Présidentielle dans le délai constitutionnel - Washington et Paris accentuent la pression

Vendredi 13 mai 2016 - 10:51
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L’arrêt rendu, le mercredi 11 mai 2016, par la Cour constitutionnelle autorisant le chef de l’Etat à exercer les fonctions de président de la République au-delà du délai constitutionnel, n’a pas ébranlé la détermination des gouvernements américain et français. Si Washington appelle à prendre la bonne décision dans la tenue d’élections, Paris, plus tranchant, note que « la priorité doit aller à la préparation active et de bonne foi des élections, seule source de légitimité populaire ». La pression s’accentue.

 

Le Potentiel

 

         « Victoire ! », a crié mercredi la Majorité présidentielle (MP) après que la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt qui permet à son autorité morale de contourner momentanément le verrou de l’article 220 de la Constitution. Pour l’essentiel, la MP croit avoir obtenu par sa requête en interprétation de l’article 70 de la Constitution, la pérennité au pouvoir de Joseph Kabila. Subtilement, la haute Cour a donné à ce dernier des assurances d’exercer ses fonctions présidentielles au-delà du délai que lui impose la Constitution.  

 

« Bravo ! », a rétorqué avec un sourire en coin, quelques leaders de l’Opposition qui n’entendent pas baisser les bras quant à la bataille pour la tenue d’élections dans les délais prévus par la Constitution. L’Opposition continue à croire que la guerre pour le triomphe de la démocratie devrait se poursuivre jusqu’à la victoire finale, mais alors la vraie, celle qui s’obtient par la voie des urnes. « Le peuple congolais attend de se choisir ses dirigeants pour la prochaine législature », a déclaré sous le sceau de l’anonymat un leader de l’Opposition en soulignant que le dernier mot revient toujours au souverain primaire.

 

Dans son arrêt rendu le mercredi 11 mai 2016, la Cour constitutionnelle, statuant sur la requête des députés nationaux de la MP, a estimé que pour assurer la continuité de l’Etat, le président Kabila reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu. Alors que la Majorité jubile, l’Opposition promet d’organiser la résistance pour éviter ce qu’elle qualifie déjà d’un « coup d’Etat » constitutionnel. Bref, la classe politique congolaise est en ébullition. D’autant que, complice de la MP, la Céni (Commission électorale nationale indépendante) prend tout son temps et s’arrange pour ne pas convoquer le corps électoral 90 jours avant la fin de mandat de l’actuel président de la République.

 

 Paris tonne…

 

Au moment où la justice s’acharne à Lubumbashi sur Moïse Katumbi Chapwe, l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’a pas laissé indifférentes certaines capitales occidentales.

 

Dans un langage diplomatique à l’accent sibyllin, Paris a invité, hier jeudi, Kinshasa à faire preuve de « bonne foi » pour la tenue des élections dans les délais constitutionnels. « La priorité doit aller à la préparation active et de bonne foi des élections, seule source de légitimité populaire », a dit Romain Nadal, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, dans un communiqué diffusé depuis le Quai d’Orsay à Paris.

 

 Ce dernier note qu’ « il appartient aux autorités congolaises d'assumer leurs responsabilités à cet égard », exprimant de vives inquiétudes sur « la dégradation de l'environnement politique et sécuritaire » en RDC.

 

En réalité, Paris a fait d’une pierre deux coups. Il réagit à la fois à l’arrêt du 11 mai 2016 de la Cour constitutionnelle qui consacre le glissement, mais aussi à l’audition tumultueuse à Lubumbashi de l’opposant Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle 2016.

 

En lisant entre les lignes, l’on se rend bien compte que Paris ne s’inscrit pas dans la démarche de Kinshasa. D’où, son invitation aux autorités congolaises à faire montre de « bonne foi » en laissant évoluer en toute sérénité le processus électoral.

 

…Washington presse Kabila

 

Venant à la suite de Paris, Washington n’est pas non plus allé par le dos de la cuillère. Dans une déclaration relayée sur le site IB Times, qui cite l’ambassadeur des Etats-Unis en RDC, Washington serait prêt à envisager des sanctions au cas où le président Kabila se maintiendrait au pouvoir au-delà des limites constitutionnelles, autrement dit après 2016. Le diplomate américain a réitéré la position des Etats-Unis, maintes fois répercutée par des officiels américains chaque fois qu’ils ont l’occasion de rencontrer le président Kabila.

 

Il est revenu, à ce propos, sur l’entretien que le président Kabila venait d’avoir à New York avec le secrétaire d’Etat américain, John Kerry. A cette occasion, le chef de la diplomatie américaine, qui avait à ses côtés Thomas Perriello, envoyé spécial des Etats-Unis dans les Grands Lacs, est revenu sur la position de l’administration américaine, laquelle n’a pas changé d’un seul iota. Il s’agit de la tenue impérative des élections, essentiellement présidentielle, dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire pas au-delà de 2016.

 

« Nous espérons toujours que nous pouvons obtenir du gouvernement de la RDC et du président Kabila à prendre la bonne décision. La Constitution de la RDC est très claire que le mandat du président se termine en décembre, et ils doivent organiser les élections. Nous avons transmis cela au président Kabila. Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos partenaires internationaux pour assurer que nous sommes en phase sur la question des sanctions », a dit en substance le diplomate américain, toujours cité par IB Times. Pour les Etats-Unis, la RDC est « à un carrefour historique ».

 

Pour Paris et Washington, l’arrêt de la Cour constitutionnelle est un non-événement qui ne peut nullement obstruer la voie qui mène à la tenue de la présidentielle dans le délai constitutionnel.  Les couleurs sont annoncées !

 

 

 

 

Communiqué du ministère français des Affaires étrangères sur la RDC

La France est préoccupée par la dégradation de l’environnement politique et sécuritaire en République démocratique du Congo.

 

La priorité doit aller à la préparation active et de bonne foi des élections, seule source de légitimité populaire. Il appartient aux autorités congolaises d’assumer leurs responsabilités à cet égard.

 

La France appelle également au respect de l’État de droit afin qu’un débat serein s’engage dans la perspective des élections.

 

La recrudescence des exactions au Nord-est du pays, que la France condamne avec la plus grande fermeté, doit inciter les forces de sécurité du pays, avec le soutien de la mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, à concentrer leurs efforts sur la protection des populations civiles, notamment les plus vulnérables.

 

Paris, le 12 mai 2016

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