Procès Chebeya à la Haute Cour Militaire : Prison à vie requise contre Col. Mukalay et consorts !

Vendredi 14 août 2015 - 12:32

Après cette requête exprimée hier jeudi par le Ministère public, le sort de l’ex-numéro 2 des services spéciaux de la Police nationale et de ses co-accusés dépend désormais de la prestation de la défense dont la plaidoirie est fixée au jeudi 20 août et de la décision des juges

Le procès en appel sur le double assassinat de l’activiste des droits humains Floribert Chebeya et son chauffeur Fidèle Bazana qui se déroule à la Haute Cour militaire tend vers la fin, bien que toutes les batteries soient mises en marche pour soustraire le général John Numbi Tambo Banza des poursuites judiciaires, alors que cet officier est présenté comme le suspect N°1 dans cette affaire.

Après les plaidoiries des avocats des parties civiles, le Ministère Public a, dans un réquisitoire fait au cours de l’audience d’hier jeudi au centre pénitentiaire et de rééducation de Makala, demandé la prison à vie contre le Colonel Daniel Mukalay wa Mateso, ex-numéro 2 des Services spéciaux de la Police Nationale, et contre sa bande dont l’inspecteur principal François Ngoy Mulongoy, Blaise Mandiangu Beleri, George Kitungwa, Michel Mwila pour association de malfaiteurs et assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

Ces cinq policiers dont trois avaient été acquittés au premier degré par la Cour Militaire de Kinshasa/Gombe risquent donc d’être condamnés à des peines de servitude pénale à perpétuité pour association de malfaiteurs et assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

Ces deux activistes des droits de l’homme auraient été torurés et étranglés le 1er Juin 2010 dans les installations de l’Inspection Générale de la Police Nationale Congolaise, dans la Commune de Lingwala, rappelle-t-on.
La réquisition du Ministère public n’est qu’une requête.

Le dernier mot revient donc aux juges. C’est dire que le sort du colonel Daniel Mukalay et ses co-accusés dépend non seulement des juges, mais aussi de la manière dont leurs avocats vont prester lors des plaidoiries de la défense qui débutent le jeudi 20 Août 2015 à la Prison Centrale de Makala, dans la Commune de Selembao.

Le réquisitoire du Ministère public a été qualifié de méchant par les avocats de la défense mais saluée par les avocats des parties civiles dont Me Richard Bondo, coordonateur du collectif de ces avocats.

Pour Me Bondo, la sentence proposée répond à leurs attentes, étant donné que les prévenus qui étaient condamnés à mort par le premier juge seront condamnés à des peines de servitudes pénales à perpétuités pour association de malfaiteurs et assassinat de Chebeya et Bazana.

» Pour les parties civiles qui continuent à pleurer Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, ce réquisitoire est humaniste et répond à la mémoire des illustres disparus, Chebeya et Bazana « , a souligné Me Bondo.

Contrairement à ce que d’aucuns pensent, le MP a montré hier dans son réquisitoire qu’il reste l’allié traditionnel des parties civiles en requérant la prison à vie contre les bourreaux de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Il a même corrigé le premier juge dont l’arrêt avait rejeté l’infraction » association de malfaiteurs « .

Le Ministère public a montré de manière méthodique les caractéristiques et le rôle joué par chaque policier dans cette macabre affaire . Il a considéré le Colonel Daniel Mukalay comme le cerveau de la bande qui a assassiné Chebeya et Bazana, . Quant à Blaise Mandiangu, il est considéré comme la courroie de transmission, tandis que Michel Mwila est qualifié de » hibou « .

Quant au policier à François Ngoy Mulongoy, acquitté au premier degré, il avait arrêté l’enregistrement de visiteurs à partir de 12 heures en date du 1er juin 2010 pour effacer les traces du double crime, alors que les relevés téléphoniques indiquent qu’en date du 1er juin, Chebeya était bel et bien à l’IG/PNC. Le MP a demandé à la Haute Cour Militaire de corriger l’erreur du premier juge en déclarant recevables et fondées les actions des parties civiles.

Il faut pour cela attendre dans une semaine les plaidoiries des avocats de la défense et ceux de la République pour se faire une idée sur la suite de ce procès où l’on continue à déplorer la soustraction du Général John Numbi des poursuites judicaires, alors que ce dernier est considéré par les parties civiles comme le suspect No 1 dans cette affaire.

Rappel des faits

Convoqué le 1er juin 2010 par le général John Numbi Banza Tambo, alors inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC), Floribert Chebeya, responsable de l’ONG » La Voix des Sans Voix « , avait été retrouvé sans vie le 2 juin 2010, le matin, dans son véhicule, tandis que son chauffeur Fidèle Bazana est porté disparu jusqu’à ce jour.

A l’issue d’un procès marqué par de nombreux incidents, la Cour militaire de Kinshasa a reconnu, le 23 juin 2011, la responsabilité civile de l’Etat congolais dans l’assassinat de Chebeya ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de Bazana par plusieurs de ses agents et a condamné 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité.

Mais, trois des condamnés à mort sont toujours en cavale, et trois policiers dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés.

Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, s’est déclarée incompétente pour instruire les questions procédurales et a décidé de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui a suspendu de fait la procédure judiciaire d’appel.

Le 21 avril 2015, après près de deux ans d’interruption, le procès en appel a repris devant la Haute cour militaire.
En première instance, comme actuellement en appel, aucune procédure judiciaire n’a été engagée par les autorités congolaises pour instruire le rôle joué par le général John Numbi. Celui-ci a été depuis remplacé à la tête de la police nationale. Ce, malgré l’existence des preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs assassinés.

Depuis le double assassinat de Chebeya et Bazana, des voix s’élèvent à travers le monde pour exiger toute la lumière sur cette affaire. Mais à voir la manière dont le procès se déroule au pays, d’aucuns parlent déjà d’une parodie de justice consacrant l’impunité à l’endroit des auteurs intellectuels de la mort de Chebeya et Bazana.

Par Godé Kalonji Mukendi