Parlement : rentrée sous haute surveillance

Lundi 14 septembre 2015 - 12:11

Après une intersession mouvementée- le Sénat ayant été contraint à une session extraordinaire bis - le Parlement ouvre, demain mardi, sa session ordinaire de septembre. Essentiellement budgétaire, la politique ne manquera pas des inviter au débat. Elle va même bousculer l’ordre du jour. Pardessus tout, l’on craint que cette session ordinaire soit une occasion pour la Majorité de se régler des comptes. Car depuis un temps, cette plateforme politique traverse une zone de fortes turbulences, minées par des querelles intestines et de lutte de repositionnement. Dès lors, il faut craindre que cette session ordinaire serve de strapontin pour une action de sape contre le gouvernement et son Premier ministre, Matata Ponyo Mapon.

La session parlementaire qui s’ouvre ce mardi 15 septembre 2015 s’annonce très palpitante. Elle est de tous les enjeux voire de tous les dangers. Car au-delà de son ordre du jour, à sa- voir l’examen et l’adoption du projet de loi des finances pour l’exercice 2016, la session ordinaire de septembre promet d’être fertile en rebondissements. Pour en saisir la portée, il suffit de se reporter à la clôture, dans un flou artistique, de la dernière session parlementaire de juin dernier.

UNE INTERSESSION MOUVEMENTÉE

L’on se rappelle que, faute d’avoir épuisé le point relatif à l’examen du projet de loi portant répartition des sièges aux élections municipales et locales, les deux Chambres du Parlement se sont retrouvées en session extraordinaire. Là aussi, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Adopté à l’Assemblée nationale, puis rejeté au Sénat, le projet de loi sur la répartition des sièges aux élections municipales et locales a fait l’objet d’une deuxième session extraordinaire au niveau de la Chambre haute du Parlement. C’est en mode d’urgence que le Sénat a finalement adopté, dans des conditions tout aussi particulières, le projet susmentionné.

Depuis lors, entre les deux Chambres du Parlement, les frictions sont bien visibles. Mais, comme deux sœurs siamoises, les deux Chambres sont dans l’obligation de cohabiter. Ce n’est pas pour autant que leurs divergences sont totalement dissipées. Le dossier portant élections des gouverneurs a été un autre fait marquant de cette intersession du Parlement. Pour la première fois de son histoire, la Cour constitutionnelle a dû s’interposer pour départager, notamment la Ceni et le gouvernement. Dans la classe politique, l’arrêt de la Cour constitutionnelle a été retourné dans tous les sens. Certains en ont dénoncé la partialité. D’autres, particulièrement au sein de la Majorité, l’ont trouvé « équilibré et réaliste ». Pour la Cour, c’était sn baptême de feu.

Tous ces faits vont avoir de l’incidence sur la prochaine session parlementaire. La loi sur la répartition des sièges aux municipales - du reste promulguée par le chef de l’Etat - et l’arrêt de la Cour constitutionnelle, qui pose une conditionnalité dans la poursuite du processus électoral, vont certainement s’inviter au débat au cours de cette session parlementaire.

Le Gouvernement dans le viseur

Quoiqu’il en soit, l’on s’attend à d’autres surprises au cours de cette session. Il faut craindre que la session parlementaire de septembre ne serve d’occasion de se livrer à une chasse à l’homme. Ce qui risque d’aboutir à un règlement des comptes, commente-t-on dans différents cercles politiques. En effet, tous les ingrédients sont réunis pour y arriver. Au Parlement se met en place un cocktail molotov qui peut exploser à tout moment. Dans tous les sens, bien sûr.

Comme toujours, toutes les critiques convergent vers le gouvernement Dans la classe politique, particulièrement ceux qui ne cachent pas leur hostilité envers le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, la session ordinaire de septembre se présente comme une occasion de passer à l’action.

L’on sait dans quelles conditions s’est clôturé en juin dernier l’épilogue autour de la motion de défiance lancée contre le ministre des Transports et Voies de communication. C’est de justesse que ce dernier a pu se soustraire des griffes de l’Assemblée nationale. A la Chambre basse du Parlement, l’on ne s’est jamais avoué vaincu. A la clôture de la session extraordinaire de juillet 2015, son président avait promis de mener la procédure jusqu’au bout, promettant d’user de toutes les voies de fait pour se payer la tête du ministre des Transports. Sa tête ayant été mise à prix, tout le dispositif d’attaque pourrait être redéployé au cours de cette session de septembre. Dans le deal qui se négocie à l’Assemblée nationale, le ministre des Transport n’est qu’un paravent, un raccourci qui mène, en principe, au Premier ministre Matata. En réalité, c’est le Premier ministre qui est dans le viseur. A défaut de le viser directement, on a pris le soin de fragiliser d’abord son gouvernement en s’attaquant à l’un des ministres les plus en vue.

Pris sous cet angle, le ministre des Transports et Voies de communication passe pour une cible idéale. Projeté au-devant de l’actualité dans les projets Transco, « Esprit de vie » et Congo Airways, le ministre des Transports est au centre d’une manœuvre politico-politicienne au cœur même de la Majorité présidentielle. L’anéantir, c’est autrement dit, fragiliser Matata sur les principales lignes de front de son action à la tête de l’exécutif.

En même temps, dans les couloirs du Palais du peuple, des sources rapportent qu’une motion de défiance contre le Premier ministre circule sous le manteau. Il émanerait de l’Opposition qui, une fois de plus, s’est liguée momentanément avec les caciques de la Majorité autour d’une, même cause: Matata.

La question électorale

La session ordinaire de septembre se penchera essentiellement sur l’examen du projet de budget 2016. D’ailleurs, c’est à ce niveau que sera clairement connue l’option du gouvernement quant à sa volonté de tenir les scrutins.

Sans équivoque, la question des élections, notamment l’option clairement levée par la Cour constitutionnelle de revoir le calendrier électoral global, sera remise sur la table des discussions. Pas évident que le Parlement fasse une incursion sur la question du dialogue politique - le sujet relevant entièrement du leadership du chef de l’Etat.

Dans tous les cas, les détracteurs du gouvernement - ceux qui cherchent depuis toujours à faire descendre le Premier ministre de son piédestal - n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ils sont à l’affût, prêt à s’engouffrer dans la brèche en vue de déclencher une action parlementaire’ contre Matata et son équipe.

Au Parlement, le risque est grand. En se prêtant à un jeu politique qui ne cadre pas avec sa mission, le Parlement risque de perdre ce qu’il a de plus précieux : sa crédibilité. « Temple de la démocratie » par excellence, l’Assemblée nationale est liée à des vertus qu’elle est censée protéger et défendre pour son rayonnement. S’en départir, c’est remettre en cause tous les acquis d’un travail parlementaire qui tient depuis 2006.

Dans l’actuelle architecture institutionnelle de la République, s’attaquer à Matata c’est viser, entre autres, le chef de l’Etat, unique détenteur de la vision sur base de laquelle le Premier ministre a fondé toute son action. La Majorité acceptera-t-elle de se faire hara-kiri en donnant à l’Opposition des arguments pour l’affaiblir? Le Parlement ferait mieux de retourner sa langue sept fois avant de se lancer dans une attaque en règle contre le gouvernement, émanation directe de la Majorité.

LE POTENTIEL