Salaires et chute des matières premières Le président nigérian Buhari ne fait pas des émules sur le continent

Mercredi 19 août 2015 - 09:42

L’Afrique vit essentiellement de ses ressources naturelles, pétrole, cuivre, diamant, bois, or, ou encore de ses cultures pérennes (cacao, café, thé) et autres cultures céréalières avec diverses fortunes. Mais les cours mondiaux de toutes ces matières sont en baisse continue depuis quasiment le dernier trimestre de 2014. Naturellement, les revenus sont au rabais. Face à la crise, puisque l’exemple vient d’en haut, le tout nouveau président nigérian, M. Buhari, a réduit son salaire de moitié. Sur la Toile, il pleut des invitations à ses pairs du continent pour lui emboîter le pas… se soumettre au régime de rigueur. « Que faisiez-vous au temps chaud? ». Cet apophtegme d’une des fables de la Fontaine, la «cigale et la fourmi», devrait plutôt interpeller les décideurs africains au lieu de se faire théâtreux en vue de s’attirer une certaine considération «occidentale».

N’est-ce pas gouverner, c’est prévoir. Sur le continent, des décideurs des Etats dont les ressources budgétaires sont largement tributaires des exportations des matières premières, ont pris, voilà au moins 5 ans , des mesures adéquates pour se prémunir la bourrasque qu’essuient derechef les cours des matières premières, après la crise de 2008.

Début 2012 déjà, le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, a reconnu que des risques baissiers élevés pesaient sur l‘économie r-dcongolaise comme sur l’ensemble des économies subsahariennes en 2012 et 2013. Ces perspectives économiques plutôt moroses sont, en effet, liées à la conjoncture mondiale. Que cette dégradation substantielle de la conjoncture mondiale pourrait affecter l’économie de la R-dC, particulièrement dans le secteur d’exportations des produits miniers du fait de la diminution des cours des matières premières. Remède : «Il pourrait s’avérer indispensable de rendre les politiques macroéconomiques plus rigoureuses, a prévenu le Premier ministre, afin de préserver le fragile équilibre macroéconomique et de contenir l’inflation», dixit Matata. Qui toutefois tenait à un taux de croissance à deux chiffres. Une performance manquée de justesse, à quelque 0,5% près, durant ces trois dernières années.
Toutefois réduction du salaire suppose avant tout sa publication. Pas facile de savoir combien gagne un Chef de l’Etat ou même un Premier ministre sur le continent. Pourtant, le salaire mensuel officiel de Barack Obama est de 24 264 euros. Quant à François Hollande, il touche 13 764 euros par mois. Le Russe Vladimir Poutine perçoit mensuellement 7 460 euros. Selon une enquête de nos confrères de Jeune Afrique qui se fonde sur les rares Etats où le salaire d’un Chef de l’Etat ne relève pas du secret d’Etat, il s’avère que le Sud-Af Jacob Zuma serait le chef d’État le mieux payé d’Afrique avec un salaire mensuel officiel de 19.765 euros. Et le Camerounais Paul Biya semble être le dernier avec de maigres revenus de juste 200 euros par mois. Conséquence de la dégringolade des cours de l’or noir, le président nigérian Muhammadu Buhari ne recevra que 50 % du salaire versé à son prédécesseur, Goodluck Jonathan. L’annonce de cette mesure a été faite le 10 juillet dans un communiqué par Garba Shehu, porte-parole du président nigérian. Selon la commission fiscale, le salaire annuel de Muhammadu Buhari est pour le moment estimé à 70 000 dollars, indemnités y comprises. Le vice-président du Nigéria, Yemi Osinbajo est aussi concerné par cette décision d’austérité. Son salaire annuel de 12 126 290 nairas sera aussi divisé par deux. Pour le numéro un nigérian, diriger c’est avant tout servir. Muhammadu Buhari a, en effet, dit approuver la réduction de son salaire en vue de renflouer le Trésor public et de permettre le paiement des salaires des fonctionnaires à temps réel. L’opinion publique au Nigéria pousse aussi députés et sénateurs à faire de même. Les sénateurs et députés du Nigeria touchent mensuellement l’équivalent de 12 000 euros, quasiment 12.000 dollars. En RDC, selon une source à la Primature, les 500 députés de la RDC touchent chacun l’équivalent de 14.000 dollars. Alors que le budget du Nigéria vaut plus d’une dizaine de fois celui de la RDC, à peine 9 milliards de dollars dont un peu moins de 5 milliards en ressources propres, réellement mobilisées.
POLD LEVI