15.851 cas détectés dont 198 décès depuis le mois de janvier 2015, tel est le bilan des personnes décimées par l’épidémie de rougeole qui vient de ressurgir en RDC, et dont on dit qu’elle frappe actuellement six provinces. Au moment où la peur panique s’empare de la population congolaise qui ne sait pas à quel saint se vouer, les autorités sanitaires viennent de sortir de leur silence, pour donner le tableau de la propagation de cette épidémie, et rassurer sur les mesures prises concernant la prise en charge des malades, l’assainissement et la désinfection de certains villages touchés par le virus.
Pour bien d’observateurs, le fait qu’après Ebola, notre pays soit frappé cette fois-ci par une autre épidémie, montre que la RDC est exposée à l’invasion des maladies et autres épidémies, demeure et fragile dans le secteur de la santé. Quand bien même des progrès notables ont été réalisés sur le plan de la réhabilitation et la construction des infrastructures, beaucoup reste à faire.
D’ailleurs, le fait que des épidémies jadis éradiquées telles que la variole, la maladie du sommeil, la poliomyélite, la lèpre et autres refassent aujourd’hui surface sur le territoire de la RDC, pose l’épineuse équation de nombreux problèmes de santé publique.
Autres temps, autres méthodes de prévention
Car, contrairement à ce que nous voyons aujourd’hui, à l’époque coloniale, le secteur de la santé s’appuyait solidement sur ses deux piliers principaux, notamment la prévention et le traitement des maladies.
Sur le plan de la prévention, des équipes d’assistants sanitaires et d’«agents des services d’hygiène», sillonnaient les quartiers, pour mener des campagnes de désherbage, désinsectisation et de dératisation. Lors des visites régulières des parcelles, non seulement ils traquaient les nids de moustiques, mais aussi ils insistaient pour l’évacuation régulière des poubelles. Le week-end, des hélicoptères et autres avions effectuaient des vols en rase-mottes pour l’épandage d’insecticide, alors que ronronnaient sur toutes les ruelles, des camionnettes avec des équipements insecticides fumigènes.
Dans les caniveaux et les abords des ruisseaux, ces mêmes agents des services d’hygiène déversaient quelques litres de gas oil qui empêchaient la prolifération des moustiques et d’autres bestioles.
Dans les écoles primaires, des équipes d’infirmiers chapeautés par des médecins soumettaient tous les élèves à un contrôle médical. Ceux qui accusaient des infections ou autres maladies, étaient orientés vers des centres hospitaliers où ils devaient suivre des soins médicaux appropriés.
Mais depuis des décennies, il y a relâchement dans de nombreux services du secteur de la santé, caractérisé par la baisse drastique des moyens. D’ailleurs, le budget alloué à la santé à la baisse, ne permet plus à ce secteur non seulement de poursuivre son programme d’investissements pour la construction de nouvelles infrastructures, mais de réhabiliter les dispensaires, les centres médicaux et les établissements hospitaliers.
Pire, dépourvu des moyens, le ministère de Santé n’est plus en mesure d’assurer la fourniture régulier des produits pharmaceutiques, des intrants pour les services de radiologie et de l’imagerie médicale. Après bien d’années, le matériel vétuste continue à servir, alors que tombent en panne, les équipements de réanimation et les groupes électrogènes de secours.
Si à Kinshasa, le secteur de la santé fait figure de parent pauvre, à l’intérieur du pays, on se demande comment les assistants sanitaires dépourvus de moyens de locomotion, pourraient effectuer des missions de contrôle. Les équipes d’hygiène également paralysées par l’assèchement de financement, restreignent leur ressort opérationnel, abandonnant à leur triste sort des pans entiers de la population implantée dans des zones enclavées.
Aujourd’hui, il n’ y a pas de système de surveillance efficace grâce au niveau des frontières pouvant détecter l’invasion des maladies venant des pays frontaliers. Le programme national d’hygiène aux frontières manque cruellement d’agents formés et équipés, mais aussi des véhicules pour l’évacuation rapide des personnes porteuses des maladies contagieuses détectées à nos frontières.
Cette situation alarmante requiert la révision à la hausse du budget alloué au secteur de la santé, comme l’a recommandé la dernière réunion des ministres de la Santé de l’Union africaine, et compte tenu aussi de l’immensité de notre territoire, de l’explosion démographique et des mouvements de populations, mais également des problèmes de santé publique qui se posent dans chaque territoire et qui sont longtemps demeurés sans solution.
Il est grand temps d’inscrire la réorganisation du secteur de la santé dans l’agenda des priorités du gouvernement central et des exécutifs provinciaux. L’heure est grave !
J.R.T.