RDC: vers une modification des règles de l'élection présidentielle?

Mardi 18 août 2015 - 06:23
Le ministre congolais des Relations avec le parlement, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, un ardent partisan d'un troisième mandat du président Joseph Kabila - actuellement interdit par la Constitution de la République démocratique du Congo (RDC) - a préconisé une modification constitutionnelle pour faire sauter ce verrou. "Je plaide pour l'instauration du scrutin indirect pour l'élection du président de la République. Dans le contexte congolais, ce mode de scrutin aura le mérite de réduire sensiblement la contestation à l'issue de la publication des résultats des élections. Un corps électoral de 500 ou 600 grands électeurs élus au niveau local permettrait au pays de faire d'une part l'économie des moyens et de l'autre celle de la contestation", a-t-il affirmé ce week-end au cours d'une interview accordée à l'agence Belga lors d'un passage en Belgique. Selon M. Kin-Kiey, une telle élection indirecte "ne sera pas une exception congolaise puisque sur le continent - Afrique du sud, Angola - ou dans le monde - États-Unis par exemple -, plusieurs pays élisent déjà leur président de la République de cette manière". Le second mandat de M. Kabila expire dans seize mois et une élection présidentielle, couplée à des législatives, doit se tenir le 27 novembre 2016 pour conclure un cycle électoral complet, censé débuter le 25 octobre prochain par des scrutins locaux. M. Kin-Kiey, qui fut en 1997 le dernier porte-parole de l'éphémère dernier gouvernement du maréchal Mobutu Sese Seko avant de rejoindre la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD soutenu par le Rwanda), plaide désormais pour une mobilisation de tous les Congolais autour de la personne de M. Kabila au nom du "salut national", alors que le pays "se normalise" après des décennies de troubles et de guerres civiles. "Kabila a encore des miracles à produire s'il veut apporter le bien-être partout dans ce pays", a souligné le ministre dans son "appel de Masimanimba", lancé le 27 juin depuis son fief de la province du Bandundu (ouest de la RDC). Selon lui, l'un des arguments pour une élection présidentielle indirecte est l'aspect financier. Le coût du cycle électoral (sept scrutins en tout en une bonne année) est de 1,2 milliard de dollars, alors que la RDC "peine à mobiliser un budget annuel de sept milliards" - en dépit de ses immenses richesses géologiques, forestières et hydrauliques. M. Kin-Kiey suggère dès lors une modification de la Constitution de 2006 - déjà adaptée en 2011 pour faire de la présidentielle un scrutin à un seul tour. Interrogé sur la voie à suivre (parlementaire, via une réunion du Congrès, rassemblant Assemblée nationale et Sénat, ou par référendum, il assure que "c'est à débattre". "Les députés peuvent être réélus indéfiniment et (la chancelière allemande Angela) Merkel en est à son troisième mandat" à la tête du gouvernement allemand, a-t-il fait valoir. La limitation à deux mandats prévue dans la Constitution congolaise, "c'était idyllique, c'était le rêve, faisons comme notre colonisateur", en oubliant "qu'il y a un contexte congolais et africain", a poursuivi le ministre. En janvier, une contestation populaire sans précédent depuis longtemps dans le pays contre un projet de la loi électorale susceptible de prolonger le mandat de M. Kabila avait fait entre 27 et 42 morts, selon les sources. Mais M. Kin-Kiey, par ailleurs initiateur d'une campagne "Kabila Désir" qu'il a lancée pour promouvoir le bilan de M. Kabila, estime que ces réticences peuvent être vaincues par le dialogue. Selon lui, M. Kabila pourrait lancer ce dialogue "sans tabou" dès le mois d'octobre après avoir mené de larges "consultations" au printemps, qui n'ont encore débouché sur aucun résultat concret. L'opposition congolaise est divisée sur la participation à cet éventuel dialogue et son principal parti, l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) du vieil opposant historique Etienne Tshisekedi, 82 ans, est miné par des querelles intestines.