Problématique du processus électoral en RDC : point de vue technique d’un expert

Lundi 5 octobre 2015 - 12:41

Cette réflexion émane d’un spécialiste en matière électorale depuis 1990, l’année correspondant à l’annonce officielle de l’ouverture démocratique en RDC. Témoin et observateur avisé des élections intervenues en 2006 et en 2011.Ces deux moments ont été émaillés des violences ayant entrainé morts et dégâts matériels.

Ne souhaitant pas revivre les mêmes séquences douloureuses , le Président de la LINELIT et Coordonateur de l’AETA Jérôme Bonso recommande l’émergence d’un consensus électoral large et solide. Pour lui, le dialogue politique devient impératif et incontournable d’ici décembre en vue de dégager un consensus électoral et un compromis politique.

Il a préconisé cette solution après un état des lieux non complaisant sur le processus électoral, au bord de la dérive avec un fichier électoral inadapté .

Triste réalité rendant la tâche difficile à l’enrôlement des nouveaux majeurs et de la diaspora, encore que des lois concernant ces catégories doivent être adoptées.33 mois sont indispensables pour résoudre ces épineux problèmes en vue de la tenue des élections dans un climat apaisé. C’est son point de vue exprimé ci-après.

1.Description de la problématique
2. Défis et enjeux du processus électoral
3. Issues de sortie
4. Problématique du fichier électoral
5.Problématique de l’enrôlement des nouveaux majeurs et de la diaspora
6. Enrôlement des congolais de la diaspora (8 mois)
7. Préparation du projet de loi (3 mois)
8. Notre apport : construction d’un nouveau fichier électoral (22 mois)
9. Agitations politiques actuelles
10. Conséquence
11. Solution
12. Conclusion
1.Description de la problématique
Ø Cycle électoral 2011-2016 en dysfonctionnement : contradictions internes sur le plan juridique (instruments techniques et réglementaires en matière électorale énervant la constitution : cas de la feuille de route avec les arriérés électoraux, du calendrier partiel, de la loi électorale, et budget inadéquat n’ayant pas permis au processus électoral de se mettre entièrement en place : existence de la volonté politique mais sans moyens techniques, logistiques et financiers ;
Ø Vision non partagée entre différentes parties prenantes sur la nature, le rôle et les enjeux des élections dans le contexte particulier de la R.D.C ;
Ø Flottement de la pyramide opérationnelle des échéances électorale en RDC qui consacre l’évolution du processus en dents de scie
Ø Elections de 2006 : violences électorales, il y a eu des morts et des dégâts matériels ;
Ø Elections de 2011 : Idem
Ø Elections de 2016 : ?
v Contexte causal (2011-2014)
a. Trois (3) ans de guerre et autres problèmes préoccupant l’action gouvernementale
Ø Aspiration de moyens financiers destinés aux priorités gouvernementales, dont l’organisation des élections
Ø Non exécution de la quasi totalité du programme quinquennal du gouvernement
Ø Dysfonctionnement/conflit institutionnel, prolongement des mandats du sénat, des Assemblées provinciales, et des gouverneurs des provinces au mépris des prescrits de la constitution.
Ø Climat politique fait des agitations et conflits larvés et/ou ouverts entre institutions et acteurs.
Ø Population exposée à l’instrumentalisation et à l’explosion.
b. Environnement de travail de l’Organe de Gestion des Elections (OGE) caractérisé par divers types de pressions notamment :
Ø Pression d’ordre juridique tel que le respect du délai constitutionnel, différents textes légaux liés à l’organisation des élections pris de manière souvent inopportune.
Ø Pression d’ordre politique notamment des intérêts et motivations divergents des parties prenantes en rapport avec le processus électoral.
Ø La CENI des composantes comme pesanteur dans la marche du processus électoral qui a consacré le panier à crabe comme logique de travail primat des intérêts des composantes sur ceux de la nation.

2. ENJEUX ET DEFIS
2.1. Consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit :
Ø Renforcement de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue de la République ;
Ø Stabilité des institutions ;
Ø Consolidation de la paix et sécurité ;
Ø Renforcement de la gouvernance participative ;
Ø Promotion du développement intégral du peuple et du bien être citoyen. Appropriation par l’éducation civique et électorale ;
Ø Gestion conséquente et responsable de la pression du délai constitutionnel ;
Ø Restitution du caractère véritablement citoyen à la CENI
3. ISSUES DE SORTIE
Ø Recours aux résolutions du Dialogue Inter Congolais de Sun City qui déterminent la pyramide suivante : les locales, municipales, urbaines, provinciales sénatoriales, législatives et la présidentielle.
Ø Disponibilisation et respect rigoureux des textes de lois liés aux élections ;
Ø Tenue effective du dialogue politique appelé à lever les grandes options politiques et autres dans le cadre d’un large et solide compromis politique ;
Ø Promotion de l’appropriation du processus électoral par les forces vives ;
Ø Promotion d’un consensus responsable des parties prenantes sur la question du délai constitutionnel au regard du contexte de la RDC ;
Ø Retour à l’idée d’un OGE entièrement constitué des experts de la société civile conformément à l’entendement premier des résolutions du Dialogue Inter Congolais de Sun City concernant les IAD (Institut d’Appui à la Démocratie)
4. PROBLEMATIQUE DU FICHIER ELECTORAL
Avec quel fichier électoral allons-nous faire les élections ?
L’actuel fichier électoral est qualifié de :
1) Fichier inadapté1 ;
2) Fichier dont la vétusté du matériel d’enrôlement dans un nombre important des centres d’inscription disséminés sur le territoire national a entraîné une perte de données au cours de la collecte du transfert et de la consolidation2 ;
3) Fichier corrompu.3
5. PROBLEMATIQUE DE L’ENROLEMENT DES NOUVEAUX MAJEURS ET DE LA DISPORA
Dans quel fichier électoral allons-nous intégrer les nouveaux majeurs et la diaspora ?
Dans le fichier électoral inadapté, ne contenant pas toutes les données démographiques ou dans un fichier électoral qualifié de corrompu ? Les listes électorales qui sortiraient de ce genre de fichier électoral ne seraient pas fiables.
6. ENROLEMENT DES CONGOLAIS DE LA DISPORA (8 mois)
a) Zone USA : 2 mois
b) Zone EUROPE : 2 mois
c) Zone AFRIQUE : 3 mois
d) Zone ASIE : 1 mois
7. PREPARATION DU PROJET DE LOI (3 mois)
Ø Préparation du projet de loi sur la nationalité congolaise et enrôlement des électeurs (1 mois) ;
Ø Examen et adoption du projet de loi sur la nationalité et enrôlement des électeurs (1 mois) ;
Ø Promulgation de ladite loi portant sur la nationalité congolaise et l’enrôlement des électeurs (1 mois)
8. NOTRE APPORT
1. Construction d’un nouveau fichier électoral (22 mois)
Ø Appel d’offre (2 mois) ;
Ø Commande du Kit (2 mois) ;
Ø Acquisition et entreposage (1 mois) ;
Ø Déploiement (2 mois) ;
Ø Formation des agents (1 mois) ;
Ø Pré-test des matériels (15 jours);
Ø Enrôlement des électeurs (stratégie de progression) 6 mois ;
Ø Analyse de données (nettoyage) 2 mois ;
Ø Audit externe du fichier électoral (4 mois) ;
Ø Actualisation de la cartographie des opérations électorales (1 mois)
9. AGITATIONS POLITIQUES ACTUELLES
Le décor qui se plante :
Ø Processus électoral congolais dans l’impasse totale;
Ø Calendrier électoral global flottant et irréaliste ;
Ø Zones des turbulences des grandes familles politiques :
1. PALU4 : suspension de M. Adolphe MUZITO ;
2. UDPS5 : Fronde contre Etienne TSHISEKEDI ;
3. M.P6. : Naissance du G77 ;
4. Démission en cascade au Gouvernement et au Parlement.
5. PPRD8 : Démission de Moïse KATUMBI, ex-gouverneur du Katanga ;
6. Arrêt de la Cour constitutionnelle sur le processus électoral ;
7. Projet des nominations des Commissaires spéciaux pour les 21 provinces de la RDC précédé par le découpage en 26 provinces ;
8. Projet de loi sur le référendum.
10. CONSEQUENCE
Le processus électoral se trouvant actuellement dans l’impasse totale, le calendrier électoral global devenu irréalisable, il est difficile de faire face aux contraintes politiques, techniques, logistiques et financières. Ainsi, ce décor étant planté, nous risquerons d’amener le pays à une implosion.
11. SOLUTION
Etant donné que le cycle électoral 2011-2016 accuse un grand retard du point de vue organisationnel des échéances électorales, il est souhaitable de s’investir dans l’émergence d’un consensus électoral large et solide afin de sauver le processus électoral congolais qui est au bord de la dérive. Si la solution politique n’est pas trouvée d’ici décembre 2015, la tenue des scrutins présidentiel et députation nationale serait hypothéquée.
Le Dialogue politique est impératif et incontournable pour dégager un consensus électoral et un compromis politique.
La tenue des élections consensuelles et apaisées en dépend.
12. CONCLUSION
Le processus électoral congolais est au bord de la dérive, mais il y a encore de l’espoir à travers les prémices électorales ci-après :
1) Emergence d’un consensus électoral et politique fruit du dialogue ;
2) Réaménagement du calendrier électoral global ;
3) Révision du fichier électoral intégrant les nouveaux majeurs et la diaspora ;
4) Audit externe du fichier électoral.
Ces quatre (4) exigences ci-dessus constituent une sortie de l’impasse électorale actuelle
Fait à Kinshasa, le 01 Octobre 2015
Pour l’Expert,
Jérôme M. BONSO
Ø Président / LINELIT9
Ø Coordonnateur / AETA10
11 CENI : rapport annuel Juin 2014 – Mai 2015, page 22.
12 CENI : rapport annuel Juin 2014 – Mai 2015, page 23.
13 Opinion publique : classe politique Congolaise
14 PALU : Pari Lumumbiste Unifié
15 UDPS : Union pour la Démocratie et le Progrès Social
16 M.P : Majorité Présidentielle
17 G7 : Groupe de sept partis politiques qui ont quitté la Majorité présidentielle
18 PPRD : Parti pour le Peuple et la Reconstruction de la Démocratie
19 LINELIT : Ligue Nationale pour les Elections Libres et Transparentes
20 AETA : Agir pour des Elections Transparentes et Apaisées