RDC: soeur Maria, une existence vouée à donner la vie, au risque de la sienne

Dimanche 28 juin 2015 - 13:09

«Le service d’accoucheuse, ça me donne beaucoup de joie parce que Dieu donne la vie, mais il n’accouche pas», confie Maria Concetta Esu, soeur italienne ayant aidé plus de 34.000 bébés à naître dans le nord-ouest instable de la République démocratique du Congo.

Lunettes sur le nez, petite et frêle, la religieuse sarde fêtera ses 81 ans le 8 juillet. Difficile à croire : elle sillonne toujours d’un pas énergique la maternité de sa congrégation à Zongo, dans le nord de la province de l’Équateur.

Après une formation d’infirmière en Italie et une autre en médecine tropicale en Belgique, qui colonisait alors le Congo, elle a posé ses valises dans le nord de l’Équateur en 1959, un an avant l’indépendance du pays.

A Zongo, une quarantaine de bébés naissent chaque mois dans la maternité de la mission des Filles de Saint-Joseph de Genoni, son ordre. En tout, soeur Maria dit avoir aidé environ «34.600» enfants à venir au monde. Certains portent son nom.

Récemment, elle a rencontré le Pape François. «Je lui ai demandé de bénir mes mains, parce qu’elles touchent tous les enfants», raconte la none, dont les équipements de santé, surtout fournis par la coopération italienne, sont plus modernes que dans plusieurs grandes villes du pays.

La soeur, qui parle impeccablement le lingala, langue la plus répandue en Équateur, a été le témoin de grandes crises. Elle n’a pas toutes les dates en tête mais raconte d’emblée l’époque où le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) a rebaptisé le pays Zaïre et décidé d’un «retour à l’authenticité» africaine.

- Saccages -

Considérés comme une importation de l’Occident, les édifices chrétiens sont alors saccagés - «on a enlevé toutes les statues chrétiennes de la mission» - et il est interdit de baptiser son enfant avec un nom chrétien, se rappelle soeur Maria.

Autre souvenir marquant : l’entrée de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL), la rébellion de Laurent-Désiré Kabila qui, appuyé par le Rwanda, chassa du pouvoir Mobutu, originaire du nord de l’Équateur, à l’issue de la première guerre du Congo (1996-1997).

«Dans notre mission, ils sont entrés et ont tout volé. Avec deux consoeurs, nous sommes allées à la maternité avec les malades, croyant qu’on aller respecter cet endroit, mais ils ont tout détruit et on m’a enfermée dans une chambre avec un orphelin de trois mois.»

Soeur Maria se rappelle qu’un militaire l’a protégée d’un autre qui voulait la tuer. «Il lui a dit : Il faut la laisser, c’est elle qui accouche nos femmes».

Après cet épisode, elle traverse l’Oubangui et se réfugie pour un mois à Bangui, la capitale centrafricaine, juste en face de Zongo.

Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), affirme la soeur, la mission n’a subi aucun pillage des rebelles de Jean-Pierre Bemba, qui tenaient la région.

Ancien vice-président congolais, M. Bemba est aujourd’hui jugé à la Cour pénale internationale pour des crimes que ses troupes auraient commis au début des années 2000 en Centrafrique.

Ces hommes avaient été envoyés en renfort au président centrafricain Ange-Félix Patassé, alors menacé par la rébellion de François Bozizé, qui prendra finalement le pouvoir en 2003. Pendant la guerre, de nombreux Centrafricains se réfugient en RDC sur la rive gauche de l’Oubangui. A Zongo, ils peuvent compter sur l’assistance de la mission des sœurs.

- Ne pas déserter -

En mars 2013, M. Bozizé est chassé à son tour par la Séléka. Les exactions de cette rébellion à dominante musulmane poussent à la création des milices anti-balaka, majoritairement formées de chrétiens, et le pays bascule dans des violences inter-religieuses qui font des milliers de victimes et provoquent un nouvel afflux de réfugiés.

La mission accueille et soigne des blessés. Prônant la fraternité, les soeurs refusent d’accéder aux demandes de ceux qui ne veulent pas partager leur chambre avec un patient d’une autre religion que la leur.

Alors que la RDC s’achemine vers un cycle d’élections devant s’achever par la présidentielle de novembre 2016, sœur Maria craint de nouveaux troubles.

Les tensions sont fortes dans le pays. Le président Joseph Kabila est au pouvoir depuis l’assassinat de son père Laurent-Désiré en 2001. La Constitution interdit au chef de l’État de se représenter mais l’opposition le soupçonne de manoeuvrer pour se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son mandat.

Si une nouvelle crise devait éclater, la soeur octogénaire n’envisage pas de s’enfuir. «Moi, je veux rester ici. Je ne veux pas être déserteur !» dit-elle : «J’ai donné toute ma vie ici, je donnerai aussi mes os.»

 

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