VIH: «Il reste du chemin à faire dans la lutte contre le sida»

Mercredi 4 mars 2015 - 12:17

Une étude de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), basé à Marseille, a démontré que les variantes O et P du VIH-1 étaient originaires de gorilles du sud-ouest du Cameroun. Les résultats ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 2 mars. Martine Peeters, virologue, a piloté les travaux. Elle nous en dit plus.
Au terme de 8 ans de recherches, vos travaux ont permis de lever le voile sur l’origine des variantes O et P du VIH-1. Qu’avez-vous découvert ?

Il existe quatre variantes du virus. Le groupe M est responsable de 99% de la pandémie mondiale, le groupe O est surtout présent au Cameroun et dans les pays voisins, et il aurait infecté 100 000 personnes. Les groupes N et P auraient infecté entre 2 et 20 personnes. On savait depuis 2006 que les variantes M et N du virus du sida avaient été transmises à l’homme par le chimpanzé. Nos travaux ont démontré que les deux autres variantes O et P étaient originaires de gorilles présents dans le sud-ouest du Cameroun. Nous avons récolté des échantillons de fèces de gorilles dans de nombreux pays africains (Cameroun, Gabon, Centrafrique, Congo, RDC, Ouganda). Nous avons ensuite fait des analyses moléculaires pour confirmer la présence du virus, et comparé ces résultats avec toutes les souches que nous connaissions chez les primates et l’homme. Nous nous sommes rendu compte que certains virus présents chez le gorille étaient proches du VIH chez l’homme. Il est tellement proche qu’on peut conclure qu’il s’agit du virus à l’origine de la transmission à l’homme.
Pour arriver à ces résultats, vous avez passé des semaines à observer les gorilles dans des forêts d’Afrique centrale. Un travail de longue haleine…

Dans certains endroits, nous arrivions à identifier rapidement la présence des gorilles et à trouver des échantillons en suffisamment bon état. En quelques semaines, nous pouvions récolter 30 à 40 échantillons. C’est un travail intensif, qui prend beaucoup de temps. On ne peut pas prélever des échantillons de sang car le gorille est un animal protégé, et même si nous avions eu une autorisation, ce n’est pas réaliste. Ces grands singes vivent dans les arbres, il aurait fallu les endormir dans la forêt. Les animaux risqueraient de se blesser, donc ce n’est pas possible. Il n’y a que de façon non invasive que l’on peut les étudier. Dans un second temps, le travail d’analyses génétiques a lui aussi été très intensif. Il a fallu reconfirmer les espèces, après les avoir identifiées sur le terrain.
Aujourd’hui, sait-on précisément comment le sida est devenu une pandémie mondiale ?

Le virus s’est établi dans la population de Kinshasa (actuelle capitale de la République Démocratique du Congo) en 1920. Avec l’essor des voies de communication, il s’est développé dans les Antilles, en Haïti, aux Etats-Unis et en Europe. L’expansion du virus a pris plusieurs décennies car la maladie n’est pas perceptible immédiatement. Elle se développe plusieurs années après l’infection par le virus. Le VIH a été identifié pour la première fois dans les années 1980 aux Etats-Unis. Il n’avait pas été dépisté avant en Afrique, à cause du manque de structures médicales.
Où en est-on dans la lutte contre l’épidémie du sida qui a infecté 75 millions de personnes ?

La pandémie n’est pas encore stoppée, mais on a fait beaucoup de progrès. Aujourd’hui, beaucoup plus de gens ont accès aux traitements en Afrique grâce aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), aux médicaments génériques qui ont fait baisser les prix et à l’aide internationale. 30 à 50% des gens qui ont besoin d’un traitement y ont accès en Afrique, un chiffre qui varie selon les pays. Il reste tout de même encore du chemin à faire.

http://www.20minutes.fr/sante/1554327-20150304-reste-chemin-faire-lutte-contre-sida