Révélations sur le tête-à-tête Kabila -Reynders - De Croo

Vendredi 27 février 2015 - 08:24

Que se sont dits Joseph Kabila, Didier Reynders et Alexander De Croo le mercredi 25 février dernier à la Présidence de la République ? Ce tête-à-tête, que la presse belge n’a pas été autorisée à couvrir, a laissé planer le mystère. Pendant plus d’une heure, le chef de l’Etat congolais a conféré avec les deux Vice-Premiers ministres belges, abordant des sujets divers, y compris les plus fâcheux.

Lorsque Didier Reynders et Alexander De Croo débarquent à la résidence de l’ambassadeur de Bruxelles à Kinshasa après l’audience que venait de leur accorder le président de la République, quelques heures avant leur retour en Belgique, ils ont l’air épuisé. Epuisés après une mission de quatre jours qui a démarré le samedi 21 février dernier et qui les a conduits de Kinshasa à Goma, avant leur retour dans la capitale.
Chemises blanches, cravates rayées, les deux membres du Gouvernement fédéral belge ont dû se débarrasser de leurs vestes pour parler avec une poignée des journalistes congolais, dans un climat tout à fait décontracté. "Vous avez juste vingt minutes pour l’entretien avec les Vice-premiers ministres", lâche aussitôt l’ambassadeur Latschenko qui venait aussi d’accompagner ses hôtes à la Présidence de la République.

TOUTE L’ATTENTION SUR LE BUDGET DES ELECTIONS
"Comment réagissez-vous face à la récente interpellation lancée par le président Kabila aux diplomates en poste à Kinshasa ?", largue subitement une correspondante d’une agence internationale. "On vient d’en parler longuement avec Kabila, et de manière détendue", rétorque, tout souriant, Didier Reynders, rivant les journalistes qui l’entouraient d’un regard profond, derrière ses glaces.
"Il faut reconnaître, poursuit-il, qu’il y a eu un moment de forte tension en République démocratique du Congo sur l’article 8, alinéa 3, de la Loi électorale. On a pu trouver une solution adéquate en proposant rapidement un calendrier électoral qui fixe même la date de l’élection présidentielle au 27 novembre 2016… conformément à la Constitution. Et maintenant, toute l’attention est rivée sur le budget à élaborer".

SAVOIR COMBIEN KINSHASA VEUT MOBILISER POUR LES ELECTIONS

Loin de vouloir céder à la polémique, le Vice-Premier ministre belge en charge des Affaires étrangères recadre son entretien en expliquant à la presse les trois sujets sur lesquels lui et son homologue belge de la Coopération au développement ont discuté avec le Magistrat suprême de la RDC : les élections, la sécurité et la coopération. Les trois thèmes qui ont guidé la mission des deux membres du Gouvernement fédéral du Royaume de Belgique.
A propos des élections, Didier Reynders se réjouit de voir que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a élaboré un calendrier qui fixe un chronogramme global sur les différentes élections. "Nous, on est prêt à soutenir la RDC dans sa démarche, souligne-t-il. Pour qu’elle puisse respecter le processus constitutionnel, en organisant notamment la présidentielle et les législatives dans le délai".
Quant au financement du cycle électoral, le Vice-Premier ministre belge en charge des Affaires étrangères propose sa contribution pour aider le Gouvernement congolais à rendre le calendrier électoral réaliste. Didier Reynders suggère à l’Exécutif congolais de répartir les coûts de chaque opération électorale, et d’identifier sa part de contribution sur le budget global que la CENI estime à environ un milliard de dollars. "On veut savoir aujourd’hui combien le Gouvernement congolais veut mobiliser pour les élections", signale-t-il.
En parlant avec le président Kabila et bien d’autres membres du Gouvernement, le patron de la diplomatie belge assure avoir compris le souci et la volonté des gouvernants congolais de financer d’abord eux-mêmes ces élections, avant de solliciter un quelconque appui extérieur. Sans vouloir révéler le montant que la Belgique pourrait mobiliser, Reynders s’appuie plutôt sur ’’la communauté internationale’’ qui, selon lui, ’’est disposée à appuyer la RDC au moment opportun’’. "Si on peut aider, on le fera", fait-il remarquer.

COLLABORER AVEC LA MONUSCO CONTRE LES FDLR
Sur un autre chapitre, le ministre belge des Affaires étrangères affirme avoir fait comprendre au chef de l’Etat congolais le bien-fondé de collaborer avec la Communauté internationale, et en l’occurrence la Monusco, dans la guerre qu’il a déclenchée, au courant de la semaine, contre les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). "La Belgique, rappelle-t-il, a formé des troupes de l’armée congolaise et a contribué à la lutte contre les milices de M23 et des ADF/Nalu".
Informé sur les atrocités que ces milices ont opérées au Nord-Kivu où ils ont égorgé à l’arme blanche des populations civiles, particulièrement à Beni, Didier Reynders estime qu’il faut mobiliser la communauté internationale pour combattre ces mouvements intégristes qui semblent se comporter comme les terroristes décriés en Afrique de l’Ouest, au Nord de l’Afrique, en Asie et en Europe. Si risque terroriste il y a, il serait nécessaire d’amorcer déjà une lutte régionale, martèle le patron de la diplomatie belge.

NON A L’ENRICHISSEMENT D’UNE INFIME MINORITE
Pour sa part, Alexander De Croo avoue avoir rencontré huit ministres congolais durant son séjour en RDC. Il affirme avoir mis à profit sa mission pour visiter, à Goma comme à Kinshasa, des projets locaux appuyés par la Coopération technique belge.
Le ministre à la Coopération au développement se plait d’avoir palpé du doigt des projets à impact visible dans les recoins de Kinshasa, notamment à Kingasani où a été installé un projet d’adduction d’eau potable en faveur des populations démunies. De même, juge-t-il utile d’aider les populations victimes de guerre à l’Est du pays à améliorer leurs conditions de vie de manière durable, après l’intervention des humanitaires.
"Le Congo, clame Alexander De Croo, a besoin d’un développement économique. La majorité des Congolais étant des agriculteurs, il faudrait les appuyer dans ce secteur pour qu’ils arrivent à subvenir à leurs besoins. Et pour ce faire, il importera d’investir dans les infrastructures en vue de désenclaver le pays. Il faudrait, en outre, favoriser la stabilité juridique et fiscale si l’on veut attirer les investisseurs et leur permettre de gagner des bénéfices. Tous ces éléments peuvent contribuer à la croissance inclusive en RDC, au bénéfice de toutes les couches de la population au lieu d’une infime minorité ». Yves kalikat