en raison des coupes budgétaires. Nous souhaiterions, cependant, que les autorités ne se contentent pas de voter et de promulguer le budget, mais qu‘elles suivent aussi son exécution, en particulier dans le volet agricole».

Le potentiel agricole de la RDC est colossal mais pour l’instant largement sous-utilisé, lit-on dans « Agriculture, pierre angulaire de la RDC » de Jean-Paul Chausse, Thomas Kembola et Robert Ngonde, paru en 2012. Le pays possède, en effet, 80 millions d’hectares de terres arables, dont seuls 9 à 10 % sont actuellement cultivés. La grande diversité agro-climatique, l‘abondance et la régularité des pluies, et la présence d’eaux de surface en grande quantité permettent une production très diversifiée. La cuvette du Congo offre des conditions climatiques favorables à la culture du palmier à huile, de l’hévéa, du café, du cacao, de la banane et du manioc, tandis que les zones de savanes sont favorables à la culture du coton, des céréales, des légumineuses à graines et à l’élevage, alors que les zones montagneuses, avec un climat relativement tempéré, se prêtent à des cultures d’altitude comme le café, le thé, la pomme de terre, en plus de l’élevage. Le vaste réseau hydrographique, qui représente près de 50% des réserves d’eau douce du continent africain, permettrait le développement de l’irrigation sur près de quatre millions d’hectares potentiellement irrigables alors que les cultures irriguées restent actuellement très limitées et confinées à la production industrielle de la canne à sucre et, dans une moindre mesure, à la culture du riz.

Les vastes étendues disponibles pour le pâturage permettraient d’élever plus de 40 millions de têtes de bétail, alors que le troupeau national n’en compte actuellement qu’environ 700 000 (contre 1,5 million en 1990). Enfin, les eaux intérieures - rivières et lacs - permettraient la production annuelle de plus de 700 000 tonnes de poisson, alors que la production annuelle est estimée à moins de 200 000 t.

Au moment de l’indépendance, le Congo était le deuxième exportateur d’huile de palme du monde, après la Malaisie, mais devant l’Indonésie. Aujourd’hui le pays en importe plus de 50 000 tonnes.
La RDC était aussi le premier producteur africain de coton avec plus de 180 000 tonnes de graines produites par 800 000 petits producteurs. La production de coton a pratiquement disparu aujourd’hui (moins de 6 000 t/an). De même, les productions d’hévéa, d’arabica, de robusta et de thé ont toutes chuté de façon spectaculaire. Cette sous utilisation des ressources naturelles du pays et, corollairement, des ressources humaines représente à la fois un immense gaspillage et un gisement d‘accroissement de la production très important, pourvu que les capacités Soient recréées pour que les producteurs – agriculteurs, éleveurs, fermiers, agro- industriels puissent répondre aux besoins du marché.

« La relance rapide d’une croissance soutenue dans le secteur agricole demande que l’action du gouvernement, et ses ressources limitées, se portent sur les régions et les filières industrielles/ d’exportation qui offrent les meilleures perspectives pour une réponse rapide à court et moyen terme », confient les experts.

La relance ne sera pas au rendez-vous si les dépenses publiques dans l’agriculture n‘augmentent pas fortement. Dans ce cas, jamais le gouvernement n’atteindrait ses objectifs de croissance économique et de réduction de la pauvreté.

Par BEN-CLET KANKONDE DAMBU/BF

 

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